Et l’homme le plus sage ne lui ravit pas son secret, pas plus qu’il n’épuise sa curiosité en en découvrant toute la perfection. Jamais la nature ne fut un jouet aux yeux du sage. Les fleurs, les animaux, les montagnes reflètent la sagesse de ses heures les meilleures, de même qu’ils ont enchanté la simplicité de son enfance. Lorsque nous parlons de la nature de cette manière, nous avons à l’esprit un sentiment particulier, quoique des plus poétiques.
Nous voulons parler de l’unité d’impression provoquée par la diversité des objets naturels. C’est cela qui distingue le morceau de bois du bûcheron de l’arbre du poète. Le paysage charmant que je contemple ce matin est indubitablement composé de vingt ou trente fermes. Miller possède ce champ, Locke celui-là, et Manning le bois situé au-delà. Mais aucun d’eux ne possède le paysage. Il est une propriété à l’horizon que personne ne possède, sauf celui dont l’œil est capable d’intégrer toutes les parties, c’est-à-dire le poète.
C’est la meilleure part de la ferme de ces hommes, quoique leur titre de propriété n’y donne aucun droit.
A vrai dire, peu d’adultes sont capables de voir la nature. La plupart des gens ne vient pas le soleil. Du moins en ont-ils une vision très superficielle. Le soleil ne fait qu’éclairer l’oeil de l’homme, alors qu’il brille à la fois dans l’oeil et dans le coeur de l’enfant. L’amoureux de la nature est celui dont les sens internes et externes sont encore réellement ajustés les uns aux autres et qui a gardé l’esprit d’enfance jusque dans l’âge adulte. Son commerce avec le ciel et la terre devient une part de sa nourriture quotidienne. En présence de la nature, une joie sauvage parcourt cet homme, en dépit des chagrins réels. La nature dit : « Il est ma créature, et malgré l’insolence de son affliction il sera heureux avec moi. » Ce n’est pas le soleil ou l’été seulement, mais chaque heure, chaque saison qui apporte son lot de plaisir; car chaque heure et chaque changement correspondent, en même temps qu’ils le permettent, à un état d’esprit différent, de midi où ne circule pas le moindre souffle d’air jusqu’au minuit le plus noir. La nature est un décor qui convient aussi bien pour jouer une pièce triste que comique. Lorsqu’on est en bonne santé, l’air est un cordial d’une incroyable efficacité. Traversant au crépuscule, sous un ciel nuageux, un terrain dénudé parsemé de plaques de neige boueuse sans avoir présente à l’esprit l’idée d’une bonne fortune particulière, j’ai joui d’un sentiment d’allégresse parfaite.
La Nature