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Planche maçonnique : La Paternité

La Paternité

« il ne suffit pas d’engendrer pour être père, il faut encore mériter ce titre »
Mais avant tout … Ecoutez donc ….Non n’écoutez pas… Inspirez vous car ce poème n’a pas été écrit par un homme inspiré mais par un père qui a inspiré…

Si…
Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être que penseur ;
Si tu sais être dur, sans jamais être en rage,
Si tu sais être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral et pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois les Dieux la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme mon fils !

Rudyard KIPLING

Partant du principe que c’est au cours des toutes premières minutes qu’un auditoire est attentif, j’ai fait le choix de commencer par ce poème chanté par Bernard Lavillier en me disant qu’au moins vous aurez écouté l’essentiel de cette planche et en aurez apprécié le contenu.
La plupart d’entre vous l’auront reconnu, d’autres découvert, il s’agit du fameux IF – (SI en français) de notre F∴ Rudyard Kipling,.
Pour restituer le contexte, ce poème avait été écrit en 1910 par Kipling pour son fils. Le poème est associé aux « Lettres à mon fils »  qu’il avait rédigées lorsque ce dernier avait été mobilisé pour partir au front lors de la Grande Guerre. Il n’en reviendra d’ailleurs jamais, et n’atteindra pas non plus ses 18 ans. Si vous en avez l’occasion , la lecture est poignante et la progression du récit lorsque Kipling a compris que son fils ne reviendrait pas, mais qu’il ne peut rien pour lui, est tout simplement une vis qui s’enfonce dans le cœur.
Ma première lecture de ce poème et de ses lettres remonte à mes 10 – 11 ans…découvert à la bibliothèque municipale …
Je ne comprenais pas tout à cet âge là mais ces phrases ont transporté mon tout jeune coeur, comme celui de tant d’autres lecteurs j’imagine. Et bien des années après, nous ne sommes peut-être capables de restituer que les deux dernières lignes et pourtant nous gardons tous en mémoire l’atmosphère de ce poème « héroïque » qui fait vibrer nos âmes,  et qui me semble être une ode à la Paternité … du moins j’aime à le penser.
..
Ethymologiquement, la paternité est la reconnaissance sociale du lien de parenté entre un père et son enfant. Le sujet de cette planche s’attache davantage au droit de paternité qui n’est plus aujourd’hui considéré comme spécifique, car la loi parle maintenant des responsabilités des parents, sans distinction entre père et mère.
Il aurait été plus judicieux d’intituler cette planche «Paternalité ou Maternalité» mais j’aurais alors emprunté le titre d’un texte de Michel Dugnat, pédopsychiatre qui associe les mots de père et de mère à celui de devenir …
«Tu seras un Homme mon fils» … Nous sommes tous des fils et des filles de… C’est une évidence … Mais il arrive parfois que ce soit en tirant les conséquences des évidences les plus évidentes que l’on découvre les vérités les moins évidentes.
Depuis que le monde est monde,  l’Homme (avec un grand H) ressent le besoin de laisser sa trace… au travers de …au travers de sa progéniture, par ce qu’il va lui transmettre, et donc sauvegarder de lui…  Ainsi tout débute par une naissance …
Une naissance, c’est avant tout un grand bonheur ! C’est un enfant qui vient au monde, c’est aussi une femme et un homme qui deviennent mère et père…
Pour moi, il est évident que l’idée de la paternité, et je vais tenter de vous le démontrer, comprend de manière implicite  le concept de naissance, de même que de Vie Nouvelle ou de Re-Naissance, au travers les idées directrices  que sont la transmission et la tradition.
Et, vous comprendrez aisément que nous ne pourrons pas nous empêcher de faire le parallèle avec notre état de franc-maçon…
Comme l’enfant a des parents, l’apprenti a des maîtres maçon …
En franc-maçonnerie, l’Apprenti est le premier degré maçonnique après l’initiation. L’Apprenti, rappelons le, n’est pas autorisé à prendre la parole et siège au nord de la loge, dans la partie la moins éclairée.
L’enfant – à savoir, faut-il le rappeler est une francisation du latin infans, infantis, désignant le très jeune enfant qui ne parle pas…oui  l’infans, donc le « non-parlant » désigne l’enfant qui n’a pas encore acquis le langage.
Voilà donc deux états très proches l’un de l’autre..
On ne nait pas Homme…L’individu qui veut grandir doit être lui … Voilà en résumé ce que Kipling à mon sens désirait transmettre à son fils .
La transmission, c’est transmettre, faire passer d’une personne à l’autre. On transmet un savoir, une histoire, des traditions, tout ce qui fait l’identité d’un individu. Jadis la transmission était uniquement orale et sans cette transmission, une civilisation pouvait perdre  sa culture en une génération.
La transmission consiste à ne transmettre rien d’autre au fond, mais rien de moins non plus, que ce qui vous a été transmis, comme un passage de témoin de génération à génération, faisant de tous les maillons une même chaîne humaine. D’où l’importance de la transmission de la tradition, aujourd’hui malheureusement bafouée.
La tradition désigne la transmission continue d’un contenu culturel à travers l’histoire depuis un événement fondateur ou un passé immémorial . Cet héritage constitue l’identité d’une communauté humaine. Dans son sens absolu, la tradition est une mémoire et un projet, en un mot une conscience collective : le souvenir de ce qui a été, avec le devoir de le transmettre et de l’enrichir.
Que faisons-nous lorsque nous devenons parent ? Que fait le père, la mère vis à vis de son enfant, de la naissance de celui-ci à sa propre mort ?
Nous nous interrogeons sur cette vie nouvelle qui nous est offert, sur le rôle qui nous revient et sur cette nouvelle liberté que nous devons nous approprier. Nous entamons une réflexion sur le sens de cet engagement, sur le sens de ce que nous allons transmettre.
Un parent transmet d’abord des caractéristiques physiques et génétiques, un nom, puis une expérience, un vécu.
Une fois les bases acquises, l’enfant doit parfaire son éducation et apprendre à se connaître lui-même, comme  le recommande d’ailleurs Platon et nos rituels par la découverte et l’expérimentation.
Une fois encore, on se rend compte combien notre frère Rudyard Kipling l’a écrit de manière extraordinaire dans son poème au travers des mots on devine les préceptes maçonniques de dominer ses passions et soumettre sa volonté, tout en demeurant Authentique.
Tout comme lui nous tentons de jeter les bases d’une sagesse à transmettre à nos enfants.
Etre parent devrait nous procurer une forme inattendue de sagesse. Nous faisons d’autres choix, différents, essentiels, et qui correspondent à une quête de sens.
J’évoquais précédemment la naissance, la re-naissance et la transmission : N’est ce pas également le chemin que tout franc-maçon emprunte dès son initiation ?
Nos rituels mettent en œuvre un ensemble de symboles cohérent et ordonné : la symbolique maçonnique. Ainsi le recours à la tradition suppose la faculté de bénéficier de l’expérience des aînés qui nous ont précédés sur la voie pour mieux appréhender cette symbolique.
Instruit des secrets de l’Art Royal, le franc-maçon accompli, doit donc transmettre son savoir et guider les pas des apprentis et des compagnons afin de les amener sur le chemin de la vérité, comme un père bienveillant et indulgent  envers son fils aimé.
L’expression «fils de la Veuve» est bien connue dans la Maçonnerie. Elle désigne, en général, l’ensemble de ceux qui ont eu accès à l’initiation maçonnique et qui se trouvent ainsi unis par cette caractéristique commune. Cela devrait permettre de définir clairement le type de «fraternité» qui lie les initiés entre eux, pour peu, évidemment, qu’on ait idée de ce que représente la «Veuve» en question.
«Fils de la Veuve, Fils de la Lumière ou Fils d’Hiram : Ces expressions sous entendent la notion de transmission : transmission d’une tradition, que l’on nomme  tradition initiatique.
J’ai lu que pour René Guenon, l’initiation «a pour objet la transmission d’une influence spirituelle au travers d’une instance rituellement constituée. La tradition initiatique s’exprime donc au travers des rites et de ce qu’ils véhiculent de la tradition Universelle.»
La tradition initiatique, telle que nous l’entendons, n’est pas un regret perpétuel d’un passé perdu sans retour, c’est une espérance d’avenir, une vraie fontaine de jouvence. Par elle, l’humanité reste jeune, en avançant en âge, en initiant à notre tour des profanes. En offrant à ces derniers une nouvelle naissance. Ainsi, nous communions avec les générations des siècles passés, tout en préparant les générations futures, en les éduquant par l’expérience, l’exemple.
Je disais précédemment que sans transmission, une civilisation pouvait perdre  sa culture en une génération.
Qu’adviendrait il si nous oublions l’essence même de la tradition initiatique, et de sa transmission ? Ne risquerions nous pas de perdre notre identité maçonnique, de nous perdre, de devenir que des acteurs d’un folklore ésotérique ?
Comme un parent ne doit pas oublier qu’il se doit de transmettre une sagesse à son fils, un franc-maçon ne doit pas oublier de transmettre ce que l’Art Royal lui a enseigné.
Etre parent symboliquement donne une dimension à assumer, une tâche à accomplir. D’où la citation lu de Dostoïevski, que nous avons placée en début de planche  : « il ne suffit pas d’engendrer pour être père, il faut encore mériter ce titre ».
Mérité ou immérité, « père – mère » est un titre qui met en jeu une certaine créance, tout comme la qualité de «franc-maçon» : tout deux ont une créance envers celui ou celle qu’ils ont fait naître…
L’abandon n’a pas sa place ….

Conclusion :

Alors, A toi Noé, mon fils…être un Homme, je pourrai toujours le dire avec Amour : Oui, c’est dur, et ça n’est évident que pour ceux qui ne le sont qu’à moitié… alors «Essaies d’être un Homme, mon fils. Tu ne le regretteras pas.»
Sois toi-même … plonges dans la vie, dis-toi que la sincérité, la vérité, et surtout l’authenticité sont les maîtres mots d’une vie, malgré les blessures et les meurtrissures que celle-ci t’infligeront .
La vie est un combat crois moi et ne baisse jamais les bras.
Chaque jour de mon existence depuis toi et avec toi, être ton père est un jour de pur bonheur. Avec toi, c’est un plaisir, une joie, un émerveillement permanent mais aussi un questionnement perpétuel.
Et pour toi, chaque jour, j’essaie aussi d’être un Homme, mon fils… malgré les blessures et les meurtrissures…
Et si tu dois retenir une seule chose de ton père : c’est qu’il a tenté d’être d’un homme…
Quant à vous mes frères, mes soeurs, si vous deviez retenir une seule chose  de moi c’est que j’ai tenté simplement d’être …
J’ai dit…

Noé Lamech

A.S.: