Jérôme Touzalin est un dramaturge , responsable de la communication et membre du Conseil de l’Ordre, de la Grande Loge Traditionnelle et Moderne de France.
Voici donc la « Chronique (imp)pertinente de Jérome » :
Tailler, buriner, écrire…
Dans les légendes maçonniques qui illustrent nos origines, on aime à rapporter que nos frères devanciers étaient occupés à tailler la pierre pour élever des édifices à la gloire de Dieu : les Cathédrales !
Superbe narration, quelque peu déformée par bien des aspects, mais qui n’en dit pas moins le souci d’élévation spirituelle qui réunissait les premiers Francs-maçons, souci que nous continuons de porter, quelle que soit notre Obédience… Tous nous regardons vers le haut.
En ces temps anciens où la majorité de la population ne savait ni lire, ni écrire… ou si peu, les cathédrales étaient, on le sait, de véritables livres de pierre, rapportant la vie de Dieu, de son fils et des saints avoisinants… annonçant les fins dernières, la félicité du Paradis ou les affres de l’Enfer, livres ouverts au soleil et à la pluie, livres qui nécessitaient parfois plus d’un siècle pour être écrits, livres défiant la marche du temps et ayant pour ambition d’entraîner l’homme dans l’établissement d’une société apaisée, pour servir le Seigneur d’en-haut et les Seigneurs d’en bas.
Puis, les progrès techniques aidant, l’imprimerie étendant son empire, le Franc-maçon, a délaissé la pierre au profit d’un autre support pour la lecture : le papier… Après les « blanches cathédrales » le monde s’est couvert de livres. Aujourd’hui, en contemplant les cathédrales, c’est la pierre qu’on ne sait plus trop lire et il nous faut des traducteurs conférenciers pour partager l’intimité de la narration.
On pourrait penser que passer ainsi du robuste matériau qui brave les millénaires et affronte les intempéries à la feuille qui se froisse pour un rien, qui se disperse au moindre souffle du vent, et qu’il faut renfermer, pour la protéger des méfaits du temps, entre de solides couvertures, il y a une certaine dégradation, or, il n’en n’est rien.
La feuille a pris grandement la place de la pierre pour devenir le conservatoire parfait de l’aventure humaine et de son voyage à travers les temps.
Écrire vaut tout aussi bien que tailler, car dans ces gestes qui accompagnent la pensée, c’est l’expression d’une même ambition de l’esprit et une même lutte contre le temps.
Écrire, pour faire de la vie en plus quand le temps qui passe nous fait de la vie en moins.
Écrire pour rejoindre ses frères sur le chantier des mots, et jouer avec les mots qui se jouent de nous… ces mots qui tantôt séparent les hommes, tantôt les unissent, vont et viennent comme la vague qui ne se lasse pas sur le sable et se font, tour à tour, tempête ou caresse.
Ces mots, car nous n’avons qu’eux pour formuler nos questions, ces mots, comme de mystérieux danseurs, qui le soir s’envolent et résonnent sous la voute de nos loges et, dans leur écoute attentive, embarquent nos pensées dans une communion fraternelle.
Comme si de mettre les mots ainsi, côte à côte, d’en changer, de les reprendre, d’en essayer d’autres, allait révéler, mieux que la pierre, peut-être, un secret, permettre de retrouver une sorte de formule magique perdue, il y a longtemps, qui dès qu’on l’énoncerait ferait que tout, enfin, se mettrait à s’éclairer. Il y a quelque chose qui n’a pas été dit, encore et qu’il faut trouver.
Revenir à la ligne, essayer toujours… reprendre, effacer, reprendre.
Il ne faut pas se lasser de rassembler les mots… cette façon de reconstruire le temps, l’espace, de faire parler les hommes, de les entraîner, c’est une tentative de réconciliation avec l’existence, son mystère et sa dimension sacrée… et c’est toute l’application que doit avoir un franc-maçon devant sa feuille blanche, ou mieux encore aujourd’hui, devant l’écran vide de son ordinateur, pour dire toute la foi qu’il a envers l’humanité.
Oui, un jour la vie sera meilleure.
Jérôme Touzalin Grande Loge Traditionnelle et Moderne de France
« Il ne faut pas se lasser de rassembler les mots… »
FRATERNITE
Jérôme Touzalin est un Maître bâtisseur de notre temps, pour la construction de nos temples -cathédrales. Ses outils sont la parole, l’écriture, l’engagement pour apporter sa «pierre à l’Edifice ». Ce texte, qui se termine par une envolée lyrique, est une sincère et vive invitation à participer, à chercher, tailler, rassembler les mots, les faire raisonner, vibrer, ceux des rituels en particulier, même si parfois ils semblent s’envoler dès que prononcés. Parfois sur « le chantier de mots » les pierres travaillées paraissent friables, fragiles. On se demande comment leur restituer la force évocatrice de nos cathédrales d’antan par la résonance, l’harmonie géométrique, la beauté des images, des couleurs. Alors, même devant un écran, les temples-cathédrales nous inciteront à regarder vers le haut. Merci à J.Touzalin, afin qu’il continue à « tailler, buriner, écrire… » car « sans le chant des troubadours nous n’aurions point de cathédrales ». (Anne Sylvestre) MM.