Miscellanea Macionica : Que dire du Rite français ?
Voici la question 89 de la Série« MISCELLANEA MACIONICA » (Miscellanées Maçonniques) tenue par Guy Chassagnard, ancien journaliste professionnel qui, parvenu à l’âge de la retraite, a cessé de traiter l’actualité quotidienne, pour s’adonner à l’étude de la Franc-Maçonnerie et de son histoire.
Il s’agit sans aucun doute du rite le plus concis, le plus simple et, de surcroît, le moins symbolique des rites actuellement pratiqués en France. En 1725, lorsque fut créée la Loge Saint-Thomas, par des maçons venus d’Angleterre, ses membres ne firent qu’appliquer les usages maçonniques apportés d’outre-Manche. N’y furent point intégrés, après 1730, les changements apportés par la Grande Loge de Londres à la suite des révélations publiques faites par Samuel Prichard ; seul l’apport d’un troisième degré, de Maître Maçon fut alors retenu.
De même, les « Anciens » n’eurent, à partir de 1753, aucune influence sur la façon de maçonner des francs-maçons de France. Se copiant les unes les autres, mais sans jamais prendre part aux controverses britanniques, les loges françaises assurèrent ainsi, de façon durable, leur propre rituélie.
Fondé en 1773, le Grand Orient de France n’en décida pas moins d’uniformiser les rituels des loges de sa « correspondance », autant pour des raisons ésotériques que pour des motivations purement mercantiles : ses rituels, bien que manuscrits, étant vendus à chacune des loges reconnues ou constituées par lui. En 1785 furent adoptés les rituels des degrés symboliques ; l’année suivante, ceux des « ordres » supérieurs– le tout constituant alors le « système » du Grand Orient de France. Il n’y eut en fait de Rite « français » qu’à partir du moment où des francs-maçons, étrangers à l’obédience, se réclamèrent d’un Rite ancien, ancien et accepté, ou écossais philosophique ; soit en 1804, comme on le verra par ailleurs.
Ce Rite français fut alors « moderne » puisque des frères, en marge, se réclamaient « anciens »… Si l’on se réfère au Régulateur du Maçon, premier ouvrage imprimé – en 1801 – contenant les rituels du Grand Orient de France :
• L’illumination et le tracé du tableau de la loge se font avant l’ouverture des travaux.
• Il n’y a pas d’entrée solennelle pour les membres de la loge, les officiers ou le vénérable.
• Il n’est pas fait référence au Grand Architecte de l’Univers à l’ouverture ni à la fermeture des travaux.
• Les applaudissements maçonniques se font par trois fois la batterie d’apprenti, suivie de l’acclamation : Vivat ! Vivat ! Semper Vivat !
• La chaîne d’union et le baiser de paix ne se font qu’aux travaux de banquet.
• Un frère, appelé Frère Tuileur, se tient en permanence hors de la loge pendant la durée des travaux.
• La loge doit être tendue en bleu et blanc.
• Le trône où se tient le vénérable doit être exhaussé de trois marches et surmonté d’un baldaquin de quelque étoffe bleue.
• A chaque assemblée, on dessinera sur le plancher de la loge le tableau mystérieux avec de la craie.
• Le vénérable siège à l’orient, dans l’axe du temple ; le premier surveillant à l’occident, à droite en entrant dans le temple ; le second surveillant à gauche.
• On placera sur l’autel d’orient un glaive, un compas, un maillet ; au pied de l’autel sera un coussin d’étoffe bleue sur lequel on placera une équerre.
Au fil des ans et des générations, les rituels du Grand Orient de France, donc du Rite français, devaient évoluer. On peut ainsi, en matière de réformes, citer :
• La réforme dite du Prince Murat (1858). – Intervenant quelques années après la reconnaissance en 1849, par le Grand Orient de France, de « l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme », cette réforme s’inscrit pleinement dans la tradition andersonienne ; apportant de nouvelles invocations au Grand Architecte de l’Univers et renforçant le cérémonial des initiations. L’ouverture et la fermeture des travaux de loge se font plus solennelles que par le passé.
• La réforme Amiable (1886). - Ayant écarté à jamais, en 1877, le GADLU de ses temples, le Grand Orient de France se devait de mettre à jour ses rituels en leur apportant une orientation spécifiquement positiviste. Il le fait sous l’impulsion de Louis Amiable, Grand Orateur, entérinant ainsi la neutralité de l’Ordre maçonnique envers les croyances humaines ; promouvant, à son corps défendant, une forme nouvelle de religion substituée, morale, sociale et laïque.
La finalité de la réforme, proposée aux membres du Grand Orient de France, est que les rituels du rite reflètent parfaitement « les sentiments sagement progressistes qui animent la Franc-Maçonnerie française et qui la placent à l’avant-garde de la Franc-Maçonnerie universelle ». Quant au symbolisme maçonnique, il doit être « sobre, clair et absolument neutre ».
• La réforme Groussier (1938-1955). – Entreprise par un Grand Maître qui en était à son neuvième mandat, Arthur Groussier, cette réforme s’est efforcée de ramener le Rituel à ses sources symboliques, dans un souci de neutralité spirituelle mais aussi politique. Il appartient aux francs-maçons de laisser leurs métaux à la porte du temple pour retrouver sur le pavé mosaïque la fraternité, la tolérance et la foi en l’avenir de l’homme. C’est ce rituel qui est, aujourd’hui, le plus pratiqué au Grand Orient de France.
Car il existe d’autres rituels également en usage, tant au sein du GODF que d’autres obédiences françaises : ce sont ceux du Rite moderne français rétabli ainsi que du Rite français traditionnel. Le premier de ces rites est né dans la seconde moitié du XXe siècle, de la volonté de certains membres du Grand Orient de France de procéder à un travail de reconstruction du Rite français sur ses bases originelles, avec une place accrue attribuée au symbolisme. Le second a résulté de l’incorporation dans les textes de pratiques plus anciennes encore.
En 1972, le Rite français Groussier a été adapté à la pratique maçonnique des femmes et adopté par divers ateliers de la Grande Loge Féminine de France. Établi par le Grand Orient de France, le Rite français est, sans aucun doute, le Rite qui convient le mieux, aujourd’hui, à une obédience se prévalant de l’adogmatisme et du progressisme maçonniques ; en l’occurrence le Grand Orient de France lui-même…
• Pour plus d’information, voir : Le Régulateur du Maçon 1785 / « 1801 »
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