Les athées ont-ils une place dans la franc-maçonnerie ?
La première des anciennes charges, « Concernant Dieu et la religion », commence ainsi :
« Un franc-maçon est obligé, de par son titre, d’obéir à la loi morale ; et, s’il comprend bien l’art, il ne sera jamais un athée stupide… »
Il est fondamental que tous les candidats à l’obtention du diplôme expriment leur croyance en la Divinité. Il est également fondamental que tous les candidats élus qui reçoivent le diplôme d’apprenti expriment publiquement leur croyance en la Divinité. Aucune loge n’accepterait la pétition d’un homme qui ne voudrait pas professer sa foi en la Divinité.
On nous enseigne qu’aucun athée ne peut devenir franc-maçon, et la raison généralement invoquée est que, faute de croyance en Dieu, aucune obligation ne peut être considérée comme contraignante. Les véritables raisons du refus des athées dans la Fraternité sont bien plus profondes. Nous ne sommes pas tout à fait exacts lorsque nous disons qu’aucune obligation ne peut être contraignante sans prêter serment. Nos tribunaux permettent à un Quaker de « déclarer » au lieu de prêter serment de dire la vérité, dans la mesure où la croyance religieuse d’un Quaker ne lui permet pas de prêter serment.
Cependant, un Quaker qui ment après avoir affirmé est passible de la même peine pour parjure que le fervent croyant en Dieu qui jure d’abord de dire la vérité et ne le fait pas ensuite. La loi tient pour véridique un homme qui affirme, tout comme celui qui jure de dire la vérité.
Aucun athée ne peut devenir franc-maçon, bien moins à cause du manque de force contraignante de l’obligation contractée par un tel incroyant, que parce que la Franc-Maçonnerie sait qu’un athée ne peut jamais être franc-maçon « dans son cœur ». Tout notre symbolisme est fondé sur l’érection d’un Temple au Très-Haut. Nos enseignements portent sur la paternité de Dieu, la fraternité des hommes fondée sur cette paternité et l’immortalité de l’âme dans une vie à venir. Un incroyant à tout cela ne pourrait en aucun cas être heureux ou satisfait dans notre organisation.
Il est possible d’élaborer de longues théories sur le mot, d’établir des distinctions subtiles, de citer des encyclopédies savantes et de produire un brouillard d’incertitude quant à la signification du mot « athée » aussi désespéré que stupide. Du point de vue de la franc-maçonnerie, un athée est un homme qui ne croit pas en la divinité. Cela soulève immédiatement une question beaucoup plus déroutante :
Cette question a tourmenté de nombreux érudits maçonniques et des milliers d’hommes moins avisés. Elle reste un sujet de perplexité pour beaucoup d’hommes qui craignent que l’ami qui leur a demandé de signer leur pétition soit un athée.
« Quelle est cette Divinité en laquelle l’homme doit croire ? »
Un tel Dieu anthropomorphe, dérivé de passages descriptifs de la Bible, complétés par des dessins d’artistes et cristallisés à une époque de foi simple, a donné une telle conception à beaucoup de ceux qui la trouvent adéquate.
C’est ici que surgissent tous les problèmes et toutes les inquiétudes. L’idée que l’homme se fait de Dieu diffère de l’homme lui-même, de son éducation, de sa formation religieuse initiale. Pour certains, l’image mentale de Dieu est celle d’un personnage imposant et vénérable, aux longs cheveux blancs et à la barbe flottante – le grand artiste Dore a ainsi représenté Dieu dans sa merveilleuse Bible illustrée. Une telle conception s’intègre naturellement dans un paradis aux rues dorées, où coulent le lait et le miel. Des anges vêtus de blanc font de la musique céleste sur des harpes dorées, tandis que la Déité juge entre le bien et le mal.
D’autres conçoivent la Déité comme un Esprit Lumineux, qui se déplace dans l’univers à la vitesse de la lumière, qui est « sans forme » parce que sans corps, mais qui est tout amour, intelligence, miséricorde et compréhension. L’homme qui croit au Dieu anthropomorphe décrit sa conception, puis demande au frère qui croit en un Esprit Lumineux :
« Crois-tu en mon Dieu ? »
Si la réponse est négative, le questionneur peut honnêtement croire que celui qui répond est athée. La divinité d’un scientifique, d’un mathématicien, d’un étudiant du cosmos au moyen du télescope et du témoignage de la géologie, peut-être ni anthropomorphe ni Esprit Lumineux, mais une puissance universellement répandue que certains appellent Nature ; d’autres Grande Première Cause ; d’autres encore Impulsion Cosmique.
Un tel homme ne croit pas au Dieu anthropomorphe, ni à Dieu en tant qu’Esprit lumineux. Doit-il appeler athées ses frères qui croient ainsi ? Ont-ils le droit de le qualifier ainsi ?
Pour le géologue, l’écriture de Dieu est gravée dans les roches et sur la terre. Pour le fondamentaliste, l’écriture de Dieu est gravée dans la Bible. Dans la mesure où le géologue ne croit pas à la chronologie de la vie terrestre telle qu’elle est décrite dans la Bible, le fondamentaliste peut traiter le géologue d’athée. A l’inverse, le géologue, convaincu que Dieu a écrit l’histoire de la terre dans les roches et non dans le Livre, peut traiter le fondamentaliste d’athée parce qu’il nie le témoignage clair de la science.
L’un est juste, et l’autre est tout aussi faux que l’autre ! Aucun des deux n’est athée, car « chacun croit en Dieu qui le satisfait ! »
Vous rechercherez la Franc-Maçonnerie depuis le Poème du Regius , notre document le plus ancien, jusqu’à la plus récente déclaration de la plus jeune Grande Loge ; vous lirez chaque décision, chaque loi, chaque édit de chaque Grand Maître qui ait occupé l’Orient Exalté, et vous ne trouverez nulle part un ukase selon lequel un frère doit croire au Dieu d’un autre homme. Nulle part dans la Franc-Maçonnerie d’Angleterre, de ses Provinces, ou des États-Unis et des Juridictions qui en dépendent, vous ne trouverez un Dieu décrit, catalogué, limité dans lequel un pétitionnaire doit exprimer une croyance avant que sa pétition puisse être acceptée.
Car la Franc-Maçonnerie est très sage, elle est vieille, vieille et la sagesse vient avec l’âge ! Elle connaît, comme peu de religions et aucune autre Fraternité ne l’ont jamais su, la puissance du lien qui réside dans la conception d’un Dieu illimité.
On a demandé un jour à un Français plein d’esprit : « Croyez-vous en Dieu ? » Il a répondu :
« Que veux-tu dire par Dieu ? Non, ne réponds pas. Car si tu réponds, tu définis Dieu. Un Dieu défini est un Dieu limité, et un Dieu limité n’est pas un Dieu ! »
Du point de vue de la franc-maçonnerie, un Dieu défini et limité n’est pas le Grand Architecte de l’Univers. Seul Dieu illimité par définition ; Dieu sans limites ; Dieu sous n’importe quel nom, quelle que soit sa conception, est le concept fondamental de la Fraternité, et croire en Lui est la condition fondamentale pour devenir membre.
Dans son diplôme de Fellowship, la Franc-Maçonnerie enseigne l’importance de la Logique. Il est parfaitement logique de dire que le fini ne peut pas comprendre l’infini ; un truisme aussi exact que de dire que la lumière et l’obscurité ne peuvent pas exister au même endroit au même moment, ou que le son et le silence ne peuvent pas être expérimentés au même moment. Un esprit qui peut comprendre l’infini n’est pas fini. Ce qui peut être compris par un esprit fini n’est pas infini. Par conséquent, il est logique de dire qu’aucun homme ne peut comprendre Dieu, puisque le seul esprit qu’il possède est fini.
Mais si un homme ne peut comprendre le Dieu en qui il doit exprimer sa croyance pour être franc-maçon, c’est évidemment le comble de la folie que de juger sa croyance d’après une compréhension limitée de la Déité. C’est la meilleure des raisons pour lesquelles la franc-maçonnerie ne fait aucune tentative de définition. Elle ne dit pas : « Voici ma conception de Dieu, croyez-vous en LUI ? » Elle ne dit rien, permettant à chaque requérant de penser à Lui de manière aussi limitée ou aussi infinie qu’il le souhaite.
L’agnostique dit franchement :
« Je ne sais pas en quel Dieu je crois, ni comment il peut être formé ou exister. Je sais seulement que je crois en quelque chose. »
La Franc-Maçonnerie ne lui demande pas de décrire son « quelque chose ». Si c’est pour lui ce qu’on peut appeler Dieu, aussi différent soit-il du Dieu de l’homme qui lui remet la pétition, la Franc-Maçonnerie ne lui demande rien de plus. Il doit « croire ». Comment il nomme son Dieu, comment il le définit ou le limite, quels pouvoirs il lui donne – la Franc-Maçonnerie ne s’en soucie pas.
Il est probable que la majorité de ceux qui professent l’athéisme se trompent dans la lecture de leurs propres pensées. Un athée peut être un homme honnête, un bon mari et père, un citoyen respectueux des lois, charitable et honnête. S’il en est ainsi, toute sa vie contredit ce que disent ses lèvres. Selon les mots du poète :
« Il vit par la foi que ses lèvres renie, Dieu sait pourquoi ! »
Bien des hommes ont réfléchi sur la foi, le ciel, l’infini et Dieu, jusqu’à ce que leur cerveau se soit affolé devant l’impossibilité de comprendre l’infini avec le fini, et qu’ils aient fini par dire avec désespoir : « Je ne peux pas croire en Dieu ! » Puis ils ont pris leur femme ou leur enfant dans leurs bras et y ont trouvé le bonheur, oubliant complètement le fait le plus profond, le plus simple de toutes les croyances et de toutes les religions : là où il y a l’amour, là aussi il y a Dieu !
Mais la Franc-Maçonnerie ne va pas au-delà des paroles ou des écrits. Comprenant parfaitement que beaucoup d’hommes qui nient avec défiance l’existence de Dieu ne sont pas en réalité des athées « dans leur cœur », notre Ordre insiste néanmoins sur une déclaration de croyance claire. Il n’y a pas de compromis dans la Franc-Maçonnerie ; ses exigences ne sont ni nombreuses ni difficiles, mais elles sont strictes.
Ayant accepté la déclaration, la Franc-Maçonnerie ne demande cependant aucune précision. « Aucun d’entre nous ne devrait remettre en question une déclaration. » Il ne nous appartient pas de laisser notre cœur se troubler, car la conception de la Déité d’un pétitionnaire n’est pas la nôtre. Il ne nous appartient pas de nous inquiéter parce qu’il pense à son Dieu d’une manière qui ne nous satisferait pas. La Franc-Maçonnerie demande seulement une croyance en une Déité sans réserve, illimitée, indéfinie. Ses fils ne peuvent, fraternellement, faire moins.
Lorsque le grand schisme de la Franc-Maçonnerie prit fin en 1813, et que les deux Grandes Loges rivales, les Modernes (qui étaient les plus anciennes) et les Anciens (qui étaient le corps schismatique le plus jeune) se réunirent le jour de la Saint-Jean pour former la Grande Loge Unie, elles posèrent sur ce point une base solide pour tous les temps à venir. Cette déclaration fut plus tard faite à tous par cette Grande Loge Mère, la principale de tout le monde maçonnique :
« Quelle que soit la religion ou le mode de culte d’un homme, il n’est pas exclu de l’Ordre, à condition qu’il croie au glorieux Architecte du Ciel et de la Terre et qu’il pratique les devoirs sacrés de la moralité. »
Ce qu’un Maçon pense du glorieux Architecte, par quel nom il L’appelle, comment il Le définit ou Le conçoit, en ce qui concerne la Franc-Maçonnerie, peut être un secret entre la Déité et son frère, gardé à jamais, « dans son cœur ! »
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