Jérôme Touzalin est un dramaturge , responsable de la communication et membre du Conseil de l’Ordre, de la Grande Loge Traditionnelle et Moderne de France.
Voici donc la « Chronique (imp)pertinente de Jérome » :
On a la solution
Il y a, entre les humains, une transmission que nous connaissons bien, qui est de caractère purement opératif, celle que nous, Francs-maçons, honorons symboliquement à travers la « maçonnerie bâtisseuse de cathédrales» de nos ancêtres, sur laquelle nous aimons à nous fonder et qui est là pour illustrer ce qu’apporte une transmission respectée et accomplie entre les hommes… celle de ces temps où l’ouvrier qui commençait un chantier ne le voyait pas fini, et celui qui le terminait n’en ayant jamais connu son commencement… Il fallait transmettre le savoir, sans quoi, comment bâtir ?
D’une façon générale, on convient que sans transmission, il n’y a pas progrès, il n’y a pas aventure pour l’homme, et corollairement pour l’humanité ; sans transmission il n’y aurait plus que les péripéties immédiates, ordinaires et ménagères, de la courte vie de chacun d’entre-nous… sans transmission nous tournerions en rond ; nous mènerions la vie du règne animal ou végétal qui reproduit les mêmes séquences à chaque génération, à chaque saison et ce depuis des millénaires… ne changeant que par des mutations hasardeuses, hors de notre fait… ou l’on connaîtrait le sort de ces populations qui sont demeurées à l’écart du flot humain et qui vivent sur des habitudes ancestrales au fin fond de leurs épaisses forêts. Sans transmission c’est ne disposer que d’une conjugaison qui ne connaîtrait qu’un seul temps : le présent. Pas de futur et donc pas d’avenir, pas de passé non plus et donc pas d’Histoire. La prison d’un « Hic et Nunc » qui repasse en boucle.
On constate, sans qu’il soit besoin de pousser très loin l’analyse, que dans le cadre de nos acticités opératives, la transmission du savoir entre les hommes, malgré, parfois, quelques rivalités de compétition, se fait plutôt aisément ; tout un chacun s’y prête volontiers, et s’appuie sur les enseignements des générations précédentes. Et c’est ainsi que, depuis la nuit des temps, l’humanité s’est montrée accueillante face à des idées nouvelles. Les échanges se font, non seulement à l’intérieur des peuples partageant un même lieu d’habitation géographique, ou dans le creuset d’une même communauté, mais les emprunts enjambent aussi les fleuves, les montagnes, les océans et finalement les civilisations… Chaque groupe humain s’enrichit des apports techniques qui sont nés à des milliers de kilomètres de chez lui, ou dans les siècles qui ont précédé. Peu importe donc l’origine ou l’époque de l’inventeur, tout est bon à prendre sur la route du progrès. Sans doute cela a-t-il eu comme conséquence l’essor fulgurant de nos prouesses techniques, et l’on est passé ainsi, en un éclair, de l’art de bâtir des pyramides, des temples, des cathédrales à celui de construire des fusées.
Le bouillonnement intellectuel de l’esprit humain est comme un fleuve qui accueille toutes les rivières, quel que soit leur parcours antérieur, où qu’elles soient nées.
On pourrait s’attendre à ce qu’il en soit ainsi pour tout ce qui met en mouvement l’esprit de l’homme, il faut, hélas, bien vite déchanter et constater l’incapacité, pour ce même esprit, de vivre dans un identique accueil chaleureux pour ce qui touche à la vie spirituelle. Par vie spirituelle j’entends celle qui touche à l’inconnu de l’au-delà, comme si, depuis toujours, l’homme disait : « Je veux bien adopter ta nouvelle façon de tailler le silex, mais ton Dieu, je n’en veux pas, et si tu insistes, je vais te trancher la gorge ! »
D’où vient donc notre incapacité à marcher sur un même chemin en ce qui concerne nos préoccupations autour du mystère de notre existence et de ce qu’il en sera après notre mort ?
On m’objectera des exemples où, dans ce domaine, il y a eut des emprunts… combien de fêtes païennes sont devenues chrétiennes… mais c’était toujours dans un souci de domination, et cela ne s’est pas fait sans réticence et surtout sansviolence. Au final on en retire une impression de grand carnage.
Autant nos prouesses techniciennes nous font nous donner la main, autant nos élans religieux nous font nous fracasser les uns contre les autres et avec la plus effroyable cruauté… on ne s’épargne rien dans l’horreur extrême et l’on ne voit pas le moindre changement au fil des temps… c’est la barbarie toujours recommencée.
Il semble impossible de faire comprendre aux hommes les liens qui les unissent entre eux, et tous ensembles au monde, à la terre, aux étoiles, à l’infini de l’univers. Aucune spiritualité n’a-été capable d’apporter une réponse définitive qui satisfasse l’humanité toute entière… ou plutôt chaque communauté humaine croit que sa spiritualité est la bonne, la seule digne de foi, et cela met les hommes en fureur de voir que d’autres ne sont pas du même avis… et ils mettent toute leur rage pour tenter de l’imposer aux groupes humains qui diffèrent dans leur approche.
Devant une réponse technicienne, tout le monde s’accorde, devant une réponse spirituelle tout le monde s’entredéchire. Notre cerveau ne peut donc aller plus loin que d’améliorer la façon de faire du feu ! Notre cerveau n’est qu’un technicien supérieur, voire très supérieur, sur le monde des faits matériels et se révèle d’une redoutable stupidité dès lors qu’il est face au monde des spiritualités sans preuves.
Y a-t-il une issue ?
Et s’il n’y en a pas, hormis l’amélioration de notre confort matériel, notre voyage terrestre a-t-il un sens ?
Pour ma part, je ne peux pas imaginer que notre présence dans cet univers soit sans raison… Je ne peux penser que nous traversons la vie uniquement pour faire valoir nos prouesses techniciennes. Je veux croire que tout cela a un sens… il y a quelque chose, je ne sais pas quoi, mais il y a quelque chose, et je suis bien incapable de le prouver, mais cette croyance ne fait pas de moi un barbare assoiffé de sang qui veut en découdre avec tous ceux qui exhibent leurs Dieux les plus divers.
Je trouve même assez joli ce foisonnement d’inventions touchant à la spiritualité, cela me donnerait plutôt un sentiment d’admiration à l’égard de l’homme devant son inventivité pour expliquer le monde, sa création et la présence de l’homme sur cette terre. Si j’ai mon idée, si j’ai été conduit sur le chemin d’une religion qui se trouvait là où je suis né, cela ne fait naître en moi aucun désir d’écraser ceux qui ne sont pas du même pays spirituel, bien au contraire, cela me donne envie, d’aller leur rendre visite avec ou sans passeport, avec ou sans visa, d’étudier leur parcours et d’approfondir leur pensée.
C’est pourquoi, il me semble que dans la Franc-maçonnerie on a la solution ; il me semble y voir le lieu de ce rapprochement apaisé, d’un approfondissement pacifié, où l’on peut même s’émerveiller de conclusions que l’on ne partage pas. La grande force de la Franc-maçonnerie, c’est qu’elle conduit, doucement, au fil de temps, au fil de nos études patientes, à aimer son prochain sans être en accord avec lui.
Tout, dans nos cérémonies, nous dit qu’une transmission spirituelle sans affrontement est possible. Cela commence avec la main qui prend celle du futur initié et va le conduire tout au long des épreuves de sa cérémonie de réception, justement pour lui apprendre que c’est parce que nos pierres sont différentes qu’elles confèrent sa beauté à l’édifice que nous construisons, c’est à dire la vie de la communauté humaine.… et ce contact, paume contre paume, enseigne à l’impétrant la confiance qu’il peut avoir en des hommes, si différents de lui, à l’opposé même de lui, mais qui vont devenir ses frères.
Il ne s’agit pas, en Franc-maçonnerie, d’imposer une vérité, de convaincre d’une histoire plutôt que d’une autre mais de faire partager par ce rassemblement d’hommes et de femmes l’idée que ce quelque chose de supérieur qui existe, qui demeure invisible à nos yeux, ce quelque chose, chacun est libre de le penser à sa façon, peu importe laquelle, du moment que cela donne aux humains le désir de vivre la paix et non plus de partager la guerre.
Nous passons dans la vie profane bien du temps à mettre en avant un moi ambitieux et trivial à propos de sujets d’ordre spirituels dont nul de détient la réponse… Pour notre part, nous Francs-maçons, pensons que nous sommes là pour transmettre à notre prochain la part mystérieuse de la lumière du monde qui nous habite, et nous n’allons certainement pour nous affronter pour disputer sur la couleur particulière de cette lumière que chacun porte au plus profond de soi.
Sans cette part mystérieuse, il n’y a pas de vrai projet pour l’homme. C’est par elle que se bâtit peu à peu le temple ultime, celui qui doit rassembler tous les hommes dans une réconciliation définitive.
Le devoir d’un Maçon, nous le répétons à chaque rencontre, à la fermeture de nos travaux, le devoir d’un Maçon est bien de répandre alentour la LUMIERE qu’il a entrevue dans les opérations de sa Loge et cette lumière est là pour éclairer et non pour allumer des buchers.
Jérôme Touzalin Grande Loge Traditionnelle et Moderne de France
Il semble possible de faire comprendre aux hommes les liens qui les unissent entre eux.
FRATERNITE
Bonjour,
Oui, je le pense aussi… je crois que la Franc-maçonnerie nous y conduit… mais le chemin sera long.
Frat. JT.