Vous prenez la décision de faire un changement dans votre vie, un changement important dans le but de vous améliorer. Vous partagez cette résolution avec vos amis. Vous la mettez par écrit. Vous effectuez ce changement. Ça marche, vous vous sentez bien, vous êtes heureux. Vos amis en sont heureux. Votre vie s’améliore. Et puis tout s’arrête et vous régressez.
Pourquoi ? Est-ce parce que vous n’avez aucune volonté, aucune force de caractère ? Pas nécessairement, écrit George Leonard dans son livre Mastery. Régresser est en réalité une expérience que nous connaissons tous. En fait, chacun de nous a tendance à résister à un changement majeur, qu’il soit pour le mieux ou pour le pire. Notre corps, notre cerveau et notre comportement ont une très forte tendance à se maintenir dans un programme connu et à y revenir dès la moindre déviation – et c’est d’ailleurs très bien comme ça.
Si votre température interne changeait de 10% sans que votre corps ne réagisse pour retrouver son équilibre, vous auriez naturellement des problèmes. Il en est de même pour votre taux de sucre et toutes les innombrables fonctions physiques qui vous maintiennent en vie. Cette condition d’équilibre, cette résistance au changement s’appelle homéostasie. Elle caractérise le fonctionnement de tous les organismes vivants, d’une bactérie à un être humain et celui des familles, des entreprises et des traditions culturelles, en agissant autant au niveau psychologique que physique.
L’action d’un thermostat qui tente de maintenir une température établie illustre d’une façon simple la notion d’homéostasie qui, lorsque nous tentons de changer notre comportement ou d’entreprendre une nouvelle activité, tend à nous maintenir à un niveau connu et établi – qu’il soit favorable ou pas. Tout effort pour changer quoi que ce soit, même si le but est de nous améliorer, s’oppose à une résistance interne qui nous envoie toutes sortes de signaux négatifs pour nous enjoindre d’arrêter immédiatement ce changement. Ces signaux peuvent être physiques ou psychologiques mais ils sont très réels et cessent de se mainifester dès que nous abandonnons ce changement, dès que nous rentrons dans l’ordre et que nous retrouvons l’état de stabilité antérieur, même si celui-ci n’est pas satisfaisant.
Et pourtant, le changement existe partout. Les individus changent, les familles changent, les organisations et les cultures changent aussi. Cette résistance, qu’elle provienne de nous ou de ceux qui nous entourent, augmente avec l’importance du changement et la vitesse à laquelle il s’effectue, nous rappelle George Leonard. Plus le changement est considérable et plus il est rapide, plus la résistance sera vive.
Supposons qu’après plusieurs années de résultats insatisfaisants, vous décidiez d’adopter de nouvelles méthodes de travail pour améliorer votre carrière. Tout va se mettre à changer autour de vous et, tôt ou tard, vous serez confronté à l’homéostasie.
En fait, chaque fois que vous tentez de développer une partie importante de votre potentiel, dans quelque domaine que ce soit, vous provoquez des changements et, même si ces changements vous sont profitables, l’homéostasie agira immédiatement ou, quelques fois, plus tard, pour vous maintenir là où vous étiez auparavant. Peut-être allez-vous ressentir des signaux d’alarme sous forme de symptômes physiques ou psychologiques. Peut-être allez-vous même saboter vos propres efforts, sans le savoir. Il se peut aussi que vous éprouviez des résistances de la part de votre famille, de vos amis ou de vos collègues.
En fin de compte, ce sera à vous de décider si vous voulez mettre le temps et les efforts nécessaires pour continuer sur la voie que vous aurez choisie. Si vous le voulez vraiment, George Léonard vous offre les cinq recommandations suivantes.
1- Soyez conscient du fonctionnement de l’homéostasie.
Attendez-vous à de la résistance et à des contre-coups. Dites-vous que lorsque les signaux d’alarme retentissent, cela ne signifie pas nécessairement que vous êtes malade ou paresseux ou que vous avez pris une mauvaise décision. En fait, vous pourriez considérer ces signaux comme une preuve que votre vie est réellement en train de changer – et c’est bien cela que vouliez.
Il se pourrait, cependant, que vous ayez entrepris quelque chose qui ne vous convienne pas du tout. Vous devrez alors revoir vos priorités et prendre une autre décision. En tout cas, ne soyez pas pris de panique et n’abandonnez pas au premier obstacle.
Attendez-vous à rencontrer de la résistance de la part de vos amis, de votre famille et de vos collègues – en vous rappelant que l’homéostasie agit autant au niveau social que personnel. Supposons que vous décidiez de vous sentir mieux et, qu’au lieu de vous lever péniblement vers 7h30 pour arriver à votre bureau, déjà fatigué, à 9h, vous vous leviez plutôt à 6h et vous sortiez de chez vous pour marcher, courir ou faire du Tai Chi. Vous arrivez alors à votre bureau, plein d’énergie et prêt à l’action dès 8h30. Vous pourriez croire que vos collègues seraient heureux de vous voir ainsi mais n’en soyez pas si sûr. Et quand vous rentrez chez vous, plein d’entrain et prêt à continuer, pensez-vous que votre famille acceptera facilement ce changement ? Peut-être. Ne soyez pas surpris lorsque même ceux que vous aimez beaucoup tentent de vous dissuader. Ce n’est pas qu’ils vous veulent du mal, c’est l’homéostasie à l’œuvre.
2- Soyez disposé à négocier avec votre résistance au changement.
La négociation est la meilleure méthode pour réussir des changements à long terme dans votre vie personnelle ou dans votre organisation. Cela signifie souvent qu’il vous faudra reculer d’un pas avant d’avancer de deux et même, quelques fois, reculer de deux pas pour n’avancer que d’un seul. Vous devrez cependant conserver, sans faillir, votre détermination à aller de l’avant, tout en demeurant toujours conscient de ces résistances. Celles-ci, en retour, vous serviront alors de guides. Foncer aveuglément sans vouloir être conscient des résistances peut être dommageable et risque de vous faire reculer considérablement et même abandonner.
Vous ne saurez jamais à l’avance quelle forme prendra la résistance. Un sentiment d’anxiété ? Des problèmes psychosomatiques ? Une tendance à l’échec ? Des querelles avec la famille, des amis, des collègues ? Soyez alerte et soyez prêt à négocier.
3- Créez des systèmes de soutien
Vous pouvez entreprendre un changement important sans aide mais il est aussi très utile de partager avec d’autres les joies et les risques du changement que vous avez entrepris. Les meilleurs systèmes de soutien sont constitués de gens qui ont déjà passé par un processus comme le vôtre ou qui, comme vous, sont en train de le faire. Des gens qui peuvent raconter leur histoire et écouter la vôtre, des gens qui vont vous relever lorsque vous en aurez besoin et vous encourageront à continuer lorsque vous serez sur la voie.
C’est ce sentiment d’être “à part mais ensemble” dans des circonstances exceptionnelles qui crée cet esprit de solidarité, ce soutien favorable au changement et à son maintien, en dépit des résistances dues à l’homéostasie.
Il est possible, cependant, que la voie que vous ayez choisie soit peu fréquentée et qu’il n’y ait personne autour de vous avec qui partager vos expériences. Vous pourriez alors vous adresser à vos proches, leur dire ce que vous voulez faire et pourquoi et leur demander leur soutien.
4- Pratiquez régulièrement.
Il est possible d’entreprendre un changement important dans votre vie ou votre carrière et de maintenir néanmoins un sentiment de stabilité et de confort. Cela peut se réaliser en adoptant un programme où vous pratiquerez régulièrement ce que vous avez entrepris de nouveau. L’important est que cette pratique n’ait d’autre but que la pratique elle-même et sa régularité; aucun but externe ne sera recherché.
Ainsi, cette pratique répétée deviendra une discipline et deviendra la fondation même de la voie sur laquelle vous vous êtes engagé. La discipline signifie que vous ne la remettrez pas en question à chaque fois et qu’elle ne dépendra pas de votre humeur ni de votre disponibilité. En fait cette pratique régulière deviendra ensuite une habitude, une base stable et nécessaire d’homéostasie, durant l’instabilté du changement.
5- Prenez l’engagement de toujours apprendre.
Apprendre c’est changer. Que l’éducation s’adresse à l’intellect, au corps ou au comportement, il s’agit toujours d’un processus qui transforme celui qui apprend. Il ne doit pas s’arrêter à la fin de nos études secondaires ou universitaires ni à l’âge de quarante, soixante ou quatre-vingts ans et ce qu’on aura de plus précieux à apprendre ce sera comment apprendre – en d’autres mots, comment changer.
En définitive, celui qui a pris l’engagement de toujours apprendre est aussi celui qui a appris comment traiter l’homéostasie car il est toujours en train de le faire. Lui seul est vraiment sur la voie de la “maîtrise”, et lui seul sait que son chemin ne finira jamais.