Le 05 mai 2011 à l’Assemblée Nationale, le député et secrétaire général de l’UMP Jean-François Copé, ainsi que quelques députés UMP, ont déposé une proposition de loi sur l’attachement au respect des principes de laïcité, fondement du pacte républicain, et de liberté religieuse.
Il y est proposé entre-autre « l’élaboration d’un code de la laïcité et de la liberté religieuse, qui regrouperait l’ensemble des principes et règles applicables en la matière« . L’islam n’y est pas ouvertement évoqué mais seulement sous-entendu : « améliorer le régime juridique des ministres du culte ou de l’abattage rituel ».
Cette proposition de loi est à lire, sans partie pris, car c’est bien au sein de cette assemblée que se décide notre avenir comme celui de la Laïcité…C’est aussi à nous francs-maçons de connaître, savoir pour mieux comprendre et mieux débattre…
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Consulter la proposition de loi : http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion3397.asp
Mesdames, Messieurs,
Le principe de laïcité est un fondement de notre République que l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 définit comme « une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».
Principe de neutralité de l’État en matière religieuse, la laïcité repose sur une distinction claire de la sphère politique et de la sphère religieuse et emporte une séparation des Églises et de l’État.
Ce principe de laïcité n’est pas la négation des religions ou le combat contre celles-ci. Il garantit la liberté de conscience et la liberté de culte et assure le respect des croyances de chacun. En effet, la laïcité implique le droit pour chacun de pratiquer son culte, s’il le souhaite, dans le respect de celui des autres et dans le respect des lois de la République.
Le principe de laïcité est ainsi :
– un principe de liberté, qui assure que chacun ait la liberté de croire ou de ne pas croire, ainsi que la liberté de changer de conviction religieuse ;
– un principe d’égalité, qui garantit, par la neutralité de l’État, l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction de religion et dans le respect du pluralisme ;
– un principe de fraternité, fondement de notre vivre ensemble au-delà des différences de convictions, caractérisé par le respect des lois de la République et de la liberté de conscience d’autrui.
En France, depuis quelques années, ce principe est l’objet de remises en cause :
– D’abord, à cause de l’ignorance : la méconnaissance de l’autre, de sa confession ou de sa philosophie, de ses espérances ou de ses doutes, entretient les peurs et le repli sur soi, au détriment de la solidarité nationale.
– Ensuite, lorsque des valeurs essentielles de la République – égalité entre les hommes et les femmes, liberté de conscience, respect de l’ordre public, neutralité de l’État et de ses agents – font l’objet de contestations pour motifs religieux et que, parfois, des responsables politiques acceptent, au nom d’accommodements prétendument raisonnables, des aménagements qui reviennent à faire primer les règles d’une religion ou d’une communauté sur les lois de la République.
– Enfin, le principe de laïcité est contesté lorsque des extrémistes cherchent à instrumentaliser la religion à des fins politiques, au détriment des croyants qui sont, toujours, les premières victimes de ces manœuvres.
Parce que le principe de laïcité est le meilleur moyen de concilier liberté religieuse et vivre ensemble, parce qu’il est un projet d’avenir pour consolider la communauté nationale, nous avons la conviction que des moyens renforcés doivent être mis en œuvre pour garantir son respect, assurer sa pédagogie et assurer la diffusion des droits et des devoirs qui en résultent, notamment dans un souci de clarté et d’intelligibilité des lois de la République en élaborant un code de la laïcité et de la liberté religieuse.
Tout en défendant sans ambiguïté la liberté religieuse, nous ne pouvons pas rester indifférents face au développement de dérives qui, sous couvert de liberté de manifester ses croyances et de relativisme culturel, constituent une négation de notre vivre ensemble, une mise en cause de ce qui fait la spécificité du modèle républicain français et fragilisent l’ensemble de la communauté nationale.
Nous devons faire preuve de fermeté, réaffirmer solennellement notre attachement au principe constitutionnel de laïcité, et rappeler clairement les devoirs qui en résultent, au premier rang desquels l’interdiction de se prévaloir de ses croyances religieuses ou de son appartenance à une communauté pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers. Nous devons rappeler que, dans le cadre des services publics et des structures concourant à une mission d’intérêt général, cette obligation de neutralité interdit que, au nom de ses convictions religieuses, on récuse un personnel de l’administration, on demande à bénéficier de dérogations de nature à mettre en cause le bon fonctionnement du service, on entende échapper à certains enseignements…
Mais parce que le principe de laïcité assure la liberté de conscience, c’est, plus largement et au-delà des rapports avec les pouvoirs publics, la liberté religieuse qui doit être réaffirmée. Nous contredisons ainsi tous ceux qui instrumentalisent la religion à des fins politiques. Dans les limites qu’imposent les exigences de l’ordre public, le respect de la liberté de conscience de chacun contribue au mieux vivre-ensemble.
Dans cet esprit et conformément aux principes énoncés par la loi du 9 décembre 1905, c’est la possibilité pour chacun de ceux qui le souhaitent de vivre leur croyance dans le respect des droits d’autrui et de l’ordre public qui doit être assurée. C’est la raison pour laquelle doivent être clarifiées les règles relatives au financement de la construction et à l’entretien des lieux de cultes. Les associations cultuelles ou à but religieux doivent pouvoir financer, grâce aux dons de leurs membres, l’édification de lieux de culte à taille humaine, selon leur besoin, dans le respect des règles d’urbanisme et dans la plus grande transparence. Hors manifestations traditionnelles, nul ne peut se satisfaire d’un exercice récurrent du culte sur la voie publique, qui cause un trouble à l’ordre public.
Dans le même esprit, c’est la raison pour laquelle doivent pouvoir être respectées les dernières volontés de chacun, en garantissant que les défunts puissent être inhumés conformément à leurs vœux, tant que l’ordre public n’est pas mis en cause. De même encore, faut-il améliorer le régime juridique des ministres du culte ou de l’abattage rituel.
Nous voulons aussi rappeler les devoirs du service public de l’audiovisuel, qui contribue à la liberté religieuse, en permettant aux personnes invalides ou dépendantes d’exercer leur culte.
Mais parce que toute liberté a pour borne la liberté d’autrui, il est souhaitable que, dans le cadre particulier de l’entreprise, puisse être imposée une certaine neutralité en matière religieuse, notamment, lorsque cela est nécessaire, un encadrement des pratiques et tenues susceptibles de nuire à un vivre ensemble harmonieux.
Parce que chaque Français est important et doit être considéré, respecté, qu’il ait ou non une religion et quelle que soit sa religion, nous avons la conviction qu’il est nécessaire de réaffirmer solennellement notre attachement au respect du principe de laïcité, fondement de notre République, et de la liberté religieuse, qui sont les conditions d’un projet d’avenir pour mieux vivre ensemble.
Tel est le sens de la présente proposition de résolution que nous vous demandons d’adopter.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement,
Vu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, et spécialement son article 10 qui dispose que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public » ;
Vu le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, par lequel « le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés », et spécialement son alinéa 6 qui énonce que : « Nul ne peut être lésé, dans son travail ou dans son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, et spécialement son article 1er qui dispose que : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée » ;
Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, et notamment ses articles 2 et 18 qui énoncent respectivement que : « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation » et que : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites » ;
Vu la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, et spécialement son article 9 qui stipule, dans son paragraphe 1er, que : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites » et dans son paragraphe 2 que : « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » ;
Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu’entrée en vigueur le 1er décembre 2009, et notamment son article 10, qui stipule que : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites » ;
Considérant que la liberté de conscience est l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ;
1. Considère que la laïcité constitue un principe fondateur du pacte républicain et inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ;
2. Souhaite que tous les moyens utiles soient mis en œuvre pour garantir le respect des principes de laïcité et de liberté religieuse et assurer la diffusion des droits et des devoirs qui en résultent, notamment par l’élaboration d’un code de la laïcité et de la liberté religieuse, qui regrouperait l’ensemble des principes et règles applicables en la matière ;
3. Estime que les acteurs de terrain ne peuvent pas être laissés seuls face à des pressions et des pratiques extrémistes qui contestent les lois de la République et mettent en cause l’ordre public pour des motifs religieux ;
4. Affirme solennellement que, dans une République laïque, nul ne peut se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ;
5. Condamne tous aménagements de ce principe qui, au nom d’accommodements prétendument raisonnables, consistent à transgresser les lois de la République en cédant à des revendications communautaristes ;
6. Estime nécessaire que la pédagogie de la laïcité soit davantage prise en compte dans les politiques publiques de formation, en particulier au sein de l’Éducation nationale ;
7. Estime nécessaire que le principe de laïcité soit étendu à l’ensemble des personnes collaborant à un service public ainsi qu’à l’ensemble des structures privées des secteurs social, médico-social, ou de la petite enfance chargées d’une mission de service public ou d’intérêt général ; hors le cas des aumôneries et des structures présentant un caractère « propre » d’inspiration confessionnelle ;
8. Rappelle que le principe de laïcité interdit à quiconque, dans le cadre d’un service public, de mettre en cause son fonctionnement normal, par exemple en se soustrayant à l’obligation scolaire, ou de récuser un agent pour des motifs religieux ;
9. Réaffirme solennellement son attachement au respect des principes énoncés par la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l’État, dont les articles 1er et 2 énoncent respectivement que « La République assure la liberté de conscience » et que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » ;
10. Estime souhaitable que, dans les entreprises, puisse être imposée une certaine neutralité en matière religieuse, et notamment, lorsque cela est nécessaire, un encadrement des pratiques et tenues susceptibles de nuire à un vivre ensemble harmonieux ;
11. Souhaite, afin que chacun puisse exercer sa liberté religieuse, clarifier et aménager, conformément aux exigences de transparence financière, le régime de financement de la construction et de l’entretien des lieux de culte ;
12. Considère que la liberté de conscience impose que puissent être respectées les dernières volontés des défunts d’être inhumés, sans mettre en cause la neutralité des parties communes des cimetières, dans des carrés confessionnels ;
13. Rappelle son attachement à la mission du service public de l’audiovisuel qui, dans le respect de son cahier des charges, contribue à la liberté religieuse, en permettant aux personnes dépendantes ou invalides d’exercer leur culte ;
14. Forme le vœu que la France fasse valoir dans le monde, notamment à travers les conventions et organisations internationales auxquelles elle participe, sa conception d’une laïcité équilibrée et de la défense de la liberté religieuse, afin que les peuples qui cherchent la liberté puissent s’en inspirer.
Consulter la proposition de loi : http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion3397.asp