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REFLEXION : Y A-T-IL UNE CULTURE OPTIMALE DE LOGE ?

Y a-t-il une culture optimale de Loge ? est un texte partagé par la  Grande Loge Indépendante de France (GLIF)

Le mot « culture » est largement polysémique. La culture va des aspects les plus matériels aux concepts les plus abstraits caractérisant un groupe. Si la culture est difficile à cerner directement, en revanche les pratiques concrètes qu’elle engendre sont facilement observables, et de là, il devient possible de remonter à la source qui les engendre.

Le Cahier Bleu n° 27 examine une méthode qui, applicable dans le domaine maçonnique, ouvre une piste pour s’interroger s’il existe une culture optimale de Loge.

Y a-t-il une culture optimale de Loge ?

Sans conteste, le mot « culture » tout comme celui de « valeurs » tout autant galvaudé et même récupéré à des fins plus ou moins avouables, sont largement polysémiques. 

La culture va des aspects les plus matériels (les « services et produits culturels ») aux concepts les plus abstraits caractérisant un groupe. 

Si la culture est difficile à cerner directement, en revanche les pratiques concrètes qu’elle engendre sont facilement observables, et de là, il devient possible de remonter à la source qui les engendre.

Notons que tout groupe est à la fois et peu ou prou animé d’un désir d’implication collective interne et d’une sensibilité aux influences extérieures. Ce sont les résultantes de ces forces qui conduisent d’une certaine manière aux pratiques observables et, de là, à la culture du groupe. Nous disposons d’une méthode pour comprendre la culture de tout groupe social, en fonction de deux critères simples : 

• le degré d’implication collective du groupe dans son entité (« niche d’appartenance »), faible (l’implication est peu significative) ou fort (l’implication donne du sens à la vie du groupe) ; appelons « ENDO » cette force de dynamique collective.

• et le degré de sensibilité du groupe à l’extérieur (« influençabilité par l’environnement »), faible (l’environnement n’a pas ou peu d’effet sur le groupe) ou fort (l’emprise de l’environnement est envahissante) ; appelons « ECO » cette force de pénétration dans le groupe.

Sur la base de ces deux critères, on peut distinguer quatre traits culturels :

• « Mécaniste » (faible ENDO, faible ECO) :

Pratique : on applique mécaniquement une procédure, une règle, une loi : ex. un service technique de l’administration.

Valeurs caractéristiques : ordre, continuité, sécurité, discipline, autorité liée au statut du chef et de la procédure, etc.

Si trait poussé à l’extrême : tyrannie réglementaire, violence légale, refus de progrès, etc.

• « Tribale » (fort ENDO, faible ECO) : 

Pratique : on se soumet aux ordres quels qu’ils soient, d’un chef : ex. un parti politique.

Valeurs caractéristiques : estime, fidélité, fierté d’appartenance, autorité et confiance liée au charisme du chef, etc.

Si trait poussé à l’extrême : sectarisme, tyrannie du chef, inégalité de traitement / « chouchous » et « insoumis », etc.

• « Radar » (faible ENDO, fort ECO) : 

Pratique : on regarde ce qui se passe ailleurs, on le valorise et on imite chez soi : ex. une entreprise de produits et services grand public pour s’accrocher à la concurrence.

Valeurs caractéristiques : innovation permanente, individualisme, réactivité pour imiter ce qui parait bien ou qui plait, autorité reconnue au chef, parce qu’il est le « meilleur », le plus « performant » etc.

Si trait poussé à l’extrême : primauté de l’intérêt individuel, compétition et rivalité, transgression des règles communes, etc.

• « Partenariale » (fort ENDO, fort ECO) : 

Pratique : chacun fait ce qu’il a à faire dans l’indépendance mais aussi dans l’interdépendance avec les autres : ex. une unité de recherche, une équipe de rugby.

Valeurs caractéristiques : esprit de coopération, développement individuel et collectif, identification et encouragement des forts potentiels, autorité naturelle du chef « leader d’équipe », etc.

Si trait poussé à l’extrême : angélisme, évitement des difficultés, « politiquement correct », etc.

Il est naturel que, dans tout groupe, …

• ces quatre traits soient présents ensemble peu ou prou,

• un trait culturel domine les autres,

Peut-on alors parler de culture de Loge ? Peut-on tendre vers un optimum ?

Ces quatre traits culturels se retrouvent naturellement aussi en Loge, et caractérisent sa pratique maçonnique[1].

• Mécaniste : on applique des rituels à la lettre : textes, gestuelle, lectures d’instructions, etc.

• Tribale : le Vénérable-Maître est le chef de chantier, c’est lui décide et on lui obéit.

• Radar : on visite des loges, on regarde et on compare ses pratiques avec celles des autres.

• Partenariale : les titulaires d’offices exécutent un ensemble collectif de prestations individuelles, de la qualité du travail des uns dépend la qualité de celui des autres.

Tout se dérègle quand un trait culturel de pratique s’impose exagérément aux dépens des autres : 

• La culture Mécaniste fait de la loge une sorte de club impersonnel, où la raison d’être le centre de l’union ; l’on procède à des actes procéduriers exécutés sans esprit de fraternité.

• La culture Tribale peut conduire les Vénérables-Maîtres à privilégier certains Frères qui leur paraissent plus « dociles » que les autres.

• La culture Radar importe dans la Loge des pratiques étrangères vues à l’extérieur « qui plaisent aux Frères, sinon on ne les garde pas. »

• La culture Partenariale peut créer des clans d’affinité aux dépens les uns des autres, ce qui est fâcheux pour l’unité de la Loge.

… ou quand ces traits sont poussés à l’extrême :

• Mécaniste : on récite ou on lit les rituels comme des perroquets sans en comprendre le sens.

• Tribale : le Vénérable se transforme en gourou et impose ses lubies à la Loge.

• Radar : on devient des imitateurs sans fin et la Loge perd progressivement sa propre identité.

• Partenariale : à multiplier les ententes locales, on finit par perdre le contrôle de l’organisation globale de la Loge. 

Alors que faire pour qu’une Loge soit culturellement et durablement équilibrée pour répondre à sa raison d’être traditionnelle ? Il est aisé de constater que tout se passe bien quand ces quatre traits culturels et les pratiques qu’ils induisent sont équilibrés : c’est le cas quand la Loge travaille sur le mode Chantier.

Ainsi, le Vénérable-Maître, exerçant l’autorité attendue par ses Frères lui ayant donné mandat …

1. … veillera que chacun soit bien à sa place sur le chantier de la Loge, respecte les procédures rituelles de fonctionnement et ne fasse pas preuve d’originalité ou de fantaisie (« mécaniste ») ;

2. … rappellera que l’assiduité en Loge est primordiale pour sa dynamique et son développement, qu’on n’y vient pas en « touriste » quand on n’a rien de mieux à faire, et que chacun doit trouver son mode d’implication (« tribale ») ;

3. … écoutera avec intérêt toute remarque d’amélioration du fonctionnement sur la base de ce qui a été observé à l’extérieur, tout en protégeant l’identité et l’histoire de la Loge (« radar ») ;

4. …  insistera, pour les cérémonies, que tous soient solidairement unis et dans les rôles attribués, selon les cas responsables, acteurs ou concernés, et non spectateurs ou « consommateurs » ;

… affichera, hors cérémonies, un objectif commun de réalisation. Chacun travaillera ainsi non sur les sujets qui les intéressent personnellement, mais sur ceux du rituel et des documents d’instruction, sous forme de causeries initiatiques qui permettent à chacun, quels que soient son niveau académique et ses dons d’orateur, de participer à une œuvre commune (« partenariale »).

Enfin le Vénérable-Maître fera toujours preuve de discernement, pour s’assurer que chacun comprend et intègre les messages initiatiques qu’il transmet, car chacun les reçoit … selon sa propre culture personnelle dominante.

[1] Nous ne mentionnerons pas directement des aspects tels que l’influence culturelle de la langue des rituels, la composition sociologique des Loges, voire l’influence des lieux de réunion de Tenues, etc. Ils sont certes importants, mais ils se manifestent comme les autres traits culturels par les pratiques qu’ils engendrent.  

A.S.: