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UN FRANC-MACON DEMYTHIFIE LA FRANC-MACONNERIE | RTL.BE


La franc-maçonnerie, tradition mystérieuse remplie de symboles, intrigue et suscite la curiosité. Est-ce une secte? Les franc-maçons dirigent-ils le monde? Prennent-ils des décisions politiques dans l’ombre? Sont-ils à l’origine des conflits, guerres et révolutions? De nombreux mythes et spéculations entourent cette coutume, mais peu savent réellement en quoi elle consiste… Rencontre avec un franc-maçon pour tenter de démythifier la plus grande société secrète du monde.

« C’est une expérience extrêmement riche. Franchement, si c’était à refaire, je re-signerais demain », noue confie Olivier. Cet enseignant dans le supérieur a intégré la franc-maçonnerie en 2016. Depuis, il se réunit, chaque semaine, avec ses frères et sœurs de loge, au sein d’un atelier. Une tradition centenaire, très répandue en Europe… 

La légende de la franc-maçonnerie ne date pas d’hier. Elle émerge en Écosse, au 16e siècle, lorsque les maçons constructeurs de cathédrales décident de se réunir en loges afin de transmettre leurs savoirs. Un siècle plus tard, les premières loges maçonniques s’installent en Angleterre, puis à travers toute l’Europe. 

Les premiers membres sont des artisans du bâtiment qui souhaitent partager leurs connaissances techniques et morales. Des cérémonies et rituels sont utilisés pour transmettre les enseignements. C’est ce qu’on appellera, par la suite, les rites maçonniques.

À l’origine, la franc-maçonnerie est catholique. Mais en 1877, Le Grand Orient de France (GODF), principale obédience française, décide d’abolir l’obligation de croire en Dieu et en l’immortalité de l’âme. Elle souhaite plutôt s’inspirer des idéaux des Lumières, qui prônent la liberté, l’égalité et la fraternité. 

Au fil du temps, des centaines de loges se développent, et abordent divers sujets et centres d’intérêts. Ces rassemblements n’étant historiquement réservés qu’aux hommes, il faudra attendre la fin du 19e siècle pour que des obédiences mixtes ou exclusivement féminines voient le jour.

Olivier, lui, est affilié à l’obédience belge du « Droit Humain ». Il a choisi d’intégrer une loge mixte pour une raison bien précise. « L’intérêt de vivre dans des sociétés avec une forme de diversité culturelle, diversité d’âge, d’origine, de sexe ou peu importe, c’est cette richesse qu’on peut en retirer. Si le but du franc-maçon est d’entamer une quête d’amélioration de lui-même à travers les autres, il était hors de question pour moi de faire ça en dehors de la présence des femmes. Elles représentent quand même la moitié de l’humanité », nous explique-t-il.  

À l’heure actuelle, de nombreuses obédiences maçonniques existent à travers le monde. Les traditions varient, mais toutes s’engagent à respecter les principes moraux et les lois des pays dans lesquelles elles résident.

Si à l’époque, la franc-maçonnerie était réservée à l’élite, elle accueille maintenant des personnes provenant d’horizons totalement différents

« Au 19e siècle, c’était essentiellement une société bourgeoise avec des ingénieurs, des médecins et des personnes qui avaient un niveau de formation élevé. Progressivement, ça s’est enrichi aux autres, mais il faut l’avouer, ça reste réservé aux personnes plutôt cultivées », avoue Olivier.  

Pourquoi devenir franc-maçon?

Olivier nous explique que la franc-maçonnerie est un voyage personnel:« Chacun en a sa propre conception. Il n’y a pas de dogme, on ne professe rien. On ne te dit pas comment tu dois penser, c’est à toi d’interpréter ce que tu veux, comme tu le veux ».  

On est là pour confronter nos avis

Même si les obédiences ne sont pas toujours en accord sur leur les traditions, toutes visent à développer la spiritualité, la morale et l’intellect de leurs membres. Le but: offrir un espace d’échange, d’entraide et de réflexion sur des questions morales et philosophiques.  

Olivier le confirme. « C’est un lieu d’expérience où on peut présenter nos idées. On est là pour confronter nos avis », dit-il. Mais ce n’est pas la seule mission de la franc-maçonnerie… « Une des raisons d’être franc-maçon, c’est l’aspect philanthropique. Les loges soutiennent des projets à travers différentes associations. Chaque année, on a un budget qu’on décide d’allouer à une cause. Ça peut être des projets dans l’enseignement, dans l’inclusivité, dans l’aide humanitaire des pays en guerre…  », explique l’homme d’une cinquantaine d’années.  

Il ajoute ensuite: « On met aussi de côté en cas de nécessité, s’il faut porter aussi assistance à quelqu’un qui serait en difficulté dans la loge. On peut prêter de l’argent ou donner un coup de main à la famille ou aux enfants d’un de nos frères si besoin ».  

Comment le devenir?

Tout le monde sait que ne devient pas franc-maçon qui veut. L’enrôlement est confidentiel, et le procédé de recrutement est très strict.  

Il existe trois manières d’entrer en franc-maçonnerie: être approché par un membre actif, approcher un manque actif, ou postuler de manière spontanée dans l’obédience souhaitée. 

La franc-maçonnerie est sélective, et les candidats doivent répondre à certains critères. « En général, ça arrive au moment où les personnes courent moins pour leurs questions de survie au quotidien. Ils ont acquis une forme d’expérience professionnelle, et ils sont dans une période qui leur permet de se poser des questions plus existentielles, moins terre-à-terre et moins dans l’urgence et l’alimentaire », explique le franc-maçon.  

Lorsqu’une candidature est retenue, une enquête est réalisée. Olivier raconte: »On va screener le candidat. On essaye de le sonder, de voir de qui il s’agit, de gratter le vernis et de voir ce qu’il y a derrière. Il faut qu’il soit dans le bon état d’esprit et prêt à s’engager ».

Quel est le fameux « secret maçonnique »?

En quoi consiste réellement le secret maçonnique, que les membres doivent tant respecter? Pour Olivier, celui-ci n’existe pas vraiment. « Il ne couvre rien. Aujourd’hui, avec Internet, cette histoire de secret n’a plus de sens. La seule réelle obligation, c’est de respecter l’anonymat des personnes qu’on y croise », raconte-t-il.  

Tout franc-maçon peut alors se dévoiler lui-même, mais n’est pas en droit de divulguer la qualité maçonnique des autres membres.

Le véritable secret est le vécu de chacun et, à ce titre, il est incommunicable

Les cérémonies, elles, se déroulent selon les symboles utilisés par les différentes obédiences. Olivier juge qu’il est inutile d’en dévoiler davantage:« Ça n’a juste pas de sens d’en parler pour ceux qui n’y participent pas, car ils ne connaissent pas les références aux histoires et symboles ». 

« En fait, le véritable secret est le vécu de chacun et, à ce titre, il est incommunicable », peut-on lire sur le site internet d’une obédience belge.  

Démythifier la franc-maçonnerie 

Un recruteur, un juge lors d’un procès ou un professeur ferait-il passer un frère avant les autres? Les francs-maçons doivent-ils se jurer fidélité? Gouvernent-ils le monde depuis leur cache secrète? 

La réponse est non. Il n’existe pas de théologie unique ni de règles à respecter lorsqu’on est franc-maçon, si ce n’est la loi. Olivier rétablit la vérité:« On a un devoir d’assistance entre nous en cas de danger, mais il n’y a pas de favoritisme ou de transgression de la justice. On s’entraide comme dans n’importe quelle communauté, mais je ne vais pas faire quelque chose que je trouve injuste sous prétexte qu’un de mes frères me l’a demandé. Ce serait même aller à l’encontre des valeurs maçonniques ».  

En ce qui concerne la politique, des diplomates peuvent être franc-maçons, mais ceux-ci ne possèdent pas plus d’influence au sein de leur loge. La loge, elle-même, n’influence pas non plus les politiques. « Certaines personnalités fréquentes les loges en pensant que ça leur permettra de rencontrer des gens et de développer un réseau. Oui, tu développes un réseau, mais un réseau d’humains. Ce n’est pas pour autant qu’ils te suivront partout où tu iras », rappelle l’homme.

Il ajoute même que la politique est généralement un sujet éviter lors des réunions.

C’est plus compliqué d’y rentrer que d’en sortir

Afin de se reconnaître entre eux, les frères et soeurs disposent de plusieurs signaux:« Il y a des phrases ou des mots qui nous permettent de nous repérer ». Mais Olivier ne veut pas en dire plus… »Ce n’est pas parce qu’il y a quelque chose à cacher, c’est juste que ça n’a pas de sens qu’on les divulgue pour que des personnes se prévalent d’être quelque chose qu’ils ne sont pas », explique-t-il.

Avant d’avouer:« Depuis que je suis rentré dans la franc-maçonnerie, je ne m’en suis jamais servi, et personne ne les a utilisés avec moi. Ça existe encore parce que ça perpétue l’image du secret, mais je trouve ça un peu ridicule ».  

Pour finir, non, cette pratique n’est plus seulement réservée à une petite élite bourgeoise. Des personnes provenant d’horizons différents peuvent y entrer. Et oui, il est totalement possible d’en sortir.

L’enseignant atteste:« Ce n’est pas une secte. Chacun fait ce qu’il veut. En fait, c’est même l’inverse, puisque c’est beaucoup plus compliqué de rentrer que de sortir. Si tu veux partir, tu envoies un écrit, tu démissionnes, et ça s’arrête là ».

A.S.: