Voici un planche qui nous a été offerte par un lecteur « Paul » sur le thème « La franc-maçonnerie et la mixité »
La franc-maçonnerie et la mixité
Introduction :
Trois thèses :
Premièrement, la franc-maçonnerie, dans son ensemble, baigne dans un contexte. Dans le contexte d’une civilisation judéo-chrétienne, relativement aux relations hommes/femmes, ou masculin/féminin, ou encore relations entre genres (hétérosexualité, homosexualité, transgenre, etc.), la tendance dominante est le patriarcat (domination de l’homme sur la femme, économiquement, socialement, intellectuellement,… La femme est considérée comme inférieure. Les autres genres sont niés. Dans le cadre d’une société bourgeoise décadente, la déchristianisation, depuis la Révolution française, et le développement de l’individualisme, conduisent à des luttes d’émancipation des femmes et l’affirmation de tous les genres. Le sens de l’histoire est l’égalité de tous les genres. En conséquence, la franc-maçonnerie est marquée par deux orientations concernant les genres :
- Une orientation profondément misogyne, tendant à l’exclusion des femmes et des genres, autres que les hommes hétérosexuels, blancs et chrétiens, au moins de la maçonnerie anglaise dite régulière, ceci officiellement, ainsi que les Constitutions d’Anderson ;
- Une orientation de plus en plus affirmée, aboutissant à une maçonnerie féminine, traitée de façon tout à fait égalitaire.
Deuxièmement, l’affirmation de divers idéaux par la franc-maçonnerie (« Egalité » de tous les êtres humains, sans considération de sexe, de classe sociale, d’ethnie, de religion,… « Fraternité/Soeurité universelles, Amour fraternel universel, …) implique l’ « ouverture » des loges aux femmes, et aux autres genres que purement hétérosexuel. De plu, la franc-maçonnerie devrait être en ^pointe dans la lutte d’émancipation de tous les sexes et genres. Cela n’a pas toujours été le cas, notamment de diverses obédiences. Ce n’est pas encore le cas de tous les francs-maçons aujourd’hui. Il faut se souvenir, par exemple, que le G.°. O.°. D.°. F.°. est devenu mixte en 2010, de façon officielle, et dans des conditions tout à fait antidémocratique. Inversement, il faut reconnaître que des francs-maçons, depuis le XVIII° siècle, ont mené vigoureusement des batailles pour l’émancipation sexuelle (liges d’adoption, création du Droit Humain, etc.).
Troisièmement, le refus de la mixité dans les loges, encore aujourd’hui, repose sur la volonté de se retrouver entre-soi. C’est-à-dire que la loge unisexe indique, pour les hommes, le désir de ne pas montrer aux femmes, son aspect personnel « féminin », dans le cadre d’une activité compassionnelle (« solidarité », « compassion », « amour », etc.).. Inversement, pour les femmes, il s’agit de cacher au « sexe fort » son aspect personnel « masculin », dans le cadre du même environnement (s’affirmer, prendre la parole,…). Cet aspect de rejet de son « Autre » est amoindri par l’acceptation de visites des membres de l’autre sexe, sans que ceux-ci n’aient accès à l’initiation. Pourtant, d’un point de vue initiatique, l’un des objectifs du franc-maçon, homme ou femme, est de faire mourir le vieil homme, ou la vieille femme : cela signifie un retour à l’état originel, par un travail sur soi, de l’union, en soi, du masculin et du féminin, de l’intérieur et de l’extérieur, du côté droit et du côté gauche de son cerveau, du cerveau et du coeur, de la raison et de l’intuition,… Comment prétendre atteindre au nouvel homme, ou la nouvelle femme, sans union de l’anima et de l’animus, à l’image des couples alchimiques symboliques, comme Nicolas Flamel et Perenelle ? Le refus de la mixité, d’un point de vue initiatique, est donc le refus du travail sur soi, conduisant à l’homme nouveau et la femme nouvelle : c’est l’indice d’un manque de maturité. Est-on véritablement « initié », lorsque l’on n’a pas fait le travail de fusion du masculin et du féminin, et surtout, lorsque l’on refuse cette union, ce qui est l’indication de la présence de métaux dans le Temple (désirs malsains, refoulements, rejet, misogynie, ségrégation,…) ? Cela crée dans certaines loges une ambiance de caserne et de pensionnat. Dans le pire des cas, cela génère des « défouloirs sexuels », comme dans certaines loges de Lille, dont certains membres étaient des pourvoyeurs des partis fines de DSK. Si cela n’a plus rien à voir avec les idéaux de la franc-maçonnerie, cela naît bien sur un terreau maçonnique ! Souvent les réactions anti-mixité, un peu facilement justifiées par des arguties « initiatiques », reposent le plus souvent sur des considérations platement profanes, comme par exemple l’éducation reçue (éducation traditionnelle, où les garçons sont rigoureusement séparés des filles, comme l’école, l’armée, les religions, certaines entreprises, etc.), la protection d’un lieu de défoulement où l’autre sexe est exclu, où l’on se retrouve entre représentations du même sexe, etc. Par définition, ces automatismes représentent ce que l’on appelle des « métaux dans le Temple », défauts qui devraient justement faire l’objet du travail sur soi de chaque maçon.
La civilisation peut être matriarcale ou patriarcale. Ensuite, il y a des nuances dans chacun de ces domaines : par exemple, le patriarcat peut aller de l’esclavagisme des femmes à une certaine émancipation. Notre civilisation est plutôt patriarcale, avec, depuis plus de deux siècles, des tendances fortes à l’émancipation des femmes.
Cet aspect est reflété dans le domaine maçonnique : ainsi la plupart des rituels comportent surtout des personnages masculins, et les femmes sont plutôt écartées des tenues.
Le patriarcat était moins prégnant à certaines étapes historiques : par exemple, le polythéisme, dans le cadre du panthéon grec comprend parmi les douze divinités majeures, la moitié de dieux et la moitié de déesses, mais le dieu suprême reste masculin.
Parfois les sociétés initiatiques, comme l’école de Pythagore, étaient mixtes. Certaines prêtresses (comme Sibylle,…) ont joué un grand rôle. Les mythes comportent des personnages féminins, parfois valorisés, comme le mythe d’Isis et Osiris, mythes grecs. Dans la Bible, les femmes jouent un rôle plutôt négatif, ce qui dénote plutôt de la misogyne de la part des rédacteurs (la « faute » d’Eve ; la trahison de Dalila,…). Les cultes des Mystères antiques font référence à de nombreuses divinités féminines : Isis, Déméter, Perséphone, Cybèle, mère des dieux,…
Mais dans les trois grades bleus, comme pour les hauts grades, les personnages de la dramaturgie maçonnique sont masculins, à l’exception de la Veuve (la Mère).
Quel est l’avenir ? C’est l’égalité complète entre l’homme et la femme. En tant qu’association progressive, la franc-maçonnerie doit être à l’avant-garde de ce progrès. D’ailleurs, la maçonnerie masculine traditionnelle à l’anglaise, qui considère la maçonnerie mixte ou féminine comme irrégulière, est partout en déclin. Le propos est celui-ci : du point de vue initiatique quels sont les arguments favorables et les arguments défavorables pour introduire la mixité dans une loge maçonnique ?
Première Partie :
Les femmes dans l’Histoire et dans notre civilisation
Dans quel type de société vivons-nous ?
Patriarcat et matriarcat :
Le mot patriarcat (littéralement, « pouvoir du père ») qualifie l’organisation sociale et familiale, qui confie le pouvoir aux hommes. Le père exerce une autorité sur ses proches parce qu’il est un homme et parce qu’il est soit le plus fort, soit le plus âgé. Ce type de société a une orientation plutôt guerrière. Les valeurs masculines (prouesses, compétitions, individualisme,…) y sont exacerbées. Le rôle des femmes se limite à celui de génitrice sous tutelle, éternelle mineure, soumise à son père, puis à son mari. Donner la vie, la naissance en général, est considérée comme impur. Ce type de société est notamment défendu par tous les fondamentalistes religieux. Par exemple, l’Eglise catholique, se basant sur diverses affirmations du Nouveau Testament, a contribué à propager le patriarcat. Les bases de l’Eglise, quant à la misogynie, sont notamment :
« 34 Que les femmes se taisent dans les assemblées, car il ne leur est pas permis d’y parler ; mais qu’elles soient soumises, selon que le dit aussi la loi.
35 Si elles veulent s’instruire sur quelque chose, qu’elles interrogent leurs maris à la maison ; car il est malséant à une femme de parler dans l’Église. » [1 Corinthiens 14:34-35]
« 11 Que la femme écoute l’instruction en silence, avec une entière soumission.
12 Je ne permets pas à la femme d’enseigner, ni de prendre de l’autorité sur l’homme ; mais elle doit demeurer dans le silence.
13 Car Adam a été formé le premier, Eve ensuite ;
14 et ce n’est pas Adam qui a été séduit, c’est la femme qui, séduite, s’est rendue coupable de transgression. » [1Timothée 2:11-14]
« Femmes, soyez de mêmes soumises à vos maris, afin que, si quelques-uns n’obéissent point à la parole, ils soient gagnés sans parole par la conduite de leurs femmes. » [1 Pierre 3:1]
Inversement, le mot matriarcat (littéralement, « pouvoir de la mère ») qualifie l’organisation sociale et familiale, qui confie le pouvoir aux femmes. A la notion de masculin s’accole une notion de force, à la notion de féminin, une notion de vie et d’expérience. Certains auteurs ont nié l’existence du matriarcat, car, le définissant comme le pendant féminin du patriarcat, ils n’ont trouvé nulle part de sociétés où les femmes dominaient par la force, les hommes, les enfermant, les maltraitant, les niant ; bref, des sociétés où elles auraient imposé à leurs compagnons ce qu’eux-mêmes font subir aux femmes de nos jours. Il est naturel de ne pas trouver d’exemples de civilisations où les hommes sont tenus pour inférieurs, car ce qui caractérise les sociétés matriarcales, c’est justement d’être basées sur le respect réciproque. C’est la vie qui est considérée comme essentielle et non la force.
L’émergence de sociétés matriarcales dans le monde actuel serait le garant d’une vie plus fraternelle et plus harmonieuse au sein de l’humanité.
Les caractéristiques de notre société, sont à la fois le patriarcat et la misogynie. Le sexe féminin est réputé faible. L’entendement des hommes est postulé supérieur à celui des femmes. En conséquence, la société – et même la civilisation judéo-chrétienne – considèrent, dans son ensemble, la femme comme inférieure à l’homme. La bourgeoisie considère la femme d’un double point de vue : à la fois, d’une part, Mère, la Vierge et l’Epouse et, d’autre part, la putain.
Quelques cas particuliers de femmes remarquables ont émergé, comme par exemples :
- Femmes en politique : Hatshepsout, pharaon ; les Amazones, Jeanne d’Arc, Olympe De Gouges, Théroigne de Méricourt. Lors de la Révolution française : « poissardes », « harengères »,… Lors de la Commune de Paris de 1871 : « pétroleuses », Louise Michel. Enfin les Résistantes de 1940-1945,…
- Femmes en science : Hypatie d’Alexandrie (en grec ancien Ὑπατία / Hypatia) est une mathématicienne et unephilosophe alexandrine. Née entre 355 et 370 selon les sources, elle meurt assassinée par des chrétiens en 415, étant alors démembrée et brûlée). L’école de Pythagore fut la première et une des rares écoles scientifiques mixtes pendant de nombreux siècles. Marie Curie,…
- Femmes en philosophie et en littérature : Leucippe, femmes savantes au XVII° siècle, Marie-Madeleine de La Fayette (qui a publié anonymement en 1678 La Princesse de Clèves), Georges Sand, Colette,…
- Femmes en religion : Marie, sœur de Moïse, Marie, mère de Jésus, les prêtresses (Sibille,…), …Les Saintes,…Le Panthéon des dieux et déesses grecs et latins.
Dans l’ensemble, les femmes sont dominées et écrasées. Le droit bourgeois, au début du XIX° siècle, considère la femme comme « mineure » et « incapable ». Il faudra attendre près de deux siècles après la Révolution française, pour que la femme se libère juridiquement.
Il faut attendre le XX° siècle pour qu’il y ait plusieurs mouvements d’émancipation : suffragettes, mouvement de libération de la femme, planning familial,…
La lutte d’émancipation des femmes :
Egalement, on assiste à une lutte permanente des femmes pour l’émancipation.
Jan Amos Comenius, ou Komensky (1592-1670) déclare: « Toute la jeunesse des deux sexes doit être envoyée dans des écoles publiques… Il n’est aucune bonne raison pour priver le sexe faible de l’étude des sciences… Les filles sont douées d’une intelligence égale… Pour elles comme pour nous est ouverte la voie des plus hautes destinées… ».
Dans l’Eglise anglicane, les femmes peuvent être prêtre depuis vingt ans déjà. Les américains réfléchissent pour supprimer les logos « hommes » et « femmes » pour les WC publics.
La franc-maçonnerie se distingue par deux traits :
- Elle prône la valeur de l’Egalité, donc aussi l’égalité de l’homme et de la femme, ainsi que l’émancipation de la femme ;
- Elle est progressive, donc en tous points, elle doit prendre la tête des idées innovantes, y compris en ce qui concerne l’émancipation des femmes.
La franc-maçonnerie a donc un double caractère :
- Elle est née sur un terreau occidental, celui du judéo-christianisme, qui est une civilisation patriarcale (prédominance de l’aspect masculin, sur l’aspect féminin). Dans cette civilisation, s’est développée une lutte d’émancipation des femmes, qui a gagné en vigueur à la fin du XX° siècle, vers une égalité absolue hommes-femmes. La franc-maçonnerie a adopté des mesures patriarcales, comme, par exemple, l’article suivant desConstitutions d’Anderson : « Les personnes admises membres d’une loge doivent être hommes de bien et loyaux, d’âge mûr et discret, ni esclaves, ni femmes, ni hommes immoraux et scandaleux, mais de bonne réputation ».
- Elle est marquée par un idéal de fraternité universelle et d’égalité, qui est sa caractéristique propre. De plus, étant initiatique, elle conduit à équilibrer et maîtriser en chacun, homme ou femme, son aspect masculin (Jakin, Soleil, Mars, rouge,…) et son aspect féminin (Boaz, Lune, Vénus, noir,…).
Aujourd’hui, ne pas être conscient de cet aspect patriarcal (en maçonnerie, cela est contenu dans les Constitutionsd’Anderson : l’initiation concerne les « blancs », masculins, plutôt chrétien, ne participant pas des 7 B, etc.), et ne pas être à la pointe de la lutte pour l’émancipation des femmes (initiation des femmes, les symboles, les outils, la pierre cubique, … n’ont pas de sexe), c’est amener les métaux dans le Temple. La lumière n’a pas de sexe. Devenirfranc-maçonne, ce n’est pas devenir homme.
Deuxième partie :
Les femmes dans la franc-maçonnerie :
La mixité au XVIII° siècle :
Les motivations de l’exclusion des femmes dans les Constitutions d’Anderson de 1723, modifiées en 1738) sont de trois ordres :
- 1) Les fondements du rituel reposent sur la Genèse. Les modèles féminins bibliques (la chute d’Eve, la trahison de Dalila par rapport à Samson,…) déterminent l’incapacité des femmes à devenir maçonnes ;
- 2) Les femmes sont perçues par les francs-maçons comme une menace pour l’unité de leur fraternité. Les « charmes » de la femme représentent une menace pour l’unité fraternelle ;
- 3) Les devoirs financiers des frères envers la loge semblent inexécutables pour la majorité des femmes de cette époque, dépendantes économiquement. En France, l’émancipation économique des femmes n’intervient qu’à compter des années 1970.
Mais les Constitutions ont conduit à diverses autres exclusions :
- Les personnes de couleur noire,
- Les personnes de religion juive ou musulmane,
- Les 7 B : La franc-maçonnerie a été longtemps exclusive : exclusion des femmes, des hommes non blancs, des 7 B etc. Les 7 B sont : bâtard, bègue (et sourd), bigle, boiteux (et bancal, nain), borgne (et aveugle), bossu, bougre (sodomite, homosexuel). Le principe, encore au XVIII° siècle, est que : une déficience physique renvoie à une déficience morale.
La première femme initiée semble être Elisabeth Saint Léger (1694-1773), initiée dans une loge irlandaise en 1744.
Les loges d’adoption ont conservé un imaginaire et un discours de soumission sociale des femmes. Mais ces loges ont néanmoins permis à un milieu de femmes d’acquérir un statut qui, s’il n’était certes pas égalitaire, n’en constituait pas moins un progrès certain et les installait dans une partie de l’espace social dont elles étaient auparavant privées. Par exemple la loge « La Candeur », est adjointe à une loge d’adoption, composée uniquement de femmes. Depuis 1774, le Grand Orient de France reconnaît les loges féminines rattachées à des loges masculines. Ces loges féminines existent depuis 1740. Seules des femmes pouvaient diriger cette loge d’adoption. La majorité des franc-maçonnes étaient issues de la noblesse et des couches sociales aisées. La loge de la Candeur n’a adopté qu’une seule femme non titrée pendant toute la période de son activité. Dans certains milieux, le XVIII° siècle n’était donc pas misogyne : les femmes pouvaient participer activement à la vie de la société, notamment à travers les salons.
La mixité au XIX° siècle :
Les loges d’adoption fonctionnent à nouveau sous le premier Empire, en demeurant essentiellement destinées à des femmes issues de l’aristocratie, de la très haute bourgeoisie et du milieu artistique. Pour certaines loges, elles continuèrent, par à coups, jusqu’aux deux tiers du XIX° siècle.
Le machisme ambiant conduit à répandre des sentences comme : « Les femmes véhiculent l’idéologie des prêtres », ou bien : « Monsieur va en loge deux fois par mois, et Madame à la messe chaque semaine. »
Peu à peu, les Droits de l’Homme deviennent les Droits Humains, puis les Droits de la Personne. 1892 : initiation transgressive de Marie Deraismes à la loge « Les libres penseurs », de la Grande Loge Symbolique Ecossaise, à l’orient de Paris, au Pecq. 1893 : Création du Droit Humain, véritable obédience gérant des loges des trois premiers degrés. 1899 : Création du Suprême Conseil international chapeautant les hauts grades, au rite écossais.
Et aujourd’hui ?
Il y a une forte évolution des mœurs, avec le droit de vote des femmes en 1944. D’autres mesures émancipatrices sont prises : La loi sur le divorce, la liberté de contraception, la modification de la structure familiale, l’accès massif à la formation, à l’emploi et aussi au … chômage.
Le développement de l’individualisme conduit à une atténuation de la logique de couple (famille monoparentales, etc.).
La plupart des organisations sociales se sont progressivement orientées vers la mixité : écoles, université, armée, etc.
Le développement de l’athéisme et de l’agnosticisme, la déchristianisation conduisent à la construction d’une civilisation post judéo-chrétienne. Les loisirs culturels augmentent, y compris pour les femmes (35 heures, demain 32 heures).
L’émancipation est accélérée et réelle à partir des années 1970 (émancipation économique, et aussi sexuelle, avec la loi Veil).
Les valeurs en faveur de la mixité sont l’universalité de l’idéal maçonnique (la fraternité universelle). Comment peut-on prôner l’amour universel, en excluant a priori et d’office la moitié de l’humanité ?
Jamais, n’a été affirmé avec force, le principe de la démocratie. Ainsi, lors des divers convents, qui sont les congrès de l’obédience, donc les instances décisionnelles, on ne sait pas si s’applique le principe « un homme, une voix », ou le principe « une loge, une voix ». Un exemple frappant est la façon dont a été adoptée la mixité par les instances dirigeantes du Grand Orient de France, sans aucune consultation de la base. Si on ne peut qu’être d’accord avec le principe de la mixité, l’obédience étant jusque là alignée, quant à l’exclusion des femmes, sur l’un de ses pires ennemis réactionnaires, l’Eglise catholique, les deux « ordres », l’Eglise et le G.°. O.°. D.°. F.°., refusant l’initiation des femmes, on est en droit de s’interroger sur la méthode antidémocratique utilisée pour « imposer » en 2010, la mixité ; Ce fut un vrai diktat. Ce qui peut à juste titre inquiéter, c’est la prise de décision selon la même procédure dictatoriale demain, mais cette fois-ci dans un domaine entrant en contradiction avec les valeurs fondamentales de l’Ordre.
Le G.°. O.°. D.°. F.°. était mal accompagné : l’Eglise catholique, et les fondamentalistes de toutes les religions refusaient jusque là la mixité.
Dans les loges, on entend parfois dire que l’aspect initiatique de la franc-maçonnerie s’oppose à l’application de principes véritablement démocratiques. L’exemple qui en est donné est l’adoption, sous l’ère du président François Mitterrand, de l’abrogation en France de la peine de mort, alors, affirme-t-on, que l’ « opinion publique » était majoritairement favorable à l’application de la peine de mort. C’est là aller vite en besogne, et interpréter un peu facilement quels seraient les choix de l’opinion publique. Sur le fond, une telle position est une négation des principes démocratiques, et sans aucun doute un mépris du peuple. En fait, si l’on applique véritablement la démocratie populaire, cela consiste à donner à chaque citoyen les facultés d’un entendement éclairé, et un choix véritable. Il se trouve qu’aujourd’hui, à chaque fois, on assiste à une manipulation des consciences ! De même dans les loges, il ne faut pas craindre d’affirmer – notamment dans la Règle – les principes fondamentaux de la démocratie, et appliquer résolument et véritablement ceux-ci. Ne pas le faire, c’est ouvrir la possibilité à l’application d’autres principes (oligarchie, manipulation des consciences, sectarismes,…) !
Une loge initiatique doit reposer sur une Règle, Règle mettant en œuvre les principes les plus démocratiques (« un homme, une voix), au moins en ce qui concerne les maîtres, ayant la plénitude des droits (et devoirs maçonniques), les apprentis et les compagnons étant considérés comme des « maîtres en devenir », destinés à bénéficier, dans l’avenir de ces mêmes droits (et devoirs).
En cas d’absence d’une telle Règle, ou en l’absence d’une application rigoureuse de cette Règle (application de cette Règle, à géométrie variable), ce sont alors d’autres principes qui ‘appliquent : l’arbitraire et la démagogie. Souvent, certains frères (ou sœurs) se comportent alors en « gourous », ou en « faiseurs de dois », manipulateurs.
La Règle est le fondement de la liberté (notamment, la loi protège les plus faibles) et aussi de l’égalité : sans Règle, la fraternité n’est donc pas possible.
La séparation des hommes et des femmes pour des raisons sexistes concerne des structures rétrogrades, en retard sur la féminisation générale de la société occidentale : l’Eglise catholique, l’Islam et une certaine maçonnerie.
Donner comme argument principal, comme refus de la mixité dans la loge, le fait de la « drague » (l’obstacle de la présence de l’autre sexe, c’est justement la « sexualité », les désirs, les passion,…), c’est donner un piètre aperçu des maîtres maçons. En somme les « frères » présents sont restés profanes, victimes de leurs tendances et de leurs désirs, et iol n’a été entrepris aucun travail pour « se maîtriser ». ‘est oublier aussi que dans une société où prime aujourd’hui le genre, le désir sexuel peut être partagé par une personne du même sexe. C’est à nouveau, la présence des métaux dans le Temple (le sexe, l’argent, le pouvoir). On peut être pour ou contre la présence de l’autre sexe dans la loge, mais une loge digne de ce nom est composée d’individus qui ont entrepris un travail de maîtrise de leurs désirs. Lorsque des initiés parlent à d’autres initiés, les métaux n’interfèrent plus.
Troisième partie :
Arguments contre et pour la mixité de la loge :
Pendant longtemps, le principe de réalité et la prégnance du national auront primé sur l’idée d’universalité. La résistance masculine à la présence des femmes dans les loges est en pleine contradiction avec la féminisation des sociétés occidentales.
Les arguments contre la mixité :
- Infériorité des femmes décrétée, ce qui est contraire au principe d’égalité.
- La présence des femmes perturbe la sérénité des débats en loge, notamment par le phénomène de drague, etc.
- Les femmes ne sont pas initiables, de la même façon que les hommes.
- Il faut laisser le choix à chaque loge : Loge unisexe, Loge mixte. C’est un argument utilisé par les racistes du Sud des Etats-Unis : Pourquoi accepter des personnes de couleur noire, dans notre propre loge, puisqu’il existe des loges où il n’y a que des noirs et d’autres loges qui acceptent la mixité.
- Même erreur des sœurs qui refusent la mixité. La féminité des loges s’est inscrite en réaction à la masculinité des loges. La résistance concerne une femme sur deux, mais neuf hommes sur dix.
- L’homme ne peut exprimer sa féminité qu’en l’absence des femmes.
- Rejet du féminisme : se retrouver, dans un lieu, la loge, entre hommes, ou entre femmes.
Le refus de la mixité repose sur une problématique de classe sociale et une question de genre.
L’homme, placé entre ses semblables masculins, peut vivre sans honte une part de féminité, dans la mesure où ce qui lui est présenté dans le rite théâtralisé relève d’une certaine forme de sensibilité, éventuellement compassionnelle. Tout le comportement en loge peut se caractériser par l’exercice d’une sensibilité, d’une douceur, d’une intimité, d’une émotion, d’une compassion, qui, hors la masculinité du sexe sans faille des participants, apparaîtraient, socialement parlant, comme étant largement connotées du côté du féminin.
Le refus de la mixité est la facilité des maçons masculins à assumer hors du regard de l’autre sexe une part de féminité, un genre qui les mettrait en porte à faux avec le sexe féminin. Inversement, il y a difficulté à monter une part de masculinité du côté des femmes.
L’expression par certains hommes d’une sensibilité de discours ou d’attitude, un registre de douceur et de sérénité, est plus difficile à assumer sous le regard de l’autre sexe. Réciproquement une certaine masculinité, une certaine rigueur, sont plus délicates à gérer pour certaines femmes en présence des hommes.
Dans une assemblée mixte, pour des personnes non mixitaires, les hommes répugneraient à monter leur faiblesse, et les femmes à assumer leur force. La prégnance de la loi du genre freinerait le mélange des sexes. Il s’agit d’homophilie (à distinguer de l’homosexualité), qui est « l’amour du même ».
Du côté des femmes, on oppose parfois l’argument de la domination constante de la parole masculine. Outre qu’il s’agit là d’un manque de confiance dans la méthode maçonnique, dans la forme de prise de parole, on peut lui opposer tout aussi bien la domination de la parole de certaines femmes sur d’autres femmes.
Les arguments pour la mixité :
- Universalité de l’idéal maçonnique et de la fraternité universelle ;
- Richesse des débats lorsqu’il y a la présence de tous les genres ;
- On ne peut plus distinguer d’après les genres, mais égalité de tous : transsexualité ;
- Les frères qui font initier leurs épouses les envoient souvent dans des loges mixtes ;
- Le droit de visite comme semi-mixité ;
- A prendre en compte le caractère universel de l’idéal maçonnique, et le niveau auquel est placé ce curseur de l’universalité : les valeurs de « Liberté-Egalité-Fraternité » s’appliquent-elles à l’ensemble des êtres humains, ou seulement à certaines catégories sociales ? Ainsi, l’article 1 de la Constitution du G.°. O.°. D.°. F.°. précise : « La Franc-Maçonnerie, institution essentiellement philanthropique et progressive, a pour objet la recherche de la vérité, l’étude de la morale et la pratique de la solidarité. Elle travaille à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’Humanité. Elle a pour principes la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience. Considérant les conceptions métaphysiques comme étant du domaine exclusif de l’application individuelle de ses membres, elle se refuse à toute affirmation dogmatique. Elle a pour devise : «Liberté-Egalité-Fraternité ». ».
Ainsi, lors de la Révolution française de 1789-1794, certains élus de la République souhaitaient appliquer les principes républicains uniquement aux « bons Français », excluant par là, par exemple, les citoyens de confession juive. Pendant longtemps, la moitié de l’Humanité – les femmes – était écartée des droits fondamentaux, dont les droits politiques et l’égalité. A la fin du XIX° siècle, un franc-maçon comme Jules Ferry, développait une conception raciste de l’Humanité, faisant une ségrégation entre « race supérieure » et races inférieures. Et aujourd’hui, les francs-maçons du G.°. O.°. D.°. F.°. se sont assoupis, « oubliant » d’appliquer les droits de l’homme à tous les citoyens, y compris les habitants des cités dites défavorisées.
Les aspects initiatiques :
Nous allons passer, après l’ère des poissons, à l’ère du Verseau, qui est par définition une ère de l’unité et du mélange.
Le point commun de tous les arguments contre la mixité repose sur la mise en avant de l’ego qui représentent les métaux dans le Temple. Un des objectifs de l’initiation est justement de surmonter la dualité masculin/féminin, par l’unité de l’Etre. Maintenir le refus de la mixité ne peut, de ce point de vue, qu’être le constat de l’échec de l’initiation.
L’apôtre Paul affirmait, quant à l’initiation chrétienne : « 3-27 Vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. 28 Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. 29 Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d’Abraham, héritiers selon la promesse. »
Animus et Anima :
De nombreux mythes, dans la Bible, ou bien cités par Platon (Discours d’Aristophane dans le « Banquet »), font mention de l’Homme primordial, à la fois masculin et féminin. En lui, le masculin et le féminin se trouvaient unis harmonieusement et naturellement. La Pierre philosophale est souvent représentée sous l’aspect d’un être androgyne à savoir une figure réunissant l’homme et la femme dans un même être. L’androgyne est doté des polarités masculine et féminine.
Selon Jung, le psychisme des êtres humains possède une partie masculine, l’animus, et une partie féminine, l’anima. Le mariage des deux polarités constitue le retour à l’état primordial. Le mythe de l’androgynat représente la perte de l’harmonie primordiale, ainsi que la séparation du spirituel et du matériel, dans le macrocosme et dans le microcosme. Appliqué à l’homme, ce mythe symbolise la rupture de son unité intérieure, c’est-à-dire la perte de l’harmonie qui existait jadis entre sa nature céleste (le soi) et sa nature terrestre (l’ego). Le seul moyen de retrouver cette harmonie est d’œuvrer à nos propres noces spirituelles, thème majeur des « Noces chymiques de Christian Rosenkreutz ».
Pour unifier Anima et Animus, il s’agit avant tout d’intégrer le féminin en nous, que nous soyons homme ou femme d’ailleurs. Puisque le masculin est en « excédent ». Faire nôtre un temps pour l’introspection, l’écoute de l’autre, l’intuition, la créativité, la création, toutes ces valeurs ô combien fondamentales que la société tente de nous ravir en prônant le toujours plus, la compétition pour être meilleur, plus fort, plus performant etc…. Le Soi est le subtil équilibre entre la réflexion et l’action. Il nous permet d’écouter notre féminin, notre intuition, notre accueil de l’autre, et d’entendre le masculin qui va mettre en mouvement toute cette créativité. Quand j’écoute mon intuition, après une marche en forêt, je pense au tableau que je vais créer, au roman que je vais écrire, je suis dans mon féminin. Quand je mets en place une action pour l’exposer ou le publier, je suis dans mon masculin. Le masculin au service du féminin, dans un respect total.
Ainsi réunis en un Tout harmonieux, le Soi va pouvoir œuvrer. Equilibrer, de l’intérieur, ces deux pôles à l’opposé l’un de l’autre, mais totalement complémentaires.
Il faut déterminer qui est la femme et qui est l’homme ? A qui s’adresse l’initié ? Deux réponses sont possibles :
- C’est le corps physique sexué. Dans ce cas, il y a plaisir, désir, passion,… Et aussi peine et souffrance. Le travail de mort du vieil homme n’a pas été fait, et c’est le profane qui profane le Temple.
- C’est la pierre cubique. Dans ce cas, c’est la Joie. C’est l’Etre, qui n’est pas sexué, ni homme ni femme, masculin et féminin harmonisé et équilibré.
C’est une question d’œil, de vision, de perspective. En loge, ce que l’on enseigne au chercheur, c’est de trouver qui il est (« Connais-toi toi-même »). S’il se livre effectivement à cette recherche, le chercheur n’éprouvera aucun intérêt à des discussions sur des sujets comme le sexe, l’argent et le pouvoir. Alors, le dialogue s’établit de Cœur à Cœur, et non d’être sexué à être sexué. C’est tout e la différence entre sacré et profane : la vision, le regard, la perspective.
Conclusion :
La mixité est un marqueur. Si la franc-maçonnerie n’est pas ce qu’elle doit être, elle ne sert à rien et ne représente rien. La franc-maçonnerie n’est pas étrangère, mais participe du contexte sociétal, qui est patriarcal, mais sa vocation est d’être à la pointe, en raison de son idéal d’égalité, des luttes d’émancipation des femmes. La franc-maçonnerie a été progressive, voire révolutionnaire, non en tant qu’institution, mais plutôt par celles et ceux qui la composent. Souvent des frères et sœurs ont été à l’avant-garde de leur époque, parfois contre leur obédience. Ce n’est que de nombreuses années plus tard qu’il apparaît que ces sœurs et frères ont « sauvé » l’honneur de la franc-maçonnerie.
Argument ultime, mais irrationnel : certains frères menacent de quitter la loge, en cas d’instauration de la mixité. Parallélisme des formes : quitter la loge si la mixité est refusée.
Les rituels de la franc-maçonnerie ont été mis en œuvre dans le cadre d’une culture patriarcale : aujourd’hui, l’histoire a beaucoup progressé, et la femme est parvenue à s’émanciper, pour conquérir l’égalité avec l’homme. C’est pourquoi il convient de féminiser les divers rituels. On peut s’interroger d’ailleurs sur le fait qu’une telle féminisation n’ait pas encore été entreprise par l’une ou l’autre obédience féminine ou mixte !
Pour paraphraser l’apôtre Paul, la pierre cubique n’est ni homme, ni femme, ni ceci, ni cela : elle est. La pierre cubique a toujours été là. C’est Cela. Mais ce n’est ni ceci, ni cela. Cela veut dire que la pierre cubique, ou pierre philosophique, est hors du temps et de l’espace : elle est éternelle et infinie. Ce qu’il faut faire, c’est s’interroger : qu’est-ce qui voile celle-ci ? C’est la pierre brute, ou l’ego. Il faut donc, après l’initiation, retrouver notre Etre réel, et annihiler l’ego.
L’ère du Verseau, commencement d’un cycle nouveau, symbolise l’union de ce qui a été séparé, le masculin et le féminin. Il appartient à chacun, et notamment aux initiés de mettre en œuvre ce symbolisme. De plus, la restauration du matriarcat est, pour l’avenir, un facteur de paix, tout comme la fin du patriarcat met fin à la domination de valeurs agressives.
« Autrefois », la maçonnerie était à la pointe des progrés sociétaux. De nos jours, certaines obédiences, refusant ne serait-ce que la visite de soeurs, est complètement rétrograde et en complète contardiction avec le slogan « Liberté-Egailté-Fraternité ». N’étant pas à une contradiction près, certaines obédiences autorisent leurs membres à visiter des loges mixtes ou féminines, mais interdisent leur accés aux Soeurs (prétextant qu’il existe des loges mixtes ou féminines, comme le font des loges américaines vis à vis des noirs !) Il faut que cela change progréssivement!