Voici la question 115 de la Série« MISCELLANEA MACIONICA » (Miscellanées Maçonniques) tenue par Guy Chassagnard, ancien journaliste professionnel qui, parvenu à l’âge de la retraite, a cessé de traiter l’actualité quotidienne, pour s’adonner à l’étude de la Franc-Maçonnerie et de son histoire.
Miscellanea Macionica : La Société Olympique : Loge maçonnique ou Société de concert ?
L’origine et la nature essentielle de la Loge et Société Olympique, apprend-on par la lecture de ses premières pages, est absolument maçonnique. Son titre lui a été accordé par le Grand Orient de France.
[…] Son objet principal et intéressant pour le plus grand nombre des Maçons qui se sont réunis pour la former, et de ceux qui s’y sont associés depuis, est l’établissement, à Paris, d’un Concert qui puisse à quelques égards remplacer la perte du Concert des Amateurs [société de concert disparue en 1781).
Mais comme la jouissance de ce Concert est exclusivement réservée aux Membres de la Société, précise le texte, pour pouvoir la faire partager aux Femmes, il a fallu joindre à la première Loge, une Loge d’Adoption.
Pour réunir à la fois dans cette Société les avantages de tous genres dont elle peut être susceptible, les sept premiers Fondateurs à qui l’Administration entière en avait été confiée, ont cru devoir s’associer un plus grand nombre de Coopérateurs, et d’accord avec eux, se soumettant à une avance de cinq années de cotisation, et se rendant solidairement responsables des dépense , ils ont établi, pour la Loge Olympique seulement, un local commun et une réunion sociale qui présente à ses Membres tous les avantages et les agréments des autres Sociétés.
On ne peut être Membre de la Société sans être ou devenir Maçon. On ne peut jouir d’aucun des avantages, ni du Concert, ni de la Société, ni de la Loge d’Adoption sans être Membre de la Loge Olympique ; mais une fois admis, ses Membres ont la liberté de suivre ou de négliger la suite des Travaux maçonniques au-delà du premier Grade ou d’Apprenti.
Dès sa création, la Société Olympique s’honore de compter quelque 362 membres. En font partie le duc et le marquis d’Aumont, le marquis et le comte de Beauharnais, le prince de Broglie, le comte de Ferssen, le maréchal de Noailles, le duc d’Orléans, le marquis de Pompignan, le bailli de Suffren. Les roturiers et les ecclésiastiques étant au nombre de 109. Le marquis de Corberon, Grand Maître de la Société, a pour surveillants le marquis de Javon et le frère de Barckhaus. La direction des concerts est attribuée au frère de La Haye.
L’orchestre compte soixante-cinq instrumentistes, dont un certain Charles, marquis de Savalette de Langes (amateur), au pupitre des basses.
151 sœurs siègent alors sur les colonnes de la Loge d’adoption, que dirige la comtesse Dauvet, assistée par la duchesse de Villeroy et la marquise de Pardieu. Y figurent deux princesses (de Lamballe et de Broglie), six duchesses (dont la duchesse d’Orléans), vingt-six marquises, trente-sept comtesses, des vicomtesses, des baronnes et autres présidentes… Un chapitre des Amazones réunit onze sœurs.
Si l’on en croit l’Almanach du Palais Royal pour l’année 1786, la Société Olympique est l’une des plus brillantes sociétés de Paris. « Ses assemblées frappent par leur éclat et leur brillant, et sont remarquables surtout par le ton de grandeur, de décence et de politesse qui y règnent. Outre celles qui se tiennent au Palais Royal, cette société donne des fêtes extraordinaires. »
Il en coûte 120 livres aux membres de la Société Olympique pour assister aux douze concerts prévus chaque année ; concerts qui se déroulent souvent en présence du roi et de la reine. Ses activités musicales et culturelles se poursuivront avec succès jusqu’aux premiers jours de juillet 1789, ses membres et ses musiciens se trouvant alors désorientés, avant que d’être divisés, par les événements politiques du royaume.
• Voir : La Société Olympique (opuscule anonyme, 1786). L’orchestre de la Société Olympique (Jean-Luc Quoy-Bodin, Revue de Musicologie, 1984).
© Guy Chassagnard – 2016
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J'ai le plaisir de vous communiquer la notice du dernier CD du Concert de la Loge (olympique) dirigé par Julien Chauvin, que j'ai rédigée, en attendant la parution du livre auquel je travail :
La Loge et Société Olympique, histoire d'une confrérie de musiciens.
Le Concert de la Loge Olympique.
En janvier 1781 la dissolution du célèbre Concert des Amateurs, société musicale organisant pour ses abonnés des concerts privés, dans les salons de l’Hôtel de Soubise, laissa en déshérence un orchestre de soixante-dix musiciens. Cette formation qui avait accumulé, au cours d’une dizaine d’années d’existence, un prestige, un public, un répertoire irremplaçables, se trouva soudain sans financement, sans salle de concert et sans organisme tutélaire.
Aussi dès le début de cette même année, les membres de l’orchestre, des professionnels mêlés à des amateurs, en général issus de l’aristocratie, décidèrent de recréer avec leur mécènes une société dont l’objet principal était, comme le rappelle La Société Olympique (1786), « l’établissement, à Paris, d'un Concert, qui puisse à quelques égards remplacer la perte du Concert des Amateurs ». Ils choisirent ensuite de la greffer sur une loge maçonnique de sorte qu’on ne pouvait y adhérer « sans être ou devenir maçon » et éditèrent pour la circonstance une médaille avec l’inscription « restauravit 1782 » (figure 1). L’importance de la franc-maçonnerie dans la sociabilité du XVIIIe siècle est à l’origine de cette forme d’association qui, en outre, comme le remarque J. de Norvins dans son Mémorial « avait été adoptée afin que la société appelée à y être admise y fût épurée par le scrutin ». Mais il s’agissait avant tout d’une sorte de confrérie institutionnalisant la coopération des musiciens dans ce qui sera retenu par la postérité comme une réussite exceptionnelle.
Les documents manuscrits conservés à la Bibliothèque Nationale témoignant des échanges de courrier avec le Grand Orient pour la constitution de la loge, effective le 22 juillet 1782, portent les signatures de plusieurs des Administrateurs de la Société et des membres de l’orchestre figurant dans La Société Olympique. Cet orchestre, considérable pour l’époque, était constitué des plus célèbres musiciens, souvent compositeurs, et des meilleurs amateurs. Sans pouvoir les énumérer tous, signalons Guillaume Navoigille, De La Haye, Blasius, Bréval cadet et Cosson de Guimps parmi les quatorze premiers violons ; Lalance, le Président de Meslay, Blasius cadet, Guénin parmi les quatorze second violons ; dans les huit altos, le marquis de Corberon, Rigel ; dans les dix basses, Salvalette de Langes, le comte d’Ogny et Duport ; Plantade, une des quatre contrebasses ; Lebrun et Heina, deux des quatre cors ; André, un des trois hautbois ; parmi les trois flûtes : Devienne et le chevalier de Cotte ; Ozy, un des deux bassons ; Michel, une des deux clarinettes ; enfin, parmi les onze voix : Garat, la marquise de Corberon et le comte de Puységur.
Les douze concerts annuels proposés aux quelques 400 souscripteurs —la plupart sans doute d’anciens habitués du Concert des Amateurs— débutèrent en janvier 1783 rue Coq-Héron, dans la galerie d’Ulysse de l’ancien Hôtel de Bullion. Cette salle « vaste, superbe, & favorable à la voix », selon le Journal de Musique de janvier 1771, avait déjà été prêtée par le duc de Montmorency-Laval au Concert des Amateurs à ses débuts. Elle était célèbre pour les peintures de Simon Vouet illustrant des épisodes de l’Odyssée, insérées dans un décor de boiseries dorées du sculpteur Jacques Sarrazin.
Les Règlemens de la Loge et Société Olympique (1787) nous révèlent que les sept administrateurs réorganisèrent la Société au cours de l’année 1784, afin de lui adjoindre un club semblable à ceux qui, suivant la mode anglaise, se multipliaient dans les galeries du Palais-Royal récemment construites par le duc de Chartres autour des jardins. Dès le 1er janvier 1785 les deux étages au-dessus des arcades 63 à 67 furent loués par la Société. Elles étaient situées précisément entre le café de Foix et le théâtre de Beaujolais, plus tard Montansier. Le club ou Sallon Olympique se trouvait au 1er étage.
La Société se composait de trois classes : les Administrateurs dont le nombre fut élargi jusqu’à une trentaine, les Souscripteurs (les abonnés) et enfin un comité d’experts de vingt-quatre associés libres, recrutés parmi les personnalités artistiques et élus chaque année par le conseil d’administration. Ils jouissaient gratuitement des mêmes avantages que les Souscripteurs : accès au club, aux douze concerts, aux bals et aux fêtes. Les peintres Hubert Robert et Joseph Vernet, les compositeurs André Danican Philidor, Giuseppe Maria Cambini et Nicolas Méhul en firent partie. Les musiciens professionnels membres de l’orchestre, n’appartenant à aucune de ces classes, étaient appointés par la Société.
Après le départ du Concert Spirituel de la Salle-des-Cent-Suisses du Palais des Tuileries, événement que l’orchestre souligna avec humour, en exécutant à la fin de son dernier concert dans les lieux, le 13 avril 1784, la Symphonie où l’on s’en va de J. Haydn, la Société Olympique obtint de l’administration des bâtiments du roi l’autorisation d’y donner ses concerts. Elle put décorer à son goût cette salle immense et haute de plafond, occupant les deux premiers étages du Pavillon de l’Horloge, une fois ôtés les aménagements —amovibles— du Concert Spirituel. Dans son Voyageur de Paris, édité en 1788, Thierry la décrit ainsi : « une estrade élevée au devant de la cheminée, y sert pour l'orchestre. Les embrasures des croisées bouchées de droite & de gauche dans cette partie, sont décorées de toiles peintes où sont représentées des lyres d'or rayonnantes de lumière & couronnées de roses : elles sont posées sur des fûts de colonnes tronquées et dorées, enlacées de fleurs & de branches de laurier ».
Le premier Concert dans ce lieu prestigieux fut donné le Mercredi 11 Janvier 1786. C’est durant cette année et la suivante que furent exécutées en avant-premières les six symphonies parisiennes commandées à J. Haydn par le comte d’Ogny, alors commissaire pour la musique, marquant une sorte d’apothéose dont le souvenir restera longtemps presque la seule trace du Concert de la Loge Olympique. J. de Norvins décrit ainsi ces brillants concerts1 : « l’orchestre était dirigé par le fameux Viotti. […] Bel orchestre vraiment, dont une partie y paraissait en habit brodé, en manchettes à dentelles, l’épée au côté et le chapeau à plumet sur les banquettes ». Quant à « l’assemblée, dans l'attente où elle pouvait être que la Reine, les princes et les princesses vinssent assister au concert, [elle était] dans la toilette la plus brillante et la plus recherchée » ; « une lyre d'argent sur un fond bleu de ciel était la décoration obligée pour entrer au concert ». Jusqu’à la Révolution, les commandes d’œuvres se poursuivirent par l’intermédiaire du comte d’Ogny, venant grossir un fonds considérable initialement constitué de « la précieuse collection de Musique que MM. les Amateurs avaient formée » (Almanach Musical pour l’année 1782).
« Ce concert n’a été interrompu que par les circonstances tumultueuses de 1789 » affirme le Dictionnaire historique des musiciens de Al. Choron & F. Fayolle, en 1810, en janvier 1790 précisément. C’est bien d’interruption qu’il s’agit, mais nous n’en dirons pas davantage pour le moment. La fabuleuse bibliothèque de musique de la Société Olympique devint alors la propriété du comte d’Ogny mais un an plus tard, après son décès, elle fut dispersée en vente publique à l’Hôtel des Postes, une perte irrémédiable car il n’en subsiste que deux catalogues et huit des manuscrits autographes des neuf symphonies de Haydn dites de la Loge Olympique.
D.P.