Miscellanea Macionica : Benjamin Franklin fut-il un Franc-Maçon d’exception?
8 décembre 1730 – Lu dans la Pennsylvania Gazette de Philadelphie : « Comme il existe plusieurs loges de Francs-Maçons établies dans cette Province, et que les gens ont été ces derniers temps intrigués par les conjectures les concernant, nous pensons que l’article suivant sur la Franc-Maçonnerie, [qui nous est] parvenu de Londres, ne paraîtra pas incongru à nos lecteurs… » L’éditeur-imprimeur du journal est un certain Benjamin Franklin, âgé d’à peine vingt-cinq ans.
24 juin 1731 – Première date de réunion maçonnique à la Tun Tavern (taverne du Tonneau) de Philadelphie, relevée dans un manuscrit dit Libr B. – qui indique que le frère Benjamin Franklin est redevable de ses cotisations.
24 juin 1732 – La Pennsylvania Gazette rapporte qu’une assemblée de grande loge s’est tenue à la Tun Tavern. William Allen y a été nommé grand maître provincial. Celui-ci a désigné William Pringle comme député [adjoint], et les frères Thomas Boude et Benjamin Franklin pour surveillants.
27 juin 1734 – On apprend, à la lecture de la Pennsylvania Gazette, qu’une assemblée de la Grande Loge provinciale de l’Ancienne et Honorable Société des Maçons libres et acceptés s’est tenue la semaine précédente à la Tun Tavern. Le frère Benjamin Franklin y a été élu grand maître. Ainsi, en moins de quatre années, et en seulement quelques lignes peut-on présenter l’entrée en Franc-Maçonnerie d’un jeune résident de la colonie britannique de Pennsylvanie, appelé à devenir l’un des pères de l’indépendance américaine.
Deux dates importantes restent à citer pour ce qui concerne la longue vie maçonnique de l’intéressé :
7 avril 1778 – Initiation de François Marie Arouet, dit Voltaire, à la Loge des Neuf Soeurs, que dirige l’astronome Jérôme Lalande. Parmi les assistants figure le frère Benjamin Franklin, ambassadeur des États-Unis d’Amérique. En raison de son grand âge (84 ans), le récipiendaire est dispensé des épreuves d’initiation.
22 mai 1779 – La Loge des Neuf Sœurs procède au renouvellement de son collège des officiers. Le nouveau vénérable maître n’est autre que Benjamin Franklin – qui tiendra le maillet jusqu’en 1781. Les Neuf Sœurs comptent 144 membres.
Si la vie maçonnique de Benjamin Franklin a été particulièrement riche en événements, sa vie profane n’a pas été non plus, semble-t-il, un long fleuve tranquille ; loin s’en faut. Né à Boston, d’un marchand de suif et de chandelles, il a été apprenti puis compagnon imprimeur avant de posséder à Philadelphie sa propre entreprise et de devenir éditeur de journal. Sa fortune fut alors acquise dans l’édition de livres, et plus particulièrement d’un almanach annuel dit du Bonhomme Richard. On doit notamment à Benjamin Franklin d’avoir imprimé la première édition américaine des Constitutions d’Anderson, en 1734 Son goût pour la littérature, le porta aussi à constituer un salon de lecture, appelé à devenir la première bibliothèque publique des colonies américaines.
Benjamin Franklin dut à sa renommée d’homme intègre et responsable d’être nommé membre de l’assemblée générale de Pennsylvanie, puis directeur des postes de la province ; son action politique ou administrative allant de pair avec des expériences scientifiques personnelles sur l’électricité qui devaient le mener à l’invention du paratonnerre en 1752. L’année suivante, il devenait directeur général des postes d’Amérique. En 1755, il intervenait, en qualité d’ingénieur et de colonel, dans la lutte armée menée contre les indiens ; l’année suivante encore, il devenait membre de la Royal Society de Londres.
En 1763, Benjamin partit en Angleterre y défendre les intérêts des colonies américaines et faire revenir le gouvernement britannique sur certaines de ses décisions prises à l’encontre des colons. Il devait rester à Londres plus de dix ans, avant de revenir sur le sol américain, alors en proie aux troubles de l’indépendance. Il fut alors, en tant qu’élu du congrès, l’un des cinq membres de la commission chargée de rédiger le texte de la Déclaration d’Indépendance (1776).
Devait suivre un autre séjour en Europe, Benjamin Franklin résidant en France de 1776 à 1785 comme représentant des jeunes États-Unis à la cour de Versailles, ayant pour mission d’obtenir l’aide financière et militaire du roi Louis XVI. C’est à Benjamin Franklin qu’il appartint de négocier et de signer le Traité de Paris (1783), garantissant l’indépendance américaine, comme il devait lui revenir peu après de participer à la rédaction de la Constitution des États-Unis d’Amérique (1786). Avant d’accéder enfin à la présidence de l’état de Pennsylvanie.
Philanthrope tout au long de son existence, inventeur d’un poêle à bois ou des lunettes à double foyer qu’il refusa de breveter, Benjamin laissa à sa mort un long testament destiné à la répartition de ses biens immobiliers et mobiliers, dont deux legs de 1 000 livres chacun aux villes de Boston et de Philadelphie (pour l’attribution de prêts aux jeunes artisans) dont il calcula qu’ils devraient constituer un capital supérieur à cent trente mille livres au bout d’un siècle. A son ami George Washington, il légua sa canne de pommier sauvage. Apprenant sa mort, l’assemblée constituante décréta, en France, trois jours de deuil national.
Nous aurions pu parler encore de la libération des esclaves de Benjamin Franklin, de ses études sur la démographie et les courants marins ; de son harmonica de verre ; de sa création des premières compagnies de sapeurs pompiers d’Amérique ; voire de son séjour en Suède en 1782. Mais cela nous aurait certainement entraîné trop loin.
• Pour plus d’information : Les livres d’histoire, ainsi que La Science du Bonhomme Richard (Paul Jouhanneaud, 1884).
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