Jérôme Touzalin est un dramaturge,membre du Conseil de l’Ordre, de la Grande Loge Traditionnelle et Moderne de France.
Voici donc la « Chronique (imp)pertinente de Jérome” :
« Pourquoi ?»
« Parce que ! ».
Depuis toujours on se plait à répartir l’humanité en diverses catégories qui se font face : ainsi les riches-les pauvres, les grands-les petits, les nobles-les roturiers, les intellectuels-les manuels, les scientifiques-les littéraires, les citadins-les ruraux, les croyants-les athées et l’on peut continuer ainsi quasi à l’infini.
Puisqu’il y a encore de la place, je voudrais rajouter un groupe à cette inépuisable liste, celui des hommes et des femmes du : « Pourquoi ? », face aux hommes et aux femmes du : « Parce que ! ».
Il y a des humains qui, depuis l’aube des temps, ne cessent de se poser des questions… tout, pour eux, est sujet à interrogation : pourquoi la vie, la mort, la nuit, le jour, le ciel, les étoiles, les virus, les bactéries, les migrations des oiseaux et le longues et infinies marches des manchots… sans cesse ils cherchent le pourquoi du comment, et une question en appelle tout aussitôt une autre… une réponse n’est qu’un appui momentané pour reprendre son souffle avant de repartir de plus belle dans un élan nouveau.
On amasse du savoir certainement, on ajoute chaque fois des éléments supplémentaires au petit tas de connaissances déjà laborieusement constitué, mais rien n’efface, au fond de soi, cette évidence que nous continuons à tellement ignorer encore et encore et rien n’arrête cette impérieuse nécessité de toujours soulever devant soi de nouveaux pourquoi.
Se dressant face à cette armée des « Pourquoi », il y a les troupes du « Parce que », ceux qui, face aux mêmes questions, car ils se posent les mêmes questions, il ne faut pas leur faire l’injure de décréter qu’ils ne s’interrogent pas, répondent instantanément : « Parce que !», ajoutant, comme si c’était une preuve : « C’est comme ça ! Cela a toujours été comme ça. » et ils acceptent tout ce qui est tel qu’ils le découvrent, ne voulant pas chercher à savoir ce qu’il y a au-delà du ici et maintenant et se satisfaisant des réponses venues du plus profond de la nuit des temps, élaborées par les humains qui les ont précédés sur cette planète.
Ainsi les « parce que » n’admettaient pas que la terre put tourner parce qu’on voyait bien que c’était le soleil qui apparaissait d’un côté et s’endormait de l’autre, il n’y avait pas à revenir là-dessus… ainsi devant telle épidémie, inutile d’en aller chercher la cause bien loin, c’était parce qu’on avait déplu à Dieu ; ainsi les gelées de printemps parce qu’il avait fait trop beau en Décembre et que « Noël au balcon, Pâques aux tisons.», ainsi les « Parce que », pour bâtir leur vérité se fournissent avant tout en matière première venues du magique, du superstitieux, de la coutume mal comprise.
Et aujourd’hui encore, les « parce que » n’ont pas disparu avec la science, car les « Parce que » c’est l’acceptation du monde tel qu’il se présente dans sa vision immédiate, il n’y a pas à chercher un processus plus complexe qui se développerait derrière. Les « Parce que » c’est l’autorité sans discussion, l’obéissance aveugle ; c’est la tradition dans ce qu’elle a de plus fermé, de plus répétitif, c’est l’absence de remise en cause, c’est la soumission. C’est très rassurant, il suffit d’accepter.
Ainsi les « parce que » se mettent à l’abri en bâtissant des murs, quand les « pourquoi » veulent savoir et ouvrent des portes.
Et les Francs-maçons et maçonnes ?
On entend dire, dans nos cercles, que les Francs-maçons sont des « cherchants » et cela leur va bien car, comme l’écrivait le prix Nobel de physique Albert Szent : « La recherche : c’est voir ce que tout le monde voit et penser à ce à quoi personne n’a pensé. »
Le Franc-maçon ne s’arrête pas à ce que tout le monde voit… qui est le bandeau naturel qui obstrue le regard de trop d’humains, cela ne lui suffit pas. Il a tôt fait de retirer la vision de l’immédiat qui offre, bien souvent, une apparence trompeuse.
Je rangerais donc volontiers les Franc-maçonnes et francs-maçons dans la catégorie des humains qui pratiquent l’incessant « pourquoi » en étant continuellement en route, continuellement à aller voir ce qu’il se passe derrière l’horizon, jamais satisfait des réponses, perpétuellement animés du désir féroce d’en savoir toujours plus.
Certes, les murs sont nécessaires, il faut des limites, il faut des structures, nous ne sommes pas architectes pour rien… on ne peut pas laisser aller une société à tous les vents, il convient de fixer des règles et des conduites, mais rien ne doit être figé, des ouvertures doivent être pratiquées et les murs, eux-mêmes, peuvent être déplacés.
C’est dans le « pourquoi » que le Franc-maçon se réalise, élève le temple de la cité et son temple personnel, c’est dans le pourquoi que le Franc-maçon se rassure en partageant les mêmes questions avec ses sœurs et ses frères.
Un « parce que » ça ne va pas loin, il se pose et s’arrête là, un « pourquoi » ça n’a pas de fin et c’est cela qui est exaltant, cette quête perpétuelle.
Jérôme Touzalin G.L.T.M.F.
Pourquoi des murs ?
Parce que j’ai peur et les murs me protègent !… Du moins je crois !