Voici la question 44 de la Série« MISCELLANEA MACIONICA » (Miscellanées Maçonniques) tenue par Guy Chassagnard, ancien journaliste professionnel qui, parvenu à l’âge de la retraite, a cessé de traiter l’actualité quotidienne, pour s’adonner à l’étude de la Franc-Maçonnerie et de son histoire.
Miscellanea Macionica : Où et quand fut créée la première Loge maçonnique française ?
Trois siècles après l’événement, à quelques années près, le doute demeure. Où et quand ? La réponse est incertaine. Pour les uns, favorables à l’essence écossaise de la Franc-Maçonnerie, la première loge aurait été créée en 1688 (le 25 mars…) à Saint-Germain-en-Laye, lieu de résidence royale et d’implantation de régiments stuartistes. Sauf qu’aucun document écrit d’époque ne permet d’étayer la théorie. Seule preuve, et celle-ci est bien mince : une loge locale, La Parfaite Égalité, fit reconnaître, contre toute attente, son ancienneté au Grand Orient de France en l’année 1777 – soit près d’un siècle plus tard.
Vient ensuite la création, en 1721, le 13 octobre pour être précis, d’une Loge à Dunkerque. Celle-ci, portant le titre de L’Amitié et Fraternité, aurait été fondée par des voyageurs et négociants britanniques. Sauf que là encore les documents écrits brillent par leur absence. A noter que 1721 fut encore l’année présumée de la création d’un Grand Chapitre Général de France revendiquant, dans les années 1786, sa fondation sous les auspices du duc d’Antin – ce dernier étant alors âgé de quinze ans…
La première loge de France dont l’existence ne peut être mise en doute fut parisienne. Elle fut fondée en 1725 (ou 1726) par des britanniques installés à Paris. L’Encyclopédie raisonnée des Sciences de MM. Diderot et d’Alembert (1777), en parle en ces tremens:
Vers l’année 1725, Milord Dervent Waters, le Chevalier Maskelyne, d’Herguerty, & quelques autres Anglois établirent une Loge à Paris, rue des Boucheries, chez Huré, Traiteur Anglois, à la manière des sociétés angloises ; en moins de dix ans, la réputation de cette Loge attira cinq ou six cents Frères à la Maçonnerie & fit établir d’autres Loges, d’abord celle de Goustaud, lapidaire Anglois ; ensuite celle de le Breton, connue sous le nom de Loge du Louis d’argent, parce qu’elle se tenoit dans une auberge de ce nom ; enfin la Loge dite de Bussy, parce qu’elle se tenoit chez Landelle, traiteur, rue de Bussy.
Les membres fondateurs de la loge de la rue des Boucheries se nommaient en réalité : Charles Radclyffe, comte de Derwentwater, James Hector MacLean, baronnet d’Écosse, et Dominique O’Heguerty, futur comte de Magnières. Son installation eut lieu officiellement le 12 juin 1726. Quatre ans plus tard, apparut une Au Louis d’Argent – fille peut-être de la précédente – qui fut portée, en 1732, au 90e rang du tableau général des loges de la Grande Loge de Londres. Toujours en 1732 fut fondée dans la ville de Bordeaux, par des militaires et des négociants anglais ou irlandais, une autre loge qui prit le titre de L’Anglaise – et fut inscrite au numéro 204 de son matricule par la Grande Loge d’Angleterre en… 1792
La première Grande Loge des Maîtres parisiens se serait, quant à elle, réunie en 1728, à l’occasion d’une visite en France du duc de Whartono; celui-ci en aurait d’ailleurs été le premier grand maître. Existaient alors à Paris : la Loge Coustos-Villeroy, la Loge de Bussy-Aumont, la Loge du Grand Maître ; et peut-être quelques autres dont l’histoire a oublié le nom…
Nota – La première loge de Paris a longtemps été parée du titre de Loge Saint-Thomas – en hommage à Thomas Beckett –, notamment par Pierre Chevallier dans son Histoire de la Franc-Maçonnerie française (1974). Il semble qu’il n’y ait pas eu de Loge Saint-Thomas avant les années 1760. A qui s’en remettre ?…
- Voir : Histoire de la Franc-Maçonnerie française (Pierre Chevallier, Éditions Fayard, 1974). Les Annales de la Franc-Maçonnerie (Guy Chassagnard, Éditions Alphée – Jean-Paul Bertrand, 2009).
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