Depuis le dimanche 05 janvier 2014, je vous invite à retrouver une rubrique régulière de Questions-Réponses intitulée « MISCELLANEA MACIONICA » (Miscellanées Maçonniques) tenue par Guy Chassagnard, ancien journaliste professionnel qui, parvenu à l’âge de la retraite, a cessé de traiter l’actualité quotidienne, pour s’adonner à l’étude de la Franc-Maçonnerie et de son histoire.
Voici la Question 13 de la Série Miscellanea Macionica.
QUESTION N° 13 : Le Cordon de maître maçon peut-il être comparé à un Baudrier d’épée ?
Si nous posons la question en cette forme, c’est que nous avons un doute à émettre. Peut-on dire sans hésitation que l’actuel cordon, encore appelé écharpe, que portent en général les maîtres maçons français (son port est inconnu au rite émulation), rappelle le baudrier de l’épée, apanage dit-on des nobles sous l’Ancien Régime ?
On pense alors, bien sûr, aux films de cape et d’épée ; bien que le baudrier de Lagardère et de d’Artagnan fût en cuir…
Remontons le cours de l’histoire maçonnique. Aux premières heures de la Maçonnerie spéculative, façonnée par la Grande Loge de Londres (1717), les francs-maçons se vêtent d’un tablier d’agneau et d’une paire de gants blancs. Des années plus tard, le tablier se parera de la couleur bleu ciel (à l’époque) de l’Ordre de la Jarretière – peut-être parce que les grands maîtres sont tous de sang royal…
Pays de la fantaisie et de la particularité, la France s’entache du cordon dès son plus jeune âge. Mais s’agit-il bien alors du baudrier d’épée des nobles, même si l’égalité est de rigueur par le haut dans les loges maçonniqueso?
Rien ne le prouve, rien ne l’infirme… Si l’ouvrage de divulgations maçonniques, Le Parfait Maçon, publié en 1744, indique bien que le Vénérable de Loge est décoré d’« un grand cordon bleu », il n’en précise pas moins que « les simples frères n’ont aucun ornement qui les distingue ».
Il faudra attendre la publication du Tuileur de la Maçonnerie écossaise d’Abraham, en 1812, pour savoir qu’il existe un cordon de maître bleu moiré, comportant « au milieu une rosette couleur de feu, à laquelle est attaché le bijou ». Aucune des gravures maçonniques d’époque n’apporte la moindre précision concernant le cordon porté en écharpe.
D’où vient donc ce cordon ? A quoi correspond-il ? La réponse nous est peut-être fournie par une peinture réalisée par Louis-Michel van Loo, sous le règne de Louis XV (1715-1774).
On y voit le souverain portant l’épée – vraisemblablement attachée, sous la veste de brocart, par un ceinturon porte-épée, et décoré du grand cordon, de soie moirée bleu ciel, de l’Ordre du Saint-Esprit. A l’extrémité inférieure du cordon sont fixés la croix de l’Ordre et un nœud de couleur rouge.
De l’examen de cette peinture, ainsi que de plusieurs autres portraits de Louis XV, il ressort que son cordon et son épée ne dépendent jamais l’un de l’autre. De là à conclure que le cordon du maître maçon découle plus de l’usage de l’Ordre du Saint-Esprit – auquel appartenaient au XVIIIe siècle les princes du sang et les membres de la haute noblesse du royaume pouvant présenter trois degrés de noblesse – que du port de l’épée, il n’y a qu’un pas à franchir.
D’autant que les premiers grands maîtres de la Maçonnerie française ont tous été de grands seigneur membres de l’Ordre du Saint-Esprit :
• Louis de Pardaillan de Gondrin, duc d’Antin, était arrière-petit-fils du marquis et de la marquise de Montespan. Il fut grand maître général et perpétuel des maçons dans le royaume de France, de 1738 à 1743.
• Louis-Claude de Bourbon-Condé, petit-fils de Louis XIV et de la… marquise de Montespan. Il fut grand maître de toutes les loges régulières de France, de 1743 à 1771.
• Louis-Philippe d’Orléans, duc de Chartres (avant que d’être duc d’Orléans), arrière-petit-fils du Régent. Il fut grand maître de la Grande Loge, puis du Grand Orient de France, de 1771 à sa mort sur l’échafaud, en 1793.
© Guy Chassagnard – Tous droits réservés – guy@chassagnard.net