La revue des francs-maçons du Grand Orient de France « Humanisme » – N° 310 – Février 2016 – consacre un dossier ambitieux sur le « Le Français : trop de mots ?«
Disponible chez Conform Editions et Detrad
Edito : Fraternité et frontière
L’idée de frontière paraît à ce point contrarier celle de fraternité qu’il suffirait de rappeler au sceptique que c’est parce que Rémus osa franchir le sillon tracé autour du Palatin par son frère Romulus que celui-ci commit le fameux fratricide. Il semble de surcroît difficile de concilier fraternité, qui est ouverture au monde, et frontière qui signifie, à l’origine, place d’armes.
Pourtant nous veillons à ne pas laisser violer le temple, espace clos et sacré où nous nous réunissons, gardé par le frère couvreur armé de son glaive, et nous promettons, certes symboliquement, à celui d’entre nous qui divulguerait à l’extérieur nos secrets, nos signes, nos rites, nos délibérations, qu’il aura la gorge tranchée. Nous défendons la liberté en loge mais une liberté limitée par l’observation rigoureuse du rituel. Nous invoquons l’égalité et l’amour de l’humanité mais nous excluons de notre chaîne d’union celui qui n’est pas des nôtres. Et nous pourrions nous interroger sur l’un des plus efficaces facteurs de notre solidarité : la puissance de nos adversaires. Quel trouble : la force de notre union semble fonction de la solidité de la barrière derrière laquelle nous nous retranchons, des quatre murs entre lesquels nous rêvons d’universalisme.
Que faire ? Abattre les cloisons symboliques, abolir les différences entre individus, inventer une maçonnerie à découvert ? En effet, une frontière hermétique rabougrit l’esprit de ceux qu’elle enferme, finit par faire de l’autre un barbare ; toutefois, si l’on y réfléchit, la transparence absolue viole les consciences, la liberté absolue donne le pouvoir au plus fort, l’égalité absolue mutile l’homme dans sa singularité. L’idée de frontière ne serait-elle donc pas, en fin de compte, nécessaire à la fraternité ?
Comment, en effet, pourrions-nous réfléchir sur le monde sans d’abord tenir en lisière sa fureur ? Comment prétendre améliorer l’homme et la société sans d’abord laisser nos métaux à la porte du temple ? Comment construire notre temple intérieur sans d’abord nous couper de nos déterminismes culturels et sociaux ? Ces limites que nous nous imposons, elles sont les instruments de notre affranchissement.
Notre isolement nous rapproche de l’humanité.
Le principe de séparation est indispensable à l’œuvre maçonnique mais ne la rend possible qu’à condition d’être temporaire et régulier. Nulle fraternité sans lignes de démarcation, sans les contraintes qu’elles imposent ; mais la frontière ne doit pas rester infranchissable pour réguler le flux et le reflux sources de vie, articuler le particulier et l’universel.
Aussi, gardons cette salutaire frontière qui nous constitue, nous protège, sans jamais oublier de marcher à l’étoile.
Samuël Tomei
Editorial
Fraternité et frontière – Samuël TOMEI
Vitriol
Vous avez dit « archaïque » ? – Annick DROGOU
Instruction publique
S(orienter dans le débat sur l’Ecole – Marie PERRET et Jean-Marie KINTZLER
Politique
Mobiliser les Lumières contre le fanatisme religieux – Charles COUTEL
Riposte
Au dernier éditorial sur l’Europe
Loge Ad Europam
Réponse : PRO EUROPA – Samuël TOMEI
Laïcité
« La laïcité est un processus inachevé » – Entretien avec Gérard DELFAU
Exposition
La Franc-Maçonnerie à la Bibliothèque Nationale
Actualité
L’actu d’Öz
Dossier : Voir, est-ce comprendre ?
Présentation du Dossier – Dominique HAYER
La vision humaine est une construction
Entretien avec Christophe HABAS
La propagande par l’image – Alexandre DORNA
La survision. Survoir, c’est comprendre – Jean-Luc MICHEL
Le regard du metteur en scène – Benoît BENICHOU
Une valse à trois temps ? Propositions d’un psycho-pédagogue – Jacques FONTAINE
Voir l’inimaginable – Jean-Louis COY
Le point de vue d’un policier – Daniel DEVICQ
Réflexion philosophique
L’homme antagoniste
Entretien avec Jacques DEMORGON
Histoire
230 ans de tradition maçonnique en Pologne – Tomasz SZMAGIER et Darius PELC
Les Francs-maçons et l’abolition de l’esclavage aux Antilles françaises – Léo URSULET
Travaux de Loges
La triangulation – Jérôme SAUDUBRAY
Maçonnerie
Le bêtisier du Franc-maçon – Youri CHELKOVSKI
Musique
Pierre Boulez versus Marcel Landowski – Jean KRIFF
Livres
Palmyre, l’irremplaçable trésor de Paul Veyne – Marc RIGLET
Le sens de la République de Patrick Weil et Nicolas Truong – Jean MOREAU
Décomposition française de Malika Sorel-Sutter – Philippe FOUSSIER
Jean Zay, le ministre assassiné d’Antoine Prost et Pascal Ory – Camille BINDER
Condorcet, l’instruction publique et la naissance du citoyen de Catherine Kintzler – Marie PERRET
La destruction de l’Université française de Christophe Granger – Giorgio GELSI
Tout peut changer de Naomi Klein – Jean-Pierre WEISSELBERG et Serge CLAVERO
Vous avez dit Concordat ? De Michel Seelig – Pascal BAJOU
Un silence religieux. La Gauche face au djihadisme de jean Birnbaum – Philippe FOUSSIER
L’ésotérisme pour les nuls de Jack Chaboud – Evariste K.
Louise Michel, à travers la mort de Claude Rétat – Samuël TOMEI
Juste une précision. le dossier sur « Le Français : trop de mot ? » est dans »Humanisme » n° 309 et non dans le n° 310 dont tu traites dans cet article. Bien Fraternellement.