Depuis le dimanche 05 janvier 2014, je vous invite à retrouver une rubrique régulière de Questions-Réponses intitulée « MISCELLANEA MACIONICA » (Miscellanées Maçonniques) tenue par Guy Chassagnard.
Guy Chassagnard est un ancien journaliste professionnel qui, parvenu à l’âge de la retraite, a cessé de traiter l’actualité quotidienne, pour s’adonner à l’étude de la Franc-Maçonnerie et de son histoire.
Voici la Question 6 de la Série Miscellanea Macionica.
QUESTION N° 06 : « Une Loge écossaise a-t-elle été créée, en 1688, à Saint-Germain-en-Laye ?«
Avant d’affirmer qu’il n’en a rien été, et d’étayer notre affirmation, laissons l’écrit à Albert Lantoine qui, dans sa Franc-Maçonnerie Écossaise en France, parue en 1930, a défendu une position opposée :
« On a la preuve, écrit-il, qu’il existait au moins une loge régimentaire à Saint-Germain, vers 1688, par la reconnaissance de cette date de fondation par le Grand Orient de France lui-même, lorsque cette loge consentit en 1777 à s’agréger à lui. D’après Gustave Bord, l’État du Grand Orient de 1778 lui donne comme rang d’ancienneté le 25 mars 1688 – et nous avons lieu de croire que le Grand Orient avait de sérieuses raisons pour agir ainsi. »
Qu’avait dit Bord dans sa Franc-Maçonnerie en France des origines à 1815 (1908) ? Que des régiments écossais et irlandais ont débarqué en France, avec leurs cadres militaires et leurs cadres maçonniques ; les premiers étant les agents exécutifs et les seconds le pouvoir directeur… Ajoutant :
« Les régiments écossais et irlandais furent le germe d’où sortirent toutes les loges des régiments français, et leur nombre fut considérable. […] Tout porte à croire que la première loge battant maillet en France fut la Bonne Foi, à l’orient des gardes écossaises du roi d’Angleterre (régiment de Dillon)… »
Les hypothèses, supputations et considérations ne suffisant pas à établir une vérité durable, il est convenable de revenir à la réalité historique des faits.
Commençons par les Stuarts. Monté sur le trône de Grande Bretagne et d’Irlande en 1685, à la mort de son frère aîné Charles II, Jacques II est renversé trois ans plus tard (décembre 1688) par la Glorieuse Révolution et doit se réfugier en France ; il y est accueilli, en janvier 1689, par son cousin Louis XIV au château royal de Saint-Germain-en-Laye.
En mars, le roi déchu part reconquérir son trône mais échoue dans sa tentative ; battu par Guillaume III, son neveu et gendre, il retourne, en juillet 1690, à Saint-Germain-en-Laye – où il mourra en 1701 – entouré de courtisans loyalistes.
Constat : aucun régiment, écossais ou irlandais, ne s’est trouvé en mars 1688 à Saint-Germain-en-Laye, alors que James II était encore sur son trône à Londres. Par ailleurs, aucune loge, ayant la ville de Saint-Germain-en-Laye pour orient, ne s’est ouvertement manifestée avant les années 1770.
Alain Le Bihan, qui a examiné toutes les archives maçonniques de la Bibliothèque nationale (actuelle Bibliothèque de France) n’a trouvé aucune trace de loge à Saint-Germain-en-Laye au XVIIe siècle.
« Le 13 mars 1777, écrit-il dans son Mémoire portant sur les Loges de province de la Grande Loge et du Grand Orient de France (1967), à propos d’une loge dite La Parfaite Égalité, le Grand Orient admit que ses Constitutions primitives dataient du 25 mars 1688, et qu’elles avaient été renouvelées le 9 octobre 1772 par la Grande Loge de France. La demande de renouvellement des Constitutions avait été présentée le 24 octobre 1776. »
Constat : les registres du Grand Orient ne font aucun état de pièces authentiques présentées pour le renouvellement des Constitutions de la Parfaite Égalité. On peut donc considérer qu’aucun fait, qu’aucun document ne permettent de prouver à ce jour l’existence d’une loge maçonnique tout au long du séjour des Stuarts à Saint-Germain-en-Laye.
Auteur émérite d’une Histoire de la Franc-Maçonnerie française (1974), Pierre Chevallier convient d’ailleurs que « les origines de celle-ci baignent dans une obscurité profonde » et que « peu d’espoir existe de la voir un jour se dissiper ». La première loge de France est certainement à chercher en d’autres lieux que Saint-Germain-en-Laye.
Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, qu’il n’y a jamais eu de francs-maçons parmi les militaires fidèles à Jacques II et que ceux-ci n’aient pas, à l’occasion, tenu loge en cet orient.
✦ Pour en savoir plus, consulter les ouvrages cités dans le texte de Gustave Bord (1908), d’Albert Lantoine (1930), d’Alain Le Bihan (1967), de Pierre Chevallier (1974).
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