Un imaginaire transculturel – Georges Bertin (Editions Cosmongone – Mars 2018)
Réflexions sur les incidences de la mondialisation ainsi que du développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans les champs de la culture et de la socialité. Les notions de transculturalité, envisagée comme la tradition croisée avec la révolution numérique, et de métissage sont particulièrement examinées.
Notre village global baigne dans le carrefour incessant et accéléré par les réseaux, des échanges culturels, et ce, au rebours de nos identités figées, des ukases frileux de nos Jobelins bridés contemporains. Pour saisir ces mutations, changer notre regard, pour rendre intelligible notre imaginaire social, il nous faut adopter une lecture planétaire, si ce n’est cosmique, de l’humanité et de son devenir, une lecture fluide, dynamique et transitionnelle de notre vision du monde..
Après l’homme unidimensionnel produit par l’objectivité causale linéaire, penser l’homme transculturel, c’est, empruntant les chemins de la Tradition croisés avec ceux de la révolution numérique, faire retour à « l’unité perdue de la Nature humaine », prendre acte de savoirs médiateurs nous conduisant vers une nouvelle gnose, vers la reconnaissance de ce qui advient.
Georges Bertin, né en 1948, socio-anthropologue, directeur de recherches en sciences sociales, retraité du Conservatoire National des Arts et Métiers est membre du Centre international de recherches sur l’Imaginaire, essayiste et conférencier, auteur de plus de 25 ouvrages.
« Nous vivons un moment de décision, critique, comme le temps qui a vu notre civilisation passer du volumen de parchemins au codex, du roman au gothique, de l’écriture réservée aux clercs à celle qui s’adressait au vulgus grâce à la découverte de l’imprimerie et du caractère mobile, ou encore de la naissance de la parole portée au loin par les ondes radiophoniques, puis par la TV, et maintenant par Internet, lequel tisse désormais les fils de notre vie.
En ce début de millénaire, nos systèmes de communication et de diffusion culturelle polarisent antagonismes et rapprochements entre sociétés du Nord et du Sud, entre civilisations occidentales et orientales, entre culture de masse et cultures du quotidien, sur fond de prétention à l’Universalité de la culture occidentale.
Nous observons, sur la longue durée, le glissement des modèles des imaginaires qui nous constitue, depuis les sociétés de la logosphère se pensant dans le retour du même (temps cyclique) à celles de la numérisphère que nous vivons désormais à chaque instant via celles de la graphosphère fondatrice de progrès, accordant une exacte définition des moments du temps renforcé par la tyrannie des horloges (temps uniforme) des sociétés modernes. Aussi nous ne pouvons qu’aller dans le sens de Mc Luhan écrivant « l’horloge a arraché l’homme au monde que rythmait le retour des saisons aussi complètement que l’alphabet l’avait libéré de la magie résonnante de la parole et de la fosse tribale ». Et voici, écrit-il encore, que « la pluralité des temps succède à l’uniformité du Temps ». Nous vivons donc une mutation considérable d’une socialité fondée sur la concaténation des marginalités (Maffesoli), temps de synthèses et de syncrétisme amplifié par l’accélération des échanges digitaux.
Incontournable loi des altérations produites par le métissage et produisant du vivant… À chaque étape, expressions multiples, confrontations, en font évoluer les formes de façon saisissante, hantées par des sources puisées au creux des révoltes qui les ont secrétées. Il nous semble aujourd’hui maintenant que la « société des réseaux » qui prend corps sous nos yeux peut se lire dans des termes approchants. Tout s’y joue en effet sur le registre :
. de ce qui est (quand les réseaux numériques véhiculent entre les personnes histoires individuelles, personnes, représentations souvenir…) ou met en commun des expériences existentielles comme nous le constatons en observant ce qui se partage, par exemple, sur le web, à propos des Chemins de Compostelle ;
. de ce qui peut être (quand sont sollicitées à travers le globe, en un ballet baroque et créatif les ressources iconographiques de l’espace virtuel) et qui donc advient.