Paris, capitale maçonnique
Par Vincent Nouzille Publié le 20/07/2012 sur le site Le Figaro
Du Louvre à la tour Eiffel, en passant par le Panthéon ou la Grande Arche de la Défense, la Ville Lumière semble avoir été pensée par des « philosophes ». Visite guidée.
La Ville Lumière porte bien son nom. Du Panthéon à la tour Eiffel, nombre de ses monuments portent les traces de symboles maçonniques. «C’est souvent par petites touches, plus que par grand dessein organisé», précise Emmanuel Pierrat, coauteur du Paris des francs-maçons. «Il ne faut pas surinterpréter les signes, mais quelques frères bâtisseurs ont réellement marqué la cité de leur empreinte, notamment avec des références antiques, très prisées au XVIII et XIXe siècle et dans nos rituels», ajoute l’initié Raphaël Aurillac, auteur du Guide du Paris maçonnique. Voici une découverte non exhaustive des lieux parisiens où le visiteur averti peut déceler les clins d’oeil des maçons.
Le monument des droits de l’homme du Champ-de-Mars
Ce petit monument signé Ivan Theimer fut érigé en 1989 pour le bicentenaire de la Révolution française. Il célèbre les vertus des Lumières et l’esprit de la liberté, là où, en 1790, eut lieu la première fête de la Fédération inspirée par La Fayette, puis les célébrations de l’Être suprême souhaitées par Robespierre.
Les ornements égyptiens du monument et les symboles ésotériques (delta rayonnant, soleil, dessins de Newton) qui le parent attisent l’imagination de ses visiteurs.
La Grande Arche
La Grande Arche, inaugurée en 1989, clôt à l’ouest l’axe venant du Louvre, comme une pierre taillée, polie à l’extrême. «Un cube ouvert, une fenêtre sur le monde», selon son architecte Otto von Spreckelsen. Ultime porte, comme dans l’Antiquité, vers le monde des morts, elle rappelle aux frères leur quête absolue de perfection et le passage «à l’Orient éternel». Au sommet, le sculpteur Raynaud a conçu un dallage avec les douze signes zodiacaux, hommage à la voûte céleste, que l’on retrouve dans les nefs des temples maçonniques.
Le Louvre
Les fondateurs du musée, en 1793, n’étaient pas maçons. Mais son premier conservateur, l’égyptologue Dominique Vivant, baron Denon, l’était. Tout comme son architecte Pierre Fontaine, qui le paracheva sous l’Empire. Son dessin général rappelle les trois espaces d’un temple: le parvis, autour du Carrousel, forme son entrée profane ; la cour Napoléon sa nef sacrée ; la cour Carrée son espace secret, placé à l’Orient. Ses façades sont parsemées d’images antiques choyées par les maçons: poignées de main fraternelles, équerres, compas, représentations d’Isis et Osiris, lettre H qui rappelle Hiram, l’architecte vénéré du temple de Salomon.
Si les structures de verre de l’architecte chinois Pei n’ont pas été inspirées par les frères, elles enrichissent symboliquement l’œuvre. La pyramide inversée, qui plonge dans les sous-sols, semble appeler à la recherche intérieure, que les anciens alchimistes ont résumée dans la formule Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem (V.I.T.R.I.O.L.) «Visite l’intérieur de la Terre et, en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée». Une devise maçonnique.
Le Panthéon
Dessinée en forme de croix grecque, l’église néoclassique de l’architecte franc-maçon Jacques-Germain Soufflot, voulue par Louis XV, fut placée sous la coupe d’un initié, l’abbé Pingre, chanoine de Sainte-Geneviève, avant d’être dédié, en 1791, aux «grands hommes de l’époque de la liberté française». Rendu au culte catholique sous l’Empire, le Panthéon redevint un temple laïc et une nécropole nationale sous l’influence des dirigeants initiés de la IIIe République. Dans sa crypte, reposent nombre de «grands hommes» francs-maçons, tels Voltaire, Victor Hugo et Victor Schoelcher.
La statue de la Liberté
Réplique de celle de New York, conçue par le frère Auguste Bartholdi, avec l’aide d’Eiffel, celle de Paris, installée sur l’île aux Cygnes, est un hommage aux idéaux maçonniques de liberté des pères de la Révolution américaine (Franklin, Washington) et de leurs frères français (La Fayette, Rochambeau).
Elle fut érigée à partir de 1884 grâce aux efforts des francs-maçons américains et français, dont le président Theodore Roosevelt. La plaque commémorant le centenaire de la première pierre est ornée d’un compas et d’une équerre.
Une autre Liberté, plus petite, est installée dans le jardin du Luxembourg. Et l’on doit à Bartholdi la statue de La Fayette et Washington se serrant fraternellement la main, place des États-Unis.
La Concorde et l’axe historique
La voie triomphale, qui part du Louvre et va jusqu’à la Défense, en passant par la place de la Concorde, plaît aux initiés. Elle représente le parcours de la vie, de la naissance à la mort, la course du soleil, de l’Orient à l’Occident. Cette ligne pure est marquée, en son point d’équinoxe, par l’obélisque de Louxor, totem de la puissance du dieu Rê et symbole du parfait chemin d’équilibre. Ce n’est pas un hasard si l’ordonnateur de son transfert d’Égypte en 1839 fut le baron Isidore Taylor, éminent frère. La présence des deux temples – celui, pacifique, des lois avec l’Assemblée nationale au sud, et l’ancien temple (guerrier) de la Grande Armée, aujourd’hui église de la Madeleine, au nord – complète, selon certains experts, le dispositif ésotérique, opposant le bien et le mal, la lumière de midi à la nuit de l’étoile du Nord.
La tour Eiffel
L’idée de son édification pour l’Exposition de 1889 a germé au sein de la loge Alsace-Lorraine, dont Gustave Eiffel était l’un des dignitaires. Son dessin semble d’inspiration maçonnique.
Vraie pyramide, dotée d’un phare illuminant la ville de ses lumières, la tour comporte trois étages, clin d’oeil aux trois premiers degrés de l’initiation, celui de l’apprenti, du compagnon et du maître.
Ultime défi: elle est plus haute que le sommet du Sacré-Coeur de Montmartre, ce qui constituait, pour ses architectes francs-maçons, une petite victoire sur l’Eglise…
Le fronton de l’Assemblée nationale
Devenu «bien de la nation» en 1791, le Palais-Bourbon, édifié cinquante ans plus tôt, fut réaménagé en Chambre des députés à partir de 1827 par l’architecte Jules de Joly, fils d’un porte-parole du Grand Orient. Les décors de la salle des pas perdus et le plafond du salon de la Paix furent confiés au frère Horace Vernet. Le fronton actuel a été sculpté entre 1838 et 1841 par Jean-Pierre Cortot, membre de la loge Le Grand Sphinx. Deux femmes, portant équerre et compas, se mêlent aux personnages qui entourent la France drapée à l’antique.
La statue de la place de la Nation
Le gigantesque groupe de bronze Le Triomphe de la République, signé Aimé-Jules Dalou en 1899, représente notamment les vertus républicaines (le Génie de la Liberté, le Travail, la Paix, la Justice, l’Abondance).
Au pied de Marianne debout sur son char, on aperçoit des symboles maçonniques, comme l’équerre, la ruche et l’acacia.
Protégé par un forgeron en tablier, un enfant porte sous ses bras un livre, un compas, une règle, un ciseau…
Les fresques du palais d’Iéna
Sur les façades du bâtiment qui abrite le Conseil économique, social et environnemental, des mosaïques ont été ajoutées en 1992.
Dues aux sculpteurs Royne et Guardici, elles représentent des allégories clairement maçonniques, comme la pierre taillée, la voûte étoilée, la pyramide, les trois premiers degrés de la vie des initiés et «la chaîne d’union fraternelle».