FRANC MACONNERIE, MIXITÉ : QUELQUES EXPLICATIONS
La toute dernière décision de la Chambre suprême de justice maçonnique du Grand Orient de France est naturellement une étape décisive vers la liberté laissée aux loges du Grand Orient de France d’initier ou non des femmes.
Il est regrettable qu’à ce jour, la décision n’ait pas été publiée afin que chacun des membres du Grand Orient de France puisse en connaître très exactement la teneur.
Il semblerait cependant que la Chambre suprême de justice maçonnique à juste titre considère qu’au regard du règlement intérieur actuel du Grand Orient de France, aucune disposition explicite n’empêche une loge du Grand Orient de France d’initier une femme.
On ne peut par conséquent que prendre acte de cette position de droit exprimée avec clarté.
Toutefois, incontestablement, l’initiative prise par l’exécutif d’engager une procédure devant la Chambre suprême de justice maçonnique, cinq mois avant le convent, en demandant l’exclusion du Grand Orient de France des cinq loges ayant antérieurement initiées des femmes ne peut, aujourd’hui, que diviser l’Obédience.
Beaucoup de frères ont aujourd’hui l’impression qu’ils sont mis devant le fait accompli et qu’est ainsi édictée une règle générale s’imposant, immédiatement à tous, réforme fondamentale de l’Obédience à laquelle ils ont le sentiment de ne pas prendre part.
Car en effet, aujourd’hui, compte tenu de l’état du droit rappelé par la Chambre suprême de justice maçonnique, les frères du Grand Orient de France lors du prochain convent n’auront qu’une seule alternative :
– prendre acte du règlement général ainsi opposé par la Chambre suprême de justice maçonnique ou transformer le règlement général en y introduisant la notion de masculinité.
Cruel dilemme pour beaucoup !
Rappelons la chronologie de cette affaire.
La question de la liberté des loges du Grand Orient d’initier ou non des femmes se pose depuis de très nombreuses années et les exécutifs successifs du Grand Orient ont toujours été interpellés par le monde profane, la société civile et à l’intérieur même de l’Obédience.
Les non-dits, occulter les problèmes, n’est jamais une bonne solution.
C’est la raison pour laquelle, présidant l’obédience (septembre 2005 – septembre 2008), lors de mon discours d’installation après ma réélection en septembre 2006, j’annonce qu’un grand débat sur cette question sera organisé dans l’Obédience au cours de l’année 2006-2007 ce qui n’avait jamais été fait auparavant.
Soit colloque avec les loges favorables à l’initiation et les Obédiences adogmatiques et libérales, diffusion des actes du colloque, débat au sein du Conseil de l’Ordre, relayé dans de nombreux congrès régionaux et loges…
Des discussions étaient par ailleurs engagées avec un collectif de loges favorables à l’initiation pour rechercher une commune solution, ce qui n’avait jamais été entrepris par les exécutifs précédents.
En septembre 2007 le convent, quant à lui, refusait d’en débattre.
Le conseil de l’Ordre de l’époque continue au cours de l’année 2008 à poser le problème.
En juin 2008, pourtant, 5 loges initient des femmes sans attendre la décision du convent de septembre 2008.
Celui-ci après avoir refusé l’initiation des femmes à une courte majorité, décidait de renvoyer néanmoins cette question à l’étude des loges.
Or au cours de l’année 2008-2009, aucun débat n’était organisé.
L’exécutif demandait par contre l’exclusion de près de 200 frères membres des loges ayant initiées des femmes… , plainte ensuite retirée.
Le convent 2009 refusait également la liberté des loges mais dans des conditions telles que la Chambre suprême devait annuler lesdites décisions pour irrégularités flagrantes !
La CSJM renvoyait par ailleurs l’Obédience aux décisions prises par le convent 2008 soit : « retour aux loges… ».
Force est de constater qu’au cours de cette période, il ne s’est rien passé, alors que c’était justement l’occasion de poser les problématiques juridiques sans forcer la conscience de chacun.
Aujourd’hui l’Obédience est déchirée.
Devant la situation de fait que nous connaissons il importe de tout faire pour rassembler l’Obédience et que chaque frère aujourd’hui membre du Grand Orient de France puisse continuer à y trouver sa place dans une démarche singulière et spécifique.
Incontestablement la saisine de la Chambre suprême de justice maçonnique par le Conseil de l’Ordre a, malheureusement, créé les conditions d’une division et d’un climat passionnel.
Comment sortir de cette impasse ?
Une solution miracle : La confédération ? La fédéralisation ? Fusion avec une obédience mixte ?
Face au risque d’un véritable schisme il serait particulièrement dommage que l’on tente d’y parer par le morcellement de l’Obédience.
Favorable à la liberté des loges d’initier, nous n’envisagions pas qu’une telle réforme se réalise de cette façon.
J’ai regretté la dernière décision du convent mais j’ai toujours indiqué que c’était par la conviction, le partage, la transmission, le débat que nous pouvions faire triompher l’idée de liberté et souveraineté des loges devant le convent par un vote démocratique.
Aujourd’hui du fait de la précipitation brutale avec laquelle la Chambre suprême de justice maçonnique a été saisie et qui a légitimement dit le droit, nous nous voyons confrontés à deux réalités :
– la réalité implacable d’une décision de la CSJM quant à l’application du RG ;
– le désarroi non moins inflexible et respectable de nombreux frères de l’obédience.
Il faut par conséquent, à partir de ce jour, tout faire pour, dans l’unité de l’Obédience, une et indivisible, et ce avant le convent, ensemble, trouver à l’intérieur de l’Obédience pour chaque frère, pour chaque loge la voie qui lui est propre dans le cadre de la souveraineté des loges et du respect de la liberté d’autrui.
C’est une démarche exigeante qui nécessite compréhension, conviction, pédagogie.
Elle doit faire fi de toute arrière pensée ou manipulation de toute sorte et faire appel à l’expérience, la fraternité et le rayonnement universel de l’Obédience.
Reprenons les leçons de notre histoire, de notre unité et de notre fidélité.
La résolution de cette question essentielle pour notre avenir est d’abord le problème des frères et des loges.
Saisissons-nous-en.
Jean-Michel Quillardet