La Boutique Maçonnique NOS CLOLONNES a publié un article sur PRINCE HALL ET LA FRANC-MAÇONNERIE AFRO-AMÉRICAINE :
Prince Hall est une grande figure maçonnique assez peu connue des francs-maçons européens. Il est considéré comme le fondateur de la franc-maçonnerie afro-américaine, qui porte même son nom, la Prince Hall Freemasonry. Le chemin permettant aux afro-américains d’accéder à la franc-maçonnerie fut long et semé d’embûches et ce n’est guère qu’à la fin du XXe siècle que la plupart des Grandes Loges maçonniques des États-Unis (mais pas toutes, car plusieurs Grandes Loges du Sud résistent) reconnurent la légitimité de la Prince Hall Freemasonry. La Grande Loge Unie d’Angleterre, après examen du dossier, reconnut également les Grandes Loges Prince Hall, dérogeant exceptionnellement au principe de la reconnaissance d’une seule Grande Loge par pays (ou par État, dans le cas des États-Unis). Cette franc-maçonnerie afro-américaine Prince Hall est réellement un exemple d’humanisme et de tolérance et mérite d’être mieux connue des francs-maçons européens.
PRINCE HALL, UN ESCLAVE AFFRANCHI
Comme c’est généralement le cas pour les esclaves affranchis, les origines exactes de Prince Hall sont difficiles à établir. Selon certaines sources, il serait né à la Barbade vers 1735 et selon d’autres à Boston en 1738. Certains le disent métis, fils d’un maroquinier anglais et d’une esclave affranchie noire venue des Antilles Françaises, alors que pour d’autres, il serait devenu l’esclave du maroquinier William Hall à Boston en 1749.
Une seule chose est sûre, c’est qu’il fut affranchi par William Hall en 1770, le contenu de l’acte notarié de manumission étant semble-t-il connu. Ce document précise curieusement qu’avant même avoir été affranchi, Prince Hall avait toujours été considéré comme un homme libre, ce qui laisse supposer qu’il était probablement un fils naturel que William Hall avait eu avec une esclave.
Militant pour l’abolition de l’esclavage et l’égalité des droits, Prince Hall œuvra à Boston pour l’éducation des enfants noirs et créa lui-même une école. Il encouragea la communauté noire à s’engager dans les rangs des Insurgés lors de la Guerre d’Indépendance, espérant que dans une nouvelle Amérique libérée du joug britannique, l’égalité des droits serait enfin proclamée. Mais son attente fut pour le moins déçue.
ENTRÉE DE PRINCE HALL EN FRANC-MAÇONNERIE
Comprenant que la franc-maçonnerie défendait les idées de l’égalité et de la justice, c’est tout naturellement que Prince Hall chercha à se faire initier. Avec quatorze membres de la communauté noire de Boston, tous affranchis comme lui, il fit une première tentative auprès de la Loge anglaise St John n°1 de Boston, mais sans succès. En 1775, Prince Hall et ses compagnons eurent plus de succès et furent reçus le 6 mars dans la Loge militaire du 38e Régiment d’Infanterie, dépendant de la Grande Loge d’Irlande, où elle portait le numéro 441.
Après le départ des troupes britanniques de Boston en 1776, Prince Hall et les autres francs-maçons noirs créèrent l’African Lodge n° 1, dont Prince Hall fut élu Vénérable Maître; ils furent autorisés à tenir Loge, à participer aux défilés de la St Jean et aux funérailles maçonniques, mais pas à initier de nouveaux membres. Voie de garage dans laquelle la Grande Loge du Massachusetts, qui refusait de les intégrer pleinement, espérait voir s’éteindre rapidement cet embryon de franc-maçonnerie afro-américaine.
L’AFRICAN LODGE, MÈRE-LOGE DE LA FRANC-MAÇONNERIE AFRO-AMÉRICAINE
Ne pouvant espérer se développer dans ces conditions, l’African Lodge n° 1 adressa une demande de Patente à la Grande Loge de Londres, qu’elle obtint en 1784, devenant ainsi l’African Lodge n° 469. En mars 1797, avec la même Patente, Prince Hall fondait à Philadelphie une seconde Loge nommée elle aussi African Lodge n° 469, et en juin de la même année, il créait à Providence, Rhode Island, une troisième African Lodge n°469. Toutes deux changeront de nom plus tard, avec une Patente propre.
Prince Hall mourut en 1807 et ne put achever l’œuvre maçonnique qu’il avait entreprise. Mais le 24 juin 1808, ce sont ses Frères des trois African Lodges qui s’en chargèrent, en créant l’African Grand Lodge of Massachusetts.
LA PRINCE HALL GRAND LODGE
L’African Grand Lodge of Massachusetts, première Obédience maçonnique afro-américaine, affirma son indépendance vis-à-vis de la Grande Loge Unie d’Angleterre et de toutes les autres Obédiences maçonniques en 1827. Les Loges afro-américaines de Pennsylvanie se constituèrent à leur tour en Grande Loge, et d’autres États suivirent.
En 1847, les différentes Grandes Loges s’unirent et elle prirent le nom de Prince Hall Grand Lodge, en hommage à leur principal inspirateur et fondateur. Et comme pratiquement toutes les Obédiences maçonniques, les Grandes Loges Prince Hall connurent un schisme, en 1849. Certaines Grandes Loges, minoritaires, privilégiant l’héritage historique des trois premières African Lodges, constituèrent une Grande Loge Nationale (National Grand Lodge) ayant juridiction sur tous les États-Unis: on les appelle Prince Hall Origin (PHO). Les autres, majoritaires, souhaitèrent conserver le système américain d’une Grande Loge par État: ils sont connus sous le nom de Prince Hall Affiliated (PHA).
Seuls les Prince Hall Affiliated sont aujourd’hui reconnus par la Grande Loge Unie d’Angleterre et par la plupart des Grandes Loges américaines. À l’instar des autres Grandes Loges américaines, leurs Loges bleues travaillent selon les rituels du Rite d’York (dit aussi Rite Américain) et disposent de deux Suprêmes Conseil du Rite Écossais Ancien Accepté, l’un pour le Nord et l’autre pour le Sud. Chaque Grande Loge dispose également d’un Grand Chapitre de Royal Arch, administrant, selon les usages du Rite d’York, le degré de Royal Arch, les degrés Cryptiques et les Knight Templars. Et les corps maçonniques associés, dont certains sont destinés aux épouses et filles de francs-maçons, tels que les Shriners, l’Easter Star, les Heroines of Jericho, les Daughters of Isis, sont en usage dans la Prince Hall Freemasonry.
La Prince Hall Freemasonry compte actuellement aux États-Unis 43 Grandes Loges pour les Prince Hall Affiliated et une pour les Prince Hall Origin. Les Prince Hall Affiliated ont également une Grande Loge au Canada, deux Grandes Loges aux Caraïbes, une Grande Loge au Libéria et une Grande Loge au Brésil. Aujourd’hui, l’ensemble des Grandes Loges constituant la Prince Hall Freemasonry comptent environ 300’000 membres.
LA PRINCE HALL FREEMASONRY, UN EXEMPLE D’OUVERTURE ET DE TOLÉRANCE
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la Prince Hall Freemasonry, d’origine afro-américaine, n’exige pas de ses membres qu’ils soient noirs ou métis. La majorité le sont, certes, mais l’on peut adhérer à une Loge Prince Hall quelle que soit son origine ethnique.
Ce fait est très important à relever, car il montre la haute valeur humaine de la Prince Hall Freemasonry. Ayant été discriminés sur une base ethnique, les francs-maçons afro-américains auraient pu basculer dans la position inverse, et refuser les blancs. Ce serait une réaction humainement compréhensible, et plusieurs mouvements américains qui ont lutté pour l’émancipation des afro-américains, tels les Blacks Panthers et le Nation Of Islam, ont adopté des attitudes de discrimination inversée.
En ouvrant ses portes à tous ceux qui souhaitent y entrer, pour autant qu’ils satisfassent aux exigences en vigueur dans toutes les Obédiences maçonniques régulières, mais sans aucune connotation d’origine ethnique, la Prince Hall Freemasonry a montré qu’elle entendait faire régner les valeurs maçonniques les plus pures, sans aucun esprit de revanche. La franc-maçonnerie afro-américaine n’a donc pas instrumentalisé la franc-maçonnerie pour servir la cause de l’émancipation, mais elle a au contraire su faire pénétrer l’esprit et les valeurs maçonniques dans cette lutte, pour en tirer une force constructive et tolérante. Un magnifique exemple pour tous les francs-maçons!
Envisager qu’une loge soit réservée a une couleur de peau me pose problème.
Quelque soit cette couleur