Un lecteur de GADLU.INFO, « A.O. » a voulu partager avec vous son travail sur « Le Vitriol » :
V.I.T.R.I.O.L.
Dans ce décor imposé, je m’asseyais, et levant les yeux il m’apparut « VITRIOL ».
Cette annonce, peinte au mur, ce mot, dont je n’ai pas, à première vue, distingué les points qui en séparaient les lettres, m’a accueilli, ou plutôt, disons le, m’a « cueilli » et l’effet fut… décapant.
Je peux imaginer, en d’autres temps, plus rudes qu’aujourd’hui, que l’annonce a pu prendre l’aspect d’une augure, et qu’elle a pu déclencher l’effroi chez l’impétrant.
Aujourd’hui, mes frères, rassuré par la présence des points entre les lettres, revenu de mes trois voyages et bien au chaud parmi vous, je suis invité, à l’occasion de ma première planche, à étudier, à explorer la formule.
Voici donc le chemin que l’apprenti que je suis a effectué :
Cette formule, je vous décrirai comment j’ai recherché, par une traduction précise, des nuances qui aideraient à sa compréhension.
Je vous soumettrai le sens profond que j’y ai découvert, et enfin j’espère vous convaincre d’y voir, comme moi, le symbole de cette quête que nous avons, ensemble, entrepris et qui nous réunit ici et maintenant.
Mes chers frères, je vous cite la phrase qui revint souvent dans les documents retrouvés lors de mes recherches.
V.I.T.R.I.O.L. Ces lettres constituent le sigle qui exprime la formule alchimique en latin : « Visita Interiora Terrae, Rectificando Invenies Occultam Lapidem » ce qui veut dire en français : « Visite l’intérieur de la Terre, en rectifiant tu découvriras la Pierre Cachée. »
Une traduction toute faite s’offrait donc, déjà riche de sens, mais la tâche que vous m’avez confiée m’incitait à reprendre mot à mot la formule pour mieux en appréhender le sens.
L’entité est construite en trois parties.
A la manière de « veni, vidi, vici », on peut retenir dans la formule Visita, rectifica, invenio.
Ce sont ces trois mots qui la soutiennent.
Première partie, visita « être en situation », deuxième partie, rectifica « agir », troisième partie invenio « résultat de l’action ».
Première partie : Visita. C’est en effet la forme impérative à la deuxième personne du verbe visito, qui signifie « voir souvent, inspecter, éprouver… ».
Le sens que sous-tend Visita se rapproche plus de l’exploration, que de la visite, du périple.
Deuxième partie : Rectificando. Ablatif de rectificare, mot qui n’existe plus en latin « moderne » mais qui existe bel et bien en latin médieval.
Le sens commun y verrait de prime abord le verbe rectifier, rendre droit, ou rectifier, corriger, rendre exact. Mais tentons d’y découvrir d’autres subtilités.
Pas de dictionnaire qui offre une traduction française de rectificare mais dans une langue latine telle que le roumain, rectificare se traduit par « broyer ».
Et en français ? Le mot est utilisé en chimie.
Alcool rectifié. Qu’est ce que l’alcool rectifié ? C’est la solution la plus concentrée de l’alcool, celle qui est obtenue par de nombreuses distillations.
Maintenant la forme : Rectificando. Comment comprendre ce suffixe ?
Est ce un participe présent, comme la pratique de l’espagnol pourrait nous le suggérer ?
Pourquoi pas, mais plus précisément, en latin, rectificando est l’ablatif du verbe rectificare, ce qui veut dire « par le moyen de ».
Il m’apparaît donc que le message de cette deuxième partie pourrait être énoncé ainsi : par le moyen de la distillation, de la purification, de la concentration… Jadis, il était parfois nécessaire de broyer la matière pour en extraire la partie noble.
Troisième partie : invenio
Le mot est riche et possède plusieurs nuances de traduction, dont par exemple : découvrir, retrouver, dépister, joindre, dénicher, avec cette notion d’y rencontrer ce que l’on ne s’attendait pas à y trouver
Il peut aussi signifier « inventer, imaginer », quand ce qu’on y découvre résidait déjà en nous. Phonétiquement, notez comme il est voisin du verbe inventer « invenio »
Au terme de ces recherches, qu’en est il donc ?
Comment est ce que je ressens, comment j’éprouve, que m’inspire aujourd’hui, cet acronyme V.I.T.R.I.O.L. dont les lettres signifient « Visita Interiora Terrae, Rectificando Invenies Occultam Lapidem »
Explore, porte toi à de nombreuses reprises à l’intérieur, au tréfonds de la terre, comme au tréfonds de toi. Le périple est ardu, les dangers nombreux guettent le visiteur mal instruit ou trop confiant, mais par le moyen de la purification, de la distillation, qui sépare l’essentiel, dense, de ce qui n’est qu’écume et poussière. Par ce moyen, tu approcheras, tu atteindras, tu ré inventeras, la pierre cachée, la pierre dense, le noyau énergétique de l’esprit et de la matière. Car avant que la science ne l’affirme, certains ont subodoré que la matière est énergie.
C’est dans cette énergie intérieure qu’il faut puiser pour alimenter les forces de l’esprit. Ces forces qui nous font avancer et nous libèrent de nos entraves. Ces forces dont l’attachement que nous y portons est le ciment qui nous lie.
Au fronton du temple d’Apollon à Delphes, était gravée la phrase « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux ».
Alors, trouve le chemin qui mène à ton cœur, à ton essentiel, et tu y trouveras à la fois ce que tu es toi, et ce qu’ils sont, eux, proches et moins proches. Alors, tu côtoieras le plus faible sans le mépriser et le plus puissant sans le craindre.
Mes frères…. En travaillant cette planche il m’est revenu le souvenir d’une expérience que j’ai vécue il y a plus de trois décades.
Encore étudiant, avec mes camarades de faculté, alors que la cyto-génétique en était à ses balbutiements, nous étions conviés à visionner un film sur la fécondation et les premiers développements de l’embryon.
Des cellules qui se divisent et se multiplient, ces embryons qui se forment, l’ébauche du cœur, des vaisseaux, une circulation qui s’établit, qui transporte l’oxygène, les nutriments aux organes… Un de ces premiers films merveilleux sur le développement de l’être humain.
Nous en étions tous ébahis. Le sujet, autant que la performance technique nous laissaient pantois.
Alors qu’après la dernière image, les étudiants s’égaillaient en échangeant bruyamment sur leur surprise et leur émerveillement, je restais les yeux rivés à l’écran sur lequel déroulait à présent le générique de fin.
Ce film, il provenait d’une unité de l’université d’Osaka au Japon.
A cet instant précis, ce qui, sans doute, coulait de source, prît sur moi cette forme, celle de l’évidence. Eux là bas, si loin, si différents, physiquement, culturellement, sont, en fait, si proches, si intrinsèquement proches.
J’ai pris conscience ce jour là que nous étions, au fond, essentiellement identiques bien que potentiellement différents, et malgré tout semblables.
J’ai vécu quelque chose de très approchant, un sentiment quasi identique, quand…Quand… Ce soir là, mes frères, alors que vous étiez bien au chaud dans le temple, alors que… alors que je découvrais VITRIOL dans le cabinet de réflexion, alors que, séparé d’une cloison, presqu’aussi fine qu’une membrane amniotique, j’entendais mon jumeau respirer bruitamment.
Jumeaux… aussi proches… aussi lointains que ces embryons japonais le sont de ceux qui naissent ici. Jumeaux… Jumeaux maçonniques dans cette matrice encore froide. Une découverte qui laissait présager cette autre dimension où rien n’est plus comme avant, où d’autres vérités émergent.
Mon jumeau… moi… et vous mes frères, nous sommes sans doute tous là pour ça. La franc-maçonnerie nous invite à plonger au fond de notre univers intérieur, à y découvrir ce que nous avons tous de précieux, d’exceptionnel et de commun : cet éclat de substance à la fois dense et vitale qui fera, qui fait de nous, des êtres lumineux. Des êtres capables de reconnaître au travers des armures ou des haillons l’exercice de la vertu qui fait la valeur des hommes.
J’ai dit.
A.O.
View Comments (2)
Bravo et merci !
Magnifique, j'ai adoré votre planche qui m'a déclenché de très vives émotions...Peut être car les vôtres leurs faisaient échos ! Merci et bonne continuation