Patrick Carré poète, philosophe, et Franc-Maçon vient sur GADLU.INFO nous offrir une chronique pour nous parler et donner du « sens », pour recentrer la réflexion sur les Maçons eux-mêmes. Sa signature est « Etre bien en soi-même, sans se déconnecter du chaos ambiant« .
Le Feu
Que ce feu de mots et d’idées réchauffe notre imaginaire, brûle en chacun de nos foyers, pétille et fasse jaillir des étincelles de connaissance et de conscience ! Brûler de ce feu est s’initier, travailler à être forgeron, redonner vie à nos métaux morts. Brûler c’est être le Phénix, l’oiseau de feu re-né de ses cendres, se ressusciter soi-même et re-susciter avant même de vivre l’envie d’être en vie, l’envie d’Etre.
Le feu se reçoit par initiation, et se transmet de maître à apprenti(e), à élève, à disciple, dans l’émulation de cérémonies collectives comme dans le silence intime d’une communion. L’initiation ayant allumé le feu dans son athanor, il revient à chaque initié(e) de l’entretenir comme un alchimiste par un travail régulier de plus en plus subtil, attentif et soutenu, comme on nourrît un feu de cheminée, d’abord avec du petit bois qui s’enflamme rapidement, puis des bûches épaisses beaucoup plus longues à se consumer. Dans l’âtre, du bois sec en feu s’échappent des gaz qui s’élèvent et s’enflamment à leur tour, comme son charbon de bois qui se constitue à mesure.
« Les Alchimistes ont aussi leur feu, auquel ils donnent des propriétés tout à fait opposées au feu élémentaire dont nous venons de parler… ils disent que le feu qu’ils appellent philosophique n’est pas le feu vulgaire ; et que tout le secret de l’Art consiste dans la connaissance de la matière de l’œuvre et dans le régime du feu… il y a un feu extérieur excitant, conservant la matière dans un degré de chaleur continuelle ; mais ce feu doit être un feu extérieur d’une chaleur si tempérée, qu’elle ne doit point excéder la chaleur intérieure de la matière. » (Pernety, Dictionnaire Mytho-Hermétique)
Le bois en feu est le symbole de l’initié(e) à l’œuvre, reliant des éléments contraires par nature, comme les concepts de corps et d’esprit, pour les « convertir », c’est-à-dire en termes de Chymie Hermétique : « faire le corps esprit, et l’esprit corps, le volatil fixe, et le fixe volatil : tout cela ne signifie que la même chose. » Une fois l’œuvre accomplie, ce bois de feu devient Bois de vie, « nom que les Philosophes Hermétistes ont donné quelquefois à leur mercure ; mais plus communément à leur élixir, parce qu’il est alors la médecine des trois règnes, ou leur panacée universelle ; qu’il ressuscite les morts, c’est-à-dire les métaux imparfaits, qu’il élève à la perfection de l’argent, s’il est au blanc, et à celle de l’or, s’il est au rouge. » (Pernety, id)
Pour nourrir ce feu alchimique, il faut aller chercher du bois, et comme dans les contes, se retrouver « régulièrement » dans la forêt mystérieuse de l’inconscient où se dresse quelque part l’Arbre du Bois de vie, s’y perdre d’abord avec effroi de peur de mourir à une existence sans imprévu, avant de jouer à s’y perdre par délice pour retrouver son chemin à chaque fois comme par miracle. L’Arbre de vie de l’alchimiste est déjà là en puissance, mais il se mérite et se découvre à mesure que les morceaux de bois qui abondent autour de lui sont ramassés pour brûler peu à peu dans l’athanor. Entre matière et esprit, ces bois sont non seulement tous les objets matériels qui se consument, mais aussi tous les sujets de réflexions de l’initié(e) dès qu’ils deviennent des conjonctions de pensées abstraites et concrètes, concrétions d’abstractions alimentant du « feu nourri » de leurs sens conjoints l’imaginaire.
En opérant ces conjonctions de sens opposés entre matière et esprit, les alchimistes se donnent les moyens d’unifier en eux l’esprit, l’âme et le corps, puis de lier en eux le macrocosme et le microcosme, l’univers matériel et la conscience humaine dans un dialogue symbolique régulièrement renouvelé. De conjonction en conjonction, l’adepte, selon Gherard Dorn disciple de Paracelse, tend vers l’entièreté d’une vie éternelle, et pour Jung, prend conscience de l’« Unus Mundus », le Monde Unique sous-tendant l’esprit et la matière, conscience holistique d’une réalité globale et unifiée dont toute chose tire son origine et à laquelle elle retourne.
Mais bien avant de connaître cet état de conscience, transcendant sa connaissance de la réalité, le Philosophe (autre nom donné aux alchimistes) doit commencer par s’« orienter » comme dans la planche XIV du Mutus Liber, en progressant de bas en haut et par étapes, en prenant le temps non seulement d’en comprendre les symboles, mais de les intégrer en donnant vie aux principes qu’ils symbolisent, comme les alchimistes redonnent vie à leurs métaux. « Ora Lege Lege Lege Relege Labora et Invinies » (Prie Lis Lis Lis Relis Travaille et Trouve) s’écrit ainsi sur trois niveaux pour activer ensemble et simultanément, et non séparément les uns après les autres, les idées et principes qui les sous-tendent du début à la fin de l’œuvre.
Sa prière (Prie) relie son esprit et son cœur à Dieu ou à tout principe transcendant, tandis que l’alchimiste lit et décrypte par trois fois (Lis Lis Lis) chacun de ses travaux, c’est-à-dire aux trois niveaux concret, abstrait et ésotérique. « Lege » vient aussi du grec « λέγω, légo, choisir ses mots, dire », la lecture des alchimistes s’effectuant non seulement à voix haute, mais en chantant. Il relit (Relege) ce qu’il a déjà lu, opère comme il a opéré, la répétition des mots soulignant l’aspect cyclique des opérations alchimiques conformes aux cycles de la Nature. La conformité du chercheur à l’ordre des opérations est aussi l’« ordre » qu’il donne à ses opérations d’aboutir, avec non seulement la volonté impérative de trouver (Invenies), mais surtout le pouvoir de trouver, car les trois termes de la triade Savoir/Devoir/Pouvoir se manifestent « dans le Feu de l’action », le Savoir de l’alchimiste éclairant son Devoir et son Pouvoir brûlants.
Au-dessus de cette devise figure un vase scellé et le symbole du mercure qu’il contient, « vaisseau dans lequel on met la matière de l’œuvre, pour qu’elle s’y cuise, s’y digère, et s’y perfectionne. Ce vase doit être de verre, comme la matière la plus propre à retenir les esprits subtils, volatils et métalliques du compost philosophique. Ce n’est pas de ce verre-là dont les Chymistes Hermétiques ont fait un mystère, et qu’ils ont enveloppé sous le voile des allégories, des fables et des énigmes. Le vase secret des Philosophes est leur eau, ou mercure, et non le vase de verre qui contient la matière. C’est pourquoi ils disent que si les Philosophes avaient ignoré la qualité et la quantité du vase, ils ne seraient jamais venus à bout de l’œuvre. Notre eau, dit Philalèthe, est notre feu ; dans elle consiste tout le secret de notre vase, et la structure de notre fourneau secret est fondée sur la composition de cette eau. Dans la connaissance sont cachés nos feux, nos poids et nos régimes. » (Pernety, id)
Ces mots rappellent ceux du Livre de la Sagesse (11,21) « Tu as tout réglé avec mesure, nombre et poids. », comme repris par l’homme et la femme à gauche et à droite du vase. Tous deux font un signe de secret de la main gauche, tandis que de la main droite l’homme lève l’index et la femme deux doigts, l’index et l’auriculaire, symbolisant par les nombres un et deux les lois d’unité et d’amour nécessaires à la maîtrise du feu caché dans les trois règnes, minéral, végétal et animal, et surtout le feu de l’alchimiste lui-même. Tant que cette force ignée s’exprime de façon effrénée, l’homme demeure semblable à une fournaise. Mais dès que la volonté spirituelle la met sous son contrôle, il s’immunise contre le feu et peut désormais le franchir sans en subir de contrecoups. Lorsqu’il contrôle ce feu, il commence à vivre une existence toute de douceur et de pureté, la loi d’unité et d’amour le protège, et il peut transformer les couples d’opposés conflictuels en couples conjoignant leurs forces.
Cette union se prépare dans le fourneau secret du deuxième niveau de la planche XIV, où les principes homme/femme, Soleil/Lune, sont représentés séparément à droite et à gauche, mais sont en fait ensemble dans le même fourneau philosophique, encore appelé « fourneau secret, athanor , lion-vert… Il faut bien remarquer que le fourneau secret n’est pas le fourneau extérieur, mais la matière qui conserve le feu des Philosophes… Ceux qui ont expérimenté dans les opérations du magistère ont appelé Fourneau ou Four le troisième vase qui renferme les autres et conserve tout l’œuvre, et ils ont affecté de le cacher fort secrètement. Ils l’ont nommé Athanor, parce qu’il entretient comme un feu immortel et inextinguible ; car il administre dans les opérations un feu continuel, quoique inégal quelquefois, selon la quantité de la matière et la grandeur du fourneau… Ils entendent souvent par Fourneau secret le feu de la Nature, qui agit dans les mines pour la composition des métaux ; plus souvent leur eau céleste ou leur mercure ; c’est pourquoi Philalethe dit : Nous n’avons donc qu’un vase, qu’un fourneau, qu’un feu, tout cela n’est qu’une chose, savoir notre eau… Le Soleil des Sages de source mercurielle (à droite sur la planche) est la partie fixe de la matière du grand œuvre, et la Lune (à gauche) est le volatil ; ce sont les deux dragons de Flamel. Les Philosophes appellent encore Soleil le feu inné dans la matière. Comme le volatil et le fixe sont tirés de la même source mercurielle, les Philosophes disent que le Soleil est le père, et la Lune la mère de la Pierre des Sages. » (Pernety, id)
La balance entre les deux fours est l’agent médiateur salin de ces couples Soleil/Lune, Soufre/Mercure, le Sel réalisant l’accord du feu et de l’eau, l’harmonie « entre le ciel et la terre, l’esprit et le corps, le volatil et le fixe… complétant la trinité des principes de l’Œuvre (Mercure/Soufre/Sel), dont il réalise la concorde, l’unité, la perfection dans la pierre philosophale. » (Fulcanelli, Les Demeures Philosophales) A ces couples de principes actifs, l’alchimiste rajoute ses propres couples intérieurs, ceux de ses cerveaux gauche et droit, ses natures masculine et féminine, sa raison et son intuition, qui doivent apprendre à conjuguer leurs natures propres pour se renforcer, se développer ensemble, l’une avec l’autre et non plus l’une contre l’autre, l’alchimiste devenant le reflet vivant des transformations de la matière soumise à toutes les opérations de l’Art : putréfaction, sublimation, transmutation …
« Le processus de renaissance spirituelle est-il autre chose que le processus alchimique ? Le corps grossier n’est-il pas, par le magisterium de l’esprit, transformé en corps spirituel, et notre âme ne passe-t-elle pas par les mêmes stades de liquéfaction, purification et transfiguration que la matière et que le monde ? Nous avons souligné l’analogie parce que, en fait, et c’est ce qui est le plus caractéristique pour toute cette école de pensée, elle est tout entière animée de la croyance que les processus du monde extérieur, du monde physique, ne font que répéter et symboliser ceux de l’âme ; les livres alchimiques parlent toujours en symboles, et parlent toujours de deux choses à la fois : de la nature et de l’homme, du monde et de Dieu. La pierre philosophale, c’est le Christ de la nature, et le Christ, c’est la pierre philosophale de l’esprit. Le mercure étant l’intermédiaire entre le soleil et la lune (l’or et l’argent) est le Christ dans le monde de la matière, comme le Christ, médiateur entre Dieu et le monde, est le mercure spirituel de l’univers. Les mêmes symboles s’appliquent aux processus matériels et spirituels parce que, au fond, il y a identité entre eux. » (Hervé Delboy, site internet http://herve.delboy.perso.sfr.fr/)
Les conjonctions d’opposés (masculin/féminin, raison/intuition, sur l’axe horizontal de la conscience, et homme/Dieu, immanence/transcendance, sur l’axe vertical), sources d’énergie psychique pour Jung et de feu pour les alchimistes, procèdent de l’extraction de ces opposés d’une totalité potentielle inconsciente, et de leur séparation. Dans la Genèse, Dieu commence par séparer la lumière des ténèbres. « Au commencement … Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres … et il sépara les eaux qui sont au-dessous du firmament et les eaux qui sont au-dessus …» Une fois séparés, les opposés tendent à se conjoindre pour fournir l’énergie nécessaire au développement psychique et au processus d’individuation. L’idée n’est pas tant de les séparer que de créer en les séparant une tension entre eux, comme lorsqu’on tend un élastique, et générer ainsi un champ de tension et d’énergie.
Ainsi s’établissent au cours de réflexions renouvelées des couples d’opposés comme ciel/terre, haut/bas, ordre/chaos, conscience/inconscience, idée/mot, archétype/idée, archétype/archétype, et d’autres paires : droite/gauche, positif/négatif, blanc/noir, moi/toi, homme/femme, bon/méchant, passivité/résistance, les premiers couples tendant à s’établir dans la verticalité de la conscience, et les seconds dans l’horizontalité des connaissances. Plus la séparation entre ces paires d’opposés est grande, plus la tension de l’élastique est forte. Ces tensions où plongent les racines de la conscience sont pour Jung les conditions préalables pour qu’apparaissent les différences de potentiel et l’énergie psychique nécessaires au développement de la conscience.
Or il s’agit là d’un effort titanesque, effectué par l’homme en lui-même pour enflammer ses réflexions, à la mesure des vols du feu d’Héphaïstos et de la connaissance des arts d’Athéna, vols commis par le Titan Prométhée pour aider les hommes à corriger leurs faiblesses, et surtout dirait-on aujourd’hui, leur tendance au moindre effort… Prométhée dérobe un tison qu’il dissimule dans une tige creuse de férule dont la moelle spongieuse brûle lentement durant la transmission du feu des dieux aux hommes. La longueur de la tige de férule symbolise l’espace séparant les dieux et les hommes et le temps mis par sa moelle pour se consumer, et donne la mesure du travail titanesque inspiré aux hommes par Prométhée pour relier leurs idées de polarités contraires une fois qu’elles sont séparées. La mise en œuvre de ce travail est symbolisé par le récit des « Noces de Philologie et de Mercure », œuvre de Marcianus Capella (Ve siècle ap. J.-C) où Mercure, dieu immortel des sciences, décide de prendre pour femme Philologie, une mortelle à la curiosité insatiable toujours au travail, et crée de ce fait entre eux l’archée enflammée de leurs futures noces.
Dans ce récit, le choix de Mercure ne se porte pas d’emblée sur Philologie (du grec « φιλολογία, philología, goût pour les sources et les racines des écrits ») ; il pense d’abord à prendre pour femme la nymphe Sophia (du grec « Σοφíα, sophia, sagesse »), puis Manticé (du grec « μαντικὴ τέχνη, mantikê tékhnê, l’art de la divination), puis Psyché (du grec Ψυχή, Psykhế, l’âme), toutes trois symbolisant à titres divers la totalité des connaissances rationnelles et intuitives, conscientes et inconscientes. Mais aucune n’égale Philologie au travail acharné et à l’esprit éveillé, veillant à ne pas s’endormir sur ses lauriers quel que soit son domaine d’étude, et donc symbolisant le travail lui-même. Car toute connaissance, rationnelle ou irrationnelle, n’est éclairante pour l’esprit en recherche que si elle s’éclaire d’elle-même de l’intérieur du fait même de ce travail de recherche intensif, régulièrement renouvelé ; comme un cycliste, dirait-on aujourd’hui pour illustrer par analogie cette dynamique, dépense son énergie (et donc travaille) pour faire tourner ensemble les grandes roues du cycle et la petite roue de la dynamo qui l’éclaire.
C’est toute la question de l’initiation et de l’élévation spirituelle de l’homme que met en scène le récit des Noces de Philologie et de Mercure, d’abord par le choix par Mercure de Philologie et la glorification de son travail personnel, puis par l’action conjuguée des nymphes et des muses dédiées non seulement à la réalisation du travail en cours, mais à son achèvement dans la perfection, quand le travail partiel de Philologie lié aux circonstances de son parcours spirituel se parachève en œuvre globale de toute une vie. Autrement dit, l’amour du travail est la source de l’amour et des noces de Mercure et de Philologie, car le travail attire les vertus naturelles et sur-naturelles comme un aimant et nettoie comme l’eau purifie, dans le cours d’une vie dédiée à l’étude de soi et du monde. Car tout est lié et l’on ne travaille pas à son propre perfectionnement sans être relié, attirer et travailler avec les forces de l’univers où évoluent les principes spirituels des dieux en action, notamment les nymphes et les muses.
Pour préparer son apothéose (du grec ἀποθέωσις, apothéosis, élévation au rang des dieux), son départ de la Terre et son ascension vers la Voie lactée où l’attendent les dieux, Philologie commence par vomir les livres qui encombrent sa poitrine pour être plus légère, puis boit un breuvage composé par Apotheosis, et monte dans la litière qui doit la conduire à travers les sept sphères célestes jusqu’à l’assemblée des dieux. Cette litière précédée par le cortège des muses et suivie par Periergia, la curiosité, est guidée et protégée à la fois par ceux et celles qui ont formé la disciple de Pallas pour être l’épouse rêvée de Mercure : Labor impiger, le Travail acharné, Amor, l’amour pour les choses d’en haut et qui tient éveillé, Epimelia et Agrypnia, le Soin et la Veille. Parvenue auprès des dieux, elle reçoit de Mercure sept jeunes filles comme demoiselles d’honneur, représentant chacune un art.
Le feu occupe une place capitale dans l’aspiration de Philologie à rejoindre les autres héros dans la Voie lactée. « La prière que Philologie adresse au démiurge suprême lorsqu’elle s’agenouille sur le dos de la voûte céleste, au terme de son ascension planétaire, c’est à « la fleur du feu » qu’elle sera offerte… L’essence du Dieu ineffable, maître tout-puissant de la musique des sphères, au travers desquelles Philologie monte vers son époux avec le consentement des dieux, est le feu mystérieux et la flamme inextinguible… Elle sait que le démiurge suprême de ce monde sensible s’est retiré en dehors de la connaissance, même des autres dieux-démiurges, car il a franchi les espaces qui se trouvent dans les béatitudes hyper-cosmiques pour y jouir joyeusement d’un monde qu’on appelle igné et intellectuel.
« Pareil Dieu ne peut être vénéré qu’en esprit ; Philologie rassemble toute sa science religieuse pour élever ses actions de grâce vers ce dieu, et parmi d’autres divinités, vers Hécate qui enseignait que toutes choses sont nées d’un seul feu, parce que ce n’est pas par une action directe mais par un Intellect que le Feu premier transcendantal, artisan du monde igné, enclôt sa puissance dans la matière. Et cet ouvrier est tantôt le Démiurge, tantôt Héphaïstos. Ce monde ainsi créé par l’Intellect issu de l’Intellect est l’empyrée soumis au monde des Idées, que pense le premier Dieu. » (Jean Préaux, Le culte des muses chez Martianus Capella)
Ces descriptions saisissantes de l’action croisée du feu et de l’intellect, nourries de références théologiques et philosophiques, illustrent étrangement les phénomènes électromagnétiques liés à la circulation d’un courant électrique, en particulier ceux générés par la pensée, étudiés scientifiquement quinze siècles après l’écriture des « Noces de Philologie et de Mercure ». En effet, tout courant électrique, symbolisé par un premier feu, génère un champ magnétique, deuxième feu symbolique ; et à l’inverse un champ magnétique induit un courant électrique. La présence d’un courant de pensée permet ainsi d’activer localement le champ magnétique d’un penseur, tout en induisant en lui la création d’infimes électroaimants et une induction magnétique comme dans tous les systèmes électriques semblables à la dynamo des cyclistes.
Car le penseur est un être électrique dont le cerveau est constitué de plus d’un milliard de cellules nerveuses, chacune possédant environ cent mille connections de fils électriques qui sont ses neurones, transmettant chaque seconde des milliards de milliards de signaux électriques. Ce sont des métaux, le sodium et le potassium, agissant comme des batteries, qui régulent l’équilibre de l’énergie électrique dans chaque membrane cellulaire nerveuse, comme le Sel alchimique régule et révèle les principes Mercure et Soufre en action, le Sel de Seignette en particulier (Eugène Canseliet, Alchimie expliquée sur ses textes classiques). Tout ce que le penseur voit, ressent, imagine, s’exprime par ces signaux électriques. Sa pensée est ainsi à la confluence de plusieurs phénomènes électriques auto-générés : intellect, courant, champ, induction, aimant, qui inter-agissent les uns sur les autres et génèrent des ressentis de chaleurs à la fois différentes et semblables, innombrables et pourtant réduites en nombre à quelques feux symboliques.
Ainsi, sont liés la température du cerveau et son activité métabolique, le contrôle de la température cérébrale étant essentiel pour un fonctionnement optimal du cerveau dans toutes les situations physiologiques et psychologiques, celles en particulier liées à des blocages et des résistances psychologiques chez les penseurs initiant et poursuivant leur propre questionnement et leur transformation intérieure. Déjà Aristote appelle « κίνησις » (kinēsis, mouvement) et « μεταβολή » (metabolê, changement) ces deux modalités du changement, attributs respectifs de l’homme et de la femme. La κίνησις représente le mouvement, le déplacement, la dynamique des corps qui bougent, s’entrechoquent, repartent, franchissent les distances ; ses domaines sont la mécanique et la dynamique. La μεταβολή représente les changements d’état internes, les transformations, les modifications de composition, d’états physiques tels que la chaleur ou la pression ; ses domaines sont la thermodynamique, la chimie et la biologie. Le masculin aura une tendance à la κίνησις, le féminin à la μεταβολή.
Si l’on répartit symboliquement les résistances au changement sur les axes horizontal et vertical d’une croix, l’une des plus grandes résistances horizontales aux transformations liées au processus initiatique est pour l’homme de reconnaître et accepter sa part féminine, et pour la femme sa part masculine, afin que l’une et l’autre substituent aux conflits qui les opposent une dynamique née de leur union. Car elles doivent parvenir non seulement à s’entendre, mais aussi à conjoindre leurs natures contraires pour s’affirmer encore plus en force, l’une et l’autre car l’une par l’autre. Il n’est besoin pour s’en convaincre que de se référer au Yin et au Yang de l’extrême orient, l’un et l’autre de ces grands principes affirmant son identité tout en renforçant leur imbrication mutuelle. Mais bien que pertinentes, ces représentations de natures conjointes ne suscitent tout d’abord que résistance et rejet, afin de conserver et entretenir leurs relations conflictuelles. Dans la mythologie, c’est le caducée de Mercure, avec ses deux serpents enroulés autour d’un bâton vertical, qui symbolise la fin des relations conflictuelles entre des opposés complémentaires, mâle-femelle, jour-nuit, ciel-terre, …, destinés à s’unir alors qu’ils se combattent. L’un devient mâle-animus et l’autre femelle-anima, unis parce qu’ils sont différenciés, condition de leur retour à l’unité.
La résistance verticale s’exerce chez les êtres ayant plus ou moins conscience de leur nature cosmique, mais incapables de s’élever de la terre et de croître dans l’espace où ils risquent d’entrer en contact avec des choses de l’au-delà, redoutées par l’homme naturel et sa raison liée au sol. Non seulement, dit C.G. Jung dans les « Les Racines de la conscience » où il symbolise l’élévation spirituelle de l’homme par la croissance d’un arbre, « son élévation met en péril une prétendue sécurité terrestre, mais elle trouble en outre l’indolence et l’inertie morales et spirituelles, étant donné que l’arbre pousse dans des espaces et des temps nouveaux, où l’on ne peut se tirer d’affaire sans un important travail d’adaptation. Il ne s’agit pas simplement d’une déplorable lâcheté, mais, pour une bonne part aussi, d’une angoisse légitime justifiée, qui mettent en garde devant un avenir exigeant, sans que l’on puisse en percevoir les demandes, ou connaître les dangers qu’entraînerait une non-réalisation. Il n’est par suite que trop aisé de se débarrasser par des raisonnements de la résistance et de l’aversion apparemment non fondées et, moyennant un coup de pouce, de les chasser comme un insecte importun. »
Les termes techniques de tension, dégagement de chaleur, résistance, énergie, lumière, qui caractérisent l’activité psychique et alchimique, sont repris par les physiciens pour définir la production, la circulation d’un courant électrique dans un corps et la résistance à ce courant. Pour mesurer cette résistance, on observe le courant qui circule pendant l’application d’une certaine tension électrique. Tous les corps dans la nature, les métaux en particulier, ne conduisent pas le courant avec la même facilité, les meilleurs conducteurs étant les métaux, et notamment le cuivre, l’argent et l’or. En raison de son prix moins élevé, le cuivre est couramment employé dans la fabrication des fils et des câbles électriques. Les métaux classés par ordre croissant de conductivité du courant électrique : le mercure (1,04 x 106 siemens par mètre ou S.m-1), le plomb (4,81 x 106 S.m-1), l’étain (9,17 x 106 S.m-1), le fer (9,93 x 106 S.m-1), l’or (45,2 x 106 S.m-1), le cuivre (59,6 x 106 S.m-1), l’argent (63 x 106 S.m-1), correspondent étrangement au classement des phases de l’œuvre alchimique symbolisées par des métaux.
« Lorsque les Sages parlent des métaux, ils n’entendent pas communément ceux qui sont en usage dans le commerce de la vie, mais lorsqu’ils parlent de la transmutation des métaux imparfaits en or ou en argent. Leurs métaux ne sont autres que les différents états de leur mercure pendant les opérations du magistère. Ces états sont au nombre de sept, comme il y a sept planètes et sept métaux communs ; c’est pourquoi ils donnent le régime de leur œuvre aux sept Planètes, qu’ils disent dominer à chaque état, et chaque domination se manifeste par des couleurs différentes. Le premier régime est celui du Mercure, qui précède la couleur noire. Le second est celui de Saturne, qui dure tout le temps de la putréfaction, jusqu’à ce que la matière commence à devenir grise ; c’est alors que les Sages appellent leur matière plomb des Philosophes. Le troisième est celui de Jupiter, fils de Saturne, qui fut soustrait, selon la Fable, à son père vorace, que Jupiter mutila pour lui ôter la faculté d’engendrer ; des parties mutilées et jetées dans la mer, naquit Vénus ; ce qu’il faut entendre de la couleur noire qui ne reparaît plus dans le magistère. Et dès lors Jupiter est le père des Dieux, avec Junon, représentée par l’air enfermé dans le vase, et l’humidité qui s’y est mêlée. Tout le régime de Jupiter est employé à laver le laton (ou laiton, qui doit être blanchi) ; ce qui se fait par l’ascension et la descension (descente) successives du mercure sur la terre.
« Les Poètes ont donné à ce laton le nom de Latone, mère de la Lune et du Soleil ; parce que le régime de la Lune est une suite de l’ablution du laton, qui par là devient blanc, et d’une blancheur éclatante comme celle de la Lune. Vénus domine ensuite, et c’est dans le temps que la matière prend une couleur citrine, qui tire sur un rouge plombé, ou de rouille de fer, et pour lors vient le régime de Mars ami de Vénus, qui dure jusqu’à la couleur orangée, représentée par l’aurore du Soleil. Phoebus (Apollon), frère de Diane, paraît enfin sous la couleur de pourpre.
« Ces couleurs sont celles de la « queue de paon » des alchimistes portées par l’oiseau symbole du « volatil » durant ces régimes successifs. Ainsi, les deux natures premières étant séparées, le fixe et le volatil se mettent en mouvement dans le vase sous l’action d’un feu régulier, et se convulsent comme des serpents ou des dragons qui se combattent, « l’un ailé, l’autre sans ailes, pour signifier, disent les Philosophes, la fixité de l’une et la volatilité de l’autre. Les Egyptiens peignaient ces serpents tournés en cercle, se mordant la queue, pour signifier, dit Flamel, qu’ils sont sortis d’une même chose, qu’elle se suffit à elle-même, et qu’elle se parfait par la circulation indiquée par le cercle… Alors survient la conjonction de ces éléments par l’union du fixe et du volatil, du frère et de la sœur, du Soleil et de la Lune… Cette conjonction convertit tellement … leurs natures contraires en unité parfaite… qu’elle en fait un mariage indissoluble même avec la plus grande violence du feu… La conjonction de l’âme avec le corps est une expression hermétique qui signifie le moment où la matière parvient au blanc. A l’heure de la blancheur, dit Philalethe, on verra de grands miracles ; c’est-à-dire toutes les couleurs imaginables. » (Pernety, id)
Les Philosophes parlent d’un « travail de fileuse » (les fileuses du troisième niveau de la planche XIV) pour symboliser dans cette phase de l’œuvre la circularité des opérations durant lesquelles « il s’agit seulement de conduire le feu ». Comme toutes les fileuses, celles de la gravure doivent transformer les fibres d’une quenouille tenue sous le bras en un fil régulier devant s’enrouler avec régularité et sans effort sur un rouet en rotation. Sur la gravure le rouet est remplacé par un vase où apparaissent « dans le fil de l’œuvre » à intervalles réguliers les métaux des régimes qui se succèdent. Un homme s’intercale entre deux femmes d’âge différents, symbole de la prépondérance alternée des principes masculin et féminin, fixe et volatil, et du rajeunissement d’une matière qui s’éclaircit, la jeune fileuse de droite se détachant sur un fond plus clair que celle de gauche.
Ainsi s’opère la « réduction », définie par les alchimistes comme « la rétrogradation d’une chose parvenue à un certain degré de perfection, à un degré qui l’est moins, comme si avec du pain on faisait du grain de froment ». La réduction des métaux en leur première matière est ainsi la rétrogradation des métaux philosophiques, et non vulgaires, en leur propre semence, c’est-à-dire en mercure hermétique, encore appelée réincrudation. Le vieillard rajeuni est l’or des Philosophes réincrudé et réduit à sa première matière, ou en mercure duquel il a été fait. C’est en ce sens là qu’il faut entendre les Philosophes parlant du rajeunissement produit par l’eau de la fontaine de Jouvence.
Cette phase de l’œuvre, qualifiée aussi de « jeu d’enfant », est illustrée par un ange, ou plutôt l’« esprit angélique » d’un enfant jouant à la toupie l’esprit léger et sans grand effort, en tirant le fil qui fait tourner une toupie autour de son axe, sur l’un des caissons alchimiques de l’Hôtel Lallemant à Bourges. Pareillement en électricité, ce qui semble « se faire tout seul » est la production d’un champ magnétique par un fil traversé par du courant, et quand le fil forme une bobine tournant comme une toupie, la création d’un électro-aimant dont la puissance est augmentée par l’enroulement du fil autour d’un matériau comme du fer. Les spires du fil enroulé et déroulé par l’enfant, comme les bobines d’un fil métallique enroulé régulièrement autour d’un axe pour produire un champ magnétique et un électro-aimant, rappellent étrangement l’aimant des alchimistes qui constitue la base, simultanément spirituelle et physique, de la réalisation au laboratoire.
« C’est l’indication du premier échelon de l’échelle des sages de la connaissance acquise de l’agent hermétique, promoteur mystérieux des transformations de la nature minérale, et celle du secret retrouvé de la « Parole perdue ». Cet agent était jadis désigné, entre les Adeptes, sous l’épithète d’« aimant » ou d’« attractif ». Le corps chargé de cet aimant s’appelait lui-même « Magnésie », et c’est lui, ce corps, qui servait d’intermédiaire « entre le ciel et la terre », se nourrissant des influences astrales, ou dynamisme céleste, qu’il transmettait à la substance passive, en les attirant à la manière d’un aimant véritable. » (Fulcanelli, Les Demeures Philosophales) Les initiés devenus des initiants renouvelant régulièrement leurs propres réflexions, travaillent à devenir cet « aimant » attirant l’esprit, en tout lieu prédisposant chacun(e) à s’ouvrir aux influences positives, et en eux-mêmes en s’ouvrant aux idées dont les symboles et les archétypes parsèment toute pensée réfléchie.
Initiées et re-initiées régulièrement comme par une succession de mises sous tensions cycliques, les réflexions symboliques créent autant d’aimants qu’elles se renouvellent par l’étude de sujets, semblables de préférence pour toujours plus élargir le cercle des connaissances sur un même sujet, sachant qu’à terme les connaissances des disciplines et matières différentes, comme la physique, la chimie, les mathématiques, tendent à converger et se rejoindre à de hauts niveaux d’abstraction. Ces réflexions opèrent comme celles des alchimistes par séparations et conjonctions réitérées de symboles, d’idées et d’archétypes, de préférence dans un même environnement, le cadre habituel d’études d’un groupe de chercheurs ou le cadre rituel de travail d’une société initiatique soulignant et accentuant le caractère cyclique et régulier des études.
Et le sujet réfléchissant et surnageant de ces études démultipliées apparaît peu à peu comme l’étoile du sujet pensant se réfléchissant soi-même dans les ondes de ses propres réflexions. Les alchimistes font ici référence à leur étoile du nord, leur aimant et leur acier, appelée aussi étoile de Jacob, étoile des Mages, étoile du matin, étoile hermétique, et pour illustrer son action, évoquent le combat de deux natures où l’acier est symbolisé par deux dragons, le lion et l’aigle, l’acier et l’aimant, la salamandre et le rémore, auxquels on rajoute ici par analogie l’induction électromagnétique (induisant un courant de soufre-feu) et le champ magnétique électrique (ondoyant comme l’eau mercurielle) illustrés par Fulcanelli : « … deux êtres fantastiques figurent les principes Soufre et Mercure, issus des quatre éléments : la Salamandre sulfureuse (le courant de l’induction électromagnétique) qui se plaît au milieu des flammes, symbolise l’air et le feu dont le soufre possède la sécheresse et l’ardeur ignée, et le Rémore (le courant du champ magnétique), champion mercuriel, héritier de la terre et de l’eau par ses qualités froides et humides.
« Ces noms sont choisis tout exprès et ne doivent rien au caprice ni à la fantaisie. Σαλαμάνδρα, en grec, apparaît formé de σαλ, anagramme de ἅλς, sel, et de μάνδρα, étable ; c’est le sel d’étable, le sel d’urine des nitrières artificielles, le salpêtre des vieux spagyristes (sal petri, sel de pierre), qu’ils désignaient encore sous l’épithète de Dragon (le courant de l’induction électromagnétique). Remore (le courant du champ magnétique), en grec Ἐχενηῖς, est ce fameux poisson qui passait pour arrêter ou diriger les vaisseaux naviguant sur les mers boréales, soumises à l’influence de l’Etoile du nord. C’est l’échénéis dont parle le Cosmopolite, le dauphin royal que les personnages du Mutus Liber s’évertuent à capturer, celui qui accompagne et pilote, sur le bas relief ornant la fontaine du Vertbois, le navire chargé d’une énorme pierre taillée. L’échénéis (le courant du champ magnétique), c’est le pilote de l’onde vive, notre mercure, l’ami fidèle de l’alchimiste, celui qui doit absorber le feu secret, l’énergie de la salamandre (le courant de l’induction électromagnétique), et, enfin, demeurer stable, permanent, toujours victorieux sous la sauvegarde et avec la protection de son maître. Ces deux principes, de natures et de tendances contraires, de complexion opposée, manifestent l’un pour l’autre une antipathie, une aversion irréductible. Mis en présence, ils s’attaquent furieusement, se défendent avec âpreté, et le combat, sans trêve ni merci, ne cesse que par la mort d’un des antagonistes. »
Ce combat rappelle le phénomène électrique de « self-induction », par lequel un courant induit s’oppose à toute variation de flux magnétique : à l’instant où l’on veut faire passer du courant dans une bobine, le courant est bloqué momentanément. Il finira bien par circuler mais avec un peu de retard. Le courant induit s’oppose donc à la variation du courant initial. Inversement, on observe des étincelles quand on coupe le courant dans un circuit qui contient une bobine car le courant tente de se prolonger pour s’opposer aux variations de champ magnétique dans la bobine. Les pensées seraient pareillement sensibles à toute variation de sens des informations qu’elles véhiculent, et tendraient dans un premier temps à bloquer leur circulation, jusqu’à la mise en phase des deux courants des pensées, initial et induit.
D’autant qu’à ces phénomènes liés à la genèse d’un courant de pensée se rajoutent ceux dus à la nature du courant, continu ou alternatif, et aux champs magnétiques constants et variables qu’ils induisent. Le courant continu généré par un aimant induit un champ magnétique constant, tandis qu’un courant alternatif induit un champ magnétique variable, distinction capitale car leurs effets ne sont pas du tout les mêmes. D’un côté, les champs magnétiques variables induisent des perturbations dans tout corps conducteur d’électricité, donc chez les êtres vivants, l’homme en particulier et ses pensées, et de l’autre la circulation de courant continu au niveau du point de liaison de différents métaux, comme le sodium et le potassium des membranes cellules nerveuses, crée du froid ou de la chaleur, en fonction de la polarité. (effet Peltier).
Le travail de réflexion glorifié par Mercure et Philologie, remis vingt fois sur le métier comme l’enseigne Boileau, tend ainsi à synthétiser sous forme de champ et d’induction magnétique deux moments de la pensée, complémentaires et alternatifs dans l’espace tout en étant continus et concomitants dans le temps, et semblables de ce fait aux deux modes de courant électrique alternatif et continu. Si leur conjonction est interdite dans le monde construit par l’homme en dehors de lui, elle tendrait à se réaliser en lui-même à un très haut niveau d’accomplissement spirituel, fruit d’un long travail intensif et régulièrement renouvelé. (« Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, Polissez-le sans cesse, et le repolissez, Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. » Boileau, De l’Art poétique, 1674)
Le premier champ magnétique naît de la séparation des deux pôles d’une idée comme dans la mythologie grecque Thémis (du grec ancien « Θέμις, Thémis, la loi divine »), est fille d’Ouranos (le Ciel) et de Gaïa (la Terre). Elle donne à Zeus, de qui elle est la deuxième épouse après Métis, les Moires (divinités du Destin), les Heures (déesses de la division du temps, de l’ordre et de la justice naturelle), et Astrée (personnification de la Justice, autrement dit d’un Juste du genre féminin et non pas masculin…). Dès les premiers temps, l’être juste met à l’œuvre ses attributs, l’épée et la balance, pour mettre en phase sa destinée qu’il se construit heure par heure et à chaque instant, et son destin qui relève d’un autre temps.
« En ce qui concerne la valeur pratique des attributs affectés à la Justice, lesquels regardent le travail hermétique, l’étudiant trouvera par expérience que l’énergie de l’esprit universel a sa signature dans le glaive, et que le glaive a sa correspondance dans le soleil, comme étant l’animateur et le modificateur perpétuel de toutes les substances corporelles. C’est lui l’unique agent des métamorphoses successives de la matière originelle, sujet et fondement du Magistère. C’est par lui que le mercure se change en soufre, le soufre en Elixir et l’Elixir en Médecine, recevant alors le nom de Couronne du sage, parce que cette triple mutation confirme la vérité de l’enseignement secret et consacre la gloire de son heureux artisan. La possession du soufre ardent et multiplié, masqué sous le terme de pierre philosophale, est pour l’Adepte ce qu’est la trirègne pour le pape et la couronne pour le monarque : l’emblème majeur de la souveraineté et de la sagesse…
« Quant à la balance, il suffirait de noter qu’elle traduit la necessité des poids et des proportions pour se croire dispensé d’en parler davantage. Or, cette image fidèle à l’ustensile de nos pesées, et auquel les chimistes assignent une place honorable dans leurs laboratoires, recèle cependant un arcane de haute importance. Lorsque les philosophes envisagent les rapports pondéraux des matières entre elles, ils entendent parler de l’une et de l’autre partie d’une double connaissance ésotérique : celle du poids de nature et celle du poids de l’art… De sorte que les auteurs, décrivant les quantités réciproques de matières diverses, en vue de leur mélange régulier et convenable, parlent des poids de l’art ; au contraire, s’il est question de valeurs quantitatives au sein d’une combinaison synthétique et radicale, comme celle du soufre et du mercure principes unis dans le mercure philosophique (d’où son nom le feu aqueux et d’eau ignée), c’est le poids de nature qui est alors considéré. Si les poids de l’art sont connus de l’artiste et rigoureusement déterminés par lui, en revanche, le poids de nature est toujours ignoré, même des plus grands maîtres. C’est là un mystère qui relève de Dieu seul et dont l’intelligence demeure inaccessible à l’homme. » (Fulcanelli, Les Demeures Philosophales) Un mystère ignoré des plus grands maîtres, telle Philologie qui travaille avant tout par passion et sans vouloir a priori atteindre un résultat ou recevoir une récompense, qui est choisie par Zeus en un temps indépendant de son travail et qu’elle ne maîtrise pas, pour être l’épouse de Mercure.
Toute la symbolique du mouvement durant l’apothéosis de Philologie est associée au nombre sept des sphères célestes qu’elle traverse, de ses demoiselles d’honneur figurant les sept arts libéraux, comme le sept est emblématique du grand œuvre alchimique, ses opérations, ses métaux, ses régimes du feu… Le sept, à la fois symbole de l’œuvre en cours et de l’œuvre accomplie, condense en lui les étapes et la finalité de la transformation des métaux symboliques du plomb en or, la finalité de l’œuvre étant la poudre de projection transmutant tout de suite en or (ou en argent) les métaux imparfaits, donc en sautant les étapes … comme en portant aux pieds les talonnières ailées de Mercure, ou en chaussant les « bottes de sept lieues » du Petit Poucet du conte de Charles Perrault, bottes magiques qui s’adaptent à la taille de celui ou celle qui les chausse et permettent de parcourir sept lieues en une seule enjambée !
Chaussons ces bottes pour relier le symbolisme du feu de l’occident et celui de l’extrême orient, le feu du corps et de l’esprit apprenant dans ces traditions spirituelles non seulement à cohabiter et vivre en harmonie, mais à rayonner dans la paix d’une même lumière en alimentant le même feu. Dans ces traditions, la pensée n’est qu’un foyer et un flux d’énergies parmi d’autres, dont les feux éclairent l’enseignement d’autres écoles de connaissances et de conscience, jusqu’à s’y dispenser de penser pour embrasser le monde en s’embrasant.
Dans le Bouddhisme, le feu symbolise notamment le désir attachant l’existence à la chaîne des causes. La soif, la convoitise, l’embrasement, selon l’enseignement bouddhique, se trouvent non seulement à la racine de n’importe quel état d’esprit, mais aussi de l’expérience en général, des formes du sentir et du percevoir. « Tout est en flammes. Et qu’est-ce qui est en flammes ? Brûle l’œil, brûle le visible, brûle la connaissance du visible, brûle le contact de l’œil avec le visible, brûle la sensation qui vient du contact avec le visible, qu’elle soit joie, douleur, ou qu’elle ne soit ni joie ni douleur. Et de quel feu brûle-t-il ? Du feu du désir, du feu de l’aversion, du feu de l’aveuglement… du feu de ce qui est ouï, goûté, touché, senti, du feu de ce qui est pensé. » (Mahâvagga, Vinâya, Enseignement du Bouddha)
« La convoitise étant assimilée à un feu, tout être vivant se présente, non pas comme un Moi, mais comme un processus de combustion, parce que sur le plan dont il s’agit ici, on ne peut dire qu’il a la convoitise, mais bien qu’il est, lui-même, convoitise. Il existe donc, latente en chacun, une volonté de brûler, de devenir flamme, en consumant une matière donnée. Le combustible stimule cette volonté, met en acte le feu d’un processus de combustion, dont résulte toutefois un plus haut degré de chaleur : ce qui revient à dire une nouvelle énergie potentielle pour susciter un nouvel incendie, et ainsi de suite… Le feu est la convoitise que la volonté conduit vers tel ou tel contact, dans lequel elle se développe et se confirme, se repaissant d’elle-même et s’exaspérant dans l’acte de se rassasier et de consommer le combustible. » (Julius Evola, La Doctrine de l’Eveil)
« Ayant entendu et compris cet enseignement, le noble disciple perd toute attirance pour les yeux, perd toute attirance pour les formes matérielles, perd toute attirance pour la conscience visuelle, perd toute attirance pour les contacts visuels. Et, envers les sensations ayant pour cause et condition le contact visuel – que ce soit le plaisir, la douleur, ou ni le plaisir ni la douleur – il perd aussi toute attirance (même perte d’attirance pour les oreilles et les sons, le nez et les odeurs, la langue et le contact gustatif, le corps et le contact physique, le mental et le contact mental). Ayant perdu toute forme d’attirance, il abandonne toute forme de passion. Libre de toute passion, il est totalement libéré. Avec la libération totale vient la connaissance de sa propre libération. Il comprend : La naissance a pris fin, la vie sainte a été vécue jusqu’au bout, la tâche a été accomplie. Il n’y a plus rien au-delà en ce monde. » (Le sermon du feu du Bouddha)
Si le Bouddhisme est l’école du détachement, elle n’est pas celle d’une rupture violente et sait offrir à chacun(e), comme un présent, les moyens et les supports d’une transformation intérieure progressive, en invitant chacun(e) à chercher et choisir sa pratique, comme un métier et ses techniques sont choisis en occident parce qu’ils sont en adéquation avec des goûts et des capacités, et surtout l’envie d’y travailler. La voie du Grand Véhicule (Mahâ-yâna) fait référence à des enseignements du Bouddha insistant sur le fait que tous les phénomènes sont vides de nature propre (la vacuité), et suit la voie du Bodhissatva qui mène à la Libération et à l’Eveil complet et parfait. La voie du Véhicule de diamant (Vajra-yâna) est un prolongement pratique du Mahâyâna qui s’appuie sur la notion de pureté fondamentale de toute expérience, et propose une voie d’Eveil très rapide (le vajra, diamant-foudre, symbolisant cette efficacité et cette rapidité) en partant du principe que tous les êtres possèdent en eux une nature de Bouddha, depuis toujours présente et qu’il convient de révéler grâce à ces pratiques.
Dans le bouddhisme tibétain, le tracé d’un mandala sert de support à la méditation. Image sacrée du cosmos et du macrocosme, il est aussi le miroir du microcosme et du corps humain par sa forme symbolique de cercle inscrit dans un carré ou un rectangle. Très souvent, quatre cercles concentriques forment la périphérie du mandala : cercle de feu, qui marque le franchissement du territoire sacré, où la Recherche peut commencer ; cercle de diamant (vajra) ou de la conscience pure ; cercle du charnier (celui des huit aspects de la conscience) où doivent être brûlées les passions obscurcissantes ; cercle de lotus, composé des pétales de cette fleur et exprimant l’effort harmonieux de la perception spirituelle. La construction d’un mandala de sable, en particulier, est en elle-même une pratique spirituelle. Dans la salle, d’autres moines méditent et prient afin de renforcer la bodhicitta (l’esprit d’Éveil) et ainsi bénir le mandala, qui sera offert aux Bouddhas et à l’univers. Une fois atteint le centre, ce vrai chef d’œuvre symbolique et artistique est détruit dans le détachement et la prière, et ses grains de sable sont rassemblés devant la communauté pour une offrande spirituelle à une divinité, avant d’être dispersés dans un cours d’eau. Le mandala apparaît dans le feu de sa périphérie pour se résorber dans l’eau.
Le yoga, comme le bouddhisme, s’enracine dans la culture spirituelle de l’inde ancienne et vise à réaliser l’unification de l’être humain dans ses aspects physique, psychique et spirituel, et offre plusieurs voies de pratiques. « Toutes les méthodes groupées sous le nom de « yoga » sont des procédés psychologiques spéciaux fondés sur une vérité établie de la Nature et qui font apparaître, à partir de fonctions normales, des pouvoirs et des résultats qui étaient toujours là, latents, mais que les mouvements ordinaires de la Nature ne manifestent pas facilement ni souvent. » (Sri Aurobindo, La synthèse des yoga) Le Yoga Kundalini est un style de yoga issu de la branche du Tantra dont l’objectif est de libérer l’énergie du bas du corps et lui permettre de remonter jusqu’au sommet du crâne en passant par les sept principaux centres d’énergie, les chakras.
La sensation semblable à une brûlure qui accompagne cette montée fulgurante est si impressionnante qu’elle bouscule tous les codes sensitifs et intellectuels pour dans l’instant enflammer un être de plénitude rayonnant de bien-être. « Vous êtes comme enivré. Vous en oubliez totalement le monde ! Quand une ouverture de la Sushumna (canal ou « nadi » central véhiculant la Kundalini), si ténue soit-elle, est effectuée, la force cosmique (Shakti) du « Serpent de Feu » s’efforce de pénétrer dans la Sushumna. Il s’établit alors un grand Vairâgya (Esprit de renoncement). Vous devenez impavide. » (Swami Sivananda Sarasvati) La Kundalini (mot sanskrit dérivé de « Kundali, enroulé »), qui est en chaque individu, peut être éveillée ou animée par des exercices de respiration, par l’évolution de la conscience, ou par diverses techniques énergétiques (Reiki, Qi Gong, Yoga…).
Elle correspond à l’énergie féminine qui sommeille à l’extrémité inférieure de la colonne vertébrale de chaque être humain, dans un état de passivité absolue, précédant toute manifestation, l’énergie d’amour matricielle de la Shakti qui porte en elle l’intégralité des possibilités qu’un être est amené à manifester durant sa vie. Elle est l’énergie à l’origine de toute création, le potentiel de vitalité au service de l’Esprit qui grâce à elle peut manifester sa volonté en tant que forme créée. Sa passivité absolue conduit à assimiler cette énergie de création à un feu obscur, non-éclairant, ténébreux, qui lorsqu’il est attisé par l’Esprit (ou Souffle divin), déclenche son jaillissement et sa renaissance à sa vie de feu cosmique, de lumière éclairante, sans toutefois qu’en soit affectée sa nature passive principielle.
Sept chakras principaux sont implantés le long de la Sushumna, de bas en haut les chakras appelés « racine », « sacré », « plexux solaire », « cœur », « gorge », « troisième œil » et « coronal ». Ils ont la forme de doubles cônes, dont la pointe de jonction des deux cônes est placée dans le canal central, et dont les ouvertures s’évasent vers l’avant et vers l’arrière. Les chakras sont en échange vital constant avec le canal Sushumna, et par son intermédiaire, avec les nadis Ida et Pingala et leurs points d’intersection par lesquels circule le Prana, le Chi ou l’Energie Vitale. Le nadi Ida se caractérise par une énergie lunaire, calmante et rafraîchissante. Son point de départ se trouve à gauche du premier chakra et son aboutissement prend fin dans la narine gauche. Le nadi Pingala est le véhicule de l’énergie solaire pleine d’ardeur et d’élan. Son point de départ se situe à droite du premier chakra et aboutit au dessus de la narine droite. Ida et Pingala s’entrecroisent tout en cheminant le long de la colonne, leur points de croisements correspondant aux sept chakras. Le yogi doit les purifier pour assurer la circulation du prana (le souffle-énergie), car tout blocage de l’énergie vitale dans les conduits ou méridiens peut se traduire par des maladies organiques et mentales. Ces centres de transformation et de régulation d’énergie de vie agissent comme des antennes et des centres de communication avec les organes du corps, avec la terre, et avec le ciel.
Les chakras accumulent le Prana et l’énergie devient de plus en plus subtile à mesure qu’elle s’élève de la base de la colonne vertébrale vers le sommet de la tête.
« En termes d’énergie et de feu, nous dirions que le feu par friction de l’intelligence active de la matière circulant dans ida nadi (symbole de la Mère) doit s’être uni au feu solaire de l’amour-sagesse circulant en pingala nadi (symbole du Fils), avant de pouvoir s’unir au feu électrique de la volonté circulant dans sushumna (symbole du Père)… Voici le grand mantra du feu donné par le Tibétain : « Je cherche la Voie ; je languis dans le désir de savoir. Des visions s’offrent à ma vue, ainsi que des impressions profondes et fugitives. De l’autre côté, derrière le portail, se trouve ce que je nomme ma demeure car le cercle a été, peu s’en faut, parcouru, et la fin se rapproche du commencement. Je cherche la Voie. Mes pieds ont foulé tous les chemins. La Voie du Feu me hèle en un appel ardent. Rien en moi ne cherche la voie de la paix ; rien en moi ne languit de désir pour la terre. Que le feu fasse rage et que les flammes dévorent ; que toutes scories soient consumées ; que je passe cette Porte et foule la Voie du Feu. » (A.A. Bailey La Lumière de l’âme)
Dans les Veda, qui sont les plus anciennes écritures de l’Inde et de la tradition du Yoga, « Agni, le feu sacré, est considéré dans sa dimension cosmique comme le métabolisme de l’univers à l’origine des changements, et la lumière qui guide. Il se situe à tous les niveaux des pratiques et des enseignements en Yoga, où il est à la fois le guide, en tant que Lumière, et le moteur de la transformation. Agni est en nous, en tant que lumière interne il nous inspire. En tant que feu externe, il est le feu et le soleil qui président à l’action à tous les niveaux. Dedans comme dehors, Agni est notre compagnon, il nous aide à briser le voile de l’illusion… Les pratiques de Yoga cultivent les feux internes pour nous permettre d’atteindre une vision lumineuse de la réalité. Ces feux internes travaillent notre matière brute, nos désirs humains, nos peurs, nos ambitions, pour les transformer et nous faire vivre des états plus spirituels, plus vastes et plus sublimes. Agni est la force qui suscite la prise de conscience et qui nous pousse à évoluer à travers une recherche permanente de l’Unité, non pas sous forme abstraite, en restant au niveau des idées, mais sous forme d’états d’être. Il ne faut pas réduire le Yoga à un système d’exercices ou à une approche méditative mais lui accorder sa noble place : le Yoga est une voie d’action, une voie d’évolution de l’Âme et de l’ensemble de notre être à tous les niveaux…
« Au niveau de Prana, Agni nous procure la chaleur à l’origine de transformations sur le plan physique et la lumière. Il est la volonté dans le «prana », l’énergie de vie dynamique et dans cette énergie il accomplit les mêmes fonctions. Il purifie, prépare, assimile, élève toujours plus haut et transfigure ses pouvoirs dans les énergies du mental. Sur le plan mental Agni correspond une fois encore à notre volonté, celle qui favorise la discipline utile au changement. C’est Tapas dans son rôle cosmique d’ardeur créatrice. Il le purifie par l’action mais aussi par l’aspiration. Quand il pénètre dans l’intellect, il guide les pensées et les énergies actives vers la lumière. A un niveau encore plus profond du mental et de l’intelligence, Agni est lumière subtile et chaleur, amenant dans son sillage des visions subtiles. Nous accédons à une fonction de transformation plus intense où les informations, analysées et perçues en profondeur, prennent des significations nouvelles, ouvrant sur une compréhension plus vaste de nous-mêmes et de la vie. Progressivement Agni, dans sa forme supérieure, nous permet d’atteindre des plans élevés qui nous font contacter notre nature dans ce qu’elle a d’éternel. Agni est ici le feu sacré du cœur. Le cœur est pour les Vedas le siège du Soi, il y est symbolisé par une flamme de la taille d’un pouce.
« Cette flamme dans notre cœur c’est nous, notre être véritable, un pouvoir et une présence qui permettent à notre corps et à notre mental de fonctionner. C’est notre feu originel qui contrôle tous les autres feux en nous. C’est la lumière de la vérité, le feu latent de notre âme qui accompagne le processus de transformation. En tant qu’Indra, c’est l’intelligence éclairée qui façonne les formes de pensée ou d’action justes ou parfaites. C’est le Pouvoir du mental, libéré des limites et de l’obscurité. Agni se révèle à nous, c’est le feu purificateur mais également le guide de l’âme sur la voie de la Béatitude. Sa volonté dans le mental clarifie celui-ci par l’aspiration. Il est par le pouvoir de volonté qu’il crée, responsable des actions humaines. Il est la volonté de Prana, l’énergie de vie dynamique, le Feu qui prépare et assimile et c’est l’ardeur. Il s’élève toujours plus haut et guide les énergies actives vers la lumière. Son divin lieu de naissance est la Vérité, l’Infinité, l’Intelligence cosmique où sont unifiées connaissance et force. C’est dans cet accomplissement que s’effectue et culmine le sacrifice védique, la transformation, symbole de l’activité cosmique et individuelle devenue consciente de soi. Les textes védiques sont les véhicules d’une sagesse profonde dont la trame est finement mêlée à tous les aspects de la vie. Les Vedas sont infinis et éternels. Selon Manu, le premier homme yogi et sage qui a connu l’illumination, par la pratique du Yoga en cultivant son feu sacré : « Le Feu Sacré, le premier prophète, apporte les Dieux aux personnes qui les cherchent. » Agni est le messager rapide qui assure les communications entre la terre et le ciel, entre les hommes et les dieux à qui il fait parvenir les hymnes et les prières, qui leur porte sur ses flammes les offrandes de leurs adorateurs. » (Swami Madhurananda, Le Feu de la Transformation, www.institutvidya.org)
Avant d’allumer en nous ce Feu sacré, soyons prêts à le nourrir dès la première étincelle, en gardant à portée de main le petit bois des mots et les grosses bûches des idées ramassés dans la forêt de l’imaginaire. Le feu des petits mots du langage brûle très vite et dégage peu de chaleur et de sens, mais il est nécessaire pour amorcer le feu des bûches d’idées rayonnantes de sens. La pensée se développe entre eux, comme un feu d’ondes tendues entre les mots et les idées qui se répondent en se réduisant peu à peu à l’essentiel, dans le rougeoiement des braises et la cendre des mots réduits à leur plus simple expression, leurs racines et mieux encore : les racines des racines, leurs sons et leurs vibrations premières. Dans l’imaginaire pousse alors une autre forêt de nature subliminale, née des cendres de bois brûlés à ses feux, nourrissantes et riches de principes actifs élémentaires régénérant l’être pensant lui-même, roi et reine du feu en son royaume où il fait bon être, feu allègre et foyer ardent d’une âme désormais à demeure, doucement rayonnante dans la chaude lumière de ses rayons.
Tout est là en puissance en chacun(e) pour ceindre la couronne célébrant en soi-même le feu brûlant de l’être pensant, transformant l’être réfléchi en être réfléchissant la lumière sans cesse renouvelée de son propre feu. Célébrons dans la joie l’être flamboyant comme ces hommes et ces femmes exaltés lors de cérémonies marchant sur les braises de leurs propres brasiers, et avec eux la régénérescence d’une existence rayonnante à nulle autre pareille. Chantons le Phénix renaissant indéfiniment de ses cendres, dans un temps présent réduit à l’instant où s’éclaire l’être transfiguré, le feu devenant le chant de l’absolu, l’irréductible appel de l’onde transcendante, enchantant le silence de sons mélodieux et des accords secrets d’une musique enivrante, où tout résonne ensemble en chantant l’âme en Dieu.
Patrick Carré
Patrick Carré, né le 14 janvier 1953, est poète, philosophe, et Franc-Maçon français. Son œuvre littéraire et artistique comprend un nombre considérable de poèmes et de textes philosophiques principalement sur l’Initiation Traditionnelle à la vie spirituelle.
Initié à 23 ans à la Grande Loge de France, il est membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, de Rite Ecossais Ancien et Accepté. Il est membre de la Loge Art Royal, Grande Loge de France, à Versailles.
Diplômé de Philosophie (Faculté de Rennes), de Gestion (IGR et Enass), d’Arts Plastiques (Institut Van der Kelen-Logelain à Bruxelles et CAP de potier tourneur).
Son site internet « Patrick Carré Poésie » http://www.patrick-carre-poesie.net/ de 1000 pages, premier site de langue française d’études et de poèmes d’un Franc-Maçon avec plus de 1.000.000 visiteurs, concentre ses travaux et recherches sur l’Initiation Maçonnique, en particulier tous les degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA), symbolisant l’Œuvre alchimique de perfectionnement et de transformation intérieure des Maçons.
Livres et disque
- Livre « Dürer Alchimiste, Maître du Trait, Philosophe » (Editeur LiberFaber http://liberfaber.com/fr/accueil.html )
- Livre « Francs-Maçons Alchimistes » (2015) (Editeur LiberFaber http://liberfaber.com/fr/accueil.html )
- CD « Le Flambeau » (incluant le recueil des 12 poèmes) (2013)
- Livre « Cathédrales » (2006)
- Livre « La Femme Chair, Cœur, Esprit » (2006)
Conférences
- Pensée symbolique et pensée sensible, illustrées par Dürer
- La pensée symbolique
- La Femme et la mixité en Franc-Maçonnerie
- La poésie en Franc-Maçonnerie
- L’univers du potier tourneur
- Le vitrail alchimique de la Cathédrale d’Orléans
- Le Feu
- Symbolisme Maçonnique et Alchimie
Membre aux USA de la Masonry Poetry Society ( http://www.mpoets.org/ProceedingsNo7.htm )
Lauréat France Musique Contes du jour et de la nuit (émission du 12/06/2014) ( http://www.francemusique.fr/emission/contes-du-jour-et-de-la-nuit/2013-2014/selection-france-2-du-4e-appel-ecriture-patrick-carre-5-5-06-12-2014-00-00 )
Avoir le feu, le feu de l’Amour.
Pour aller à l’essentiel, vers la lumière.
Aimer la liberté, aimer l’égalité, aimer la fraternité, aimer la laïcité.
FRATERNITE