Miscellanea Macionica : As-tu vu l’Étoile flamboyante ?
Voici la question 109 de la Série« MISCELLANEA MACIONICA » (Miscellanées Maçonniques) tenue par Guy Chassagnard, ancien journaliste professionnel qui, parvenu à l’âge de la retraite, a cessé de traiter l’actualité quotidienne, pour s’adonner à l’étude de la Franc-Maçonnerie et de son histoire.
Miscellanea Macionica : As-tu vu l’Étoile flamboyante ?
– As-tu vu l’Étoile flamboyante ?
– Quelle étoile flamboyante ?… De quel astre veux-tu parler ?… Explique-toi, et je te répondrai.
– Non, il est inutile que je m’explique davantage. Ce que tu viens de me dire prouve que tu n’as pas vu l’Étoile flamboyante. Tu n’as rien vu, mon cher ; tu n’es qu’un Apprenti !
Tel est le dialogue qui peut s’établir entre deux Frères Trois-Points, l’un modeste Apprenti, l’autre tout fier d’avoir été reçu Compagnon. Je vous certifie qu’il y a de quoi être fier. C’est en effet lorsqu’un Apprenti-Maçon a l’insigne honneur de passer Compagnon qu’on lui fait voir l’Étoile flamboyante. On paie en général cinquante centimes, dans les foires, pour admirer une femme colosse, la “Vénus auvergnate” ou la “Sémiramis des Alpes”, pesant en moyenne deux cents kilog. Dans la Franc-Maçonnerie, la somme à payer pour pouvoir contempler l’Étoile flamboyante varie entre quarante et soixante francs, suivant les Loges.
On le voit, la différence de prix entre les exhibitions foraines et les exhibitions maçonniques est sensible ; mais aussi la contemplation de l’Étoile est autrement sublime que la vue de la “Vénus auvergnate” ou celle de la “Sémiramis des Alpes”.
C’est pourquoi, tandis que dans les baraques de la foire on ne paie qu’en sortant et si l’on est satisfait, dans les Loges de la Franc-Maçonnerie on paie avant d’entrer, tant il est sûr et certain que l’initié ne regrettera pas son argent. Or donc, je vais vous raconter comment un Frère Trois-Points acquiert le droit de pouvoir dire avec orgueil :
– J’ai vu l’Étoile flamboyante !
Nous sommes en 1886. Léo Taxil – alias Marie Joseph Gabriel Antoine Jogand-Pagès (1854-1907) – publie en quatre volumes et près de 1 750 pages, ses Révélations complètes sur la Franc-Maçonnerie, consacrées aux « Frères Trois-Points », aux rituels maçonniques, au Grand-Architecte et aux Sœurs maçonnes. S’ajoutent à cela des considérations sur le rôle politique et social de la « Secte », les mécanismes de l’organisation maçonnique, l’énumération des loges et des « arrière-loges », enfin les noms de tous les vénérables maîtres français. Suivront bientôt d’autres ouvrages portant sur le Vatican et les francs-maçons, les assassinats maçonniques, sans oublier le Diable au XIXe siècle.
Par la publication de ses nouveaux écrits, Léo Taxil n’entend pas révéler seulement quelques secrets et symboles tirés des rituels maçonniques, mais « arracher tous ses masques à une secte trop fameuse par ses crimes politiques et autres, fondée pour combattre l’Église catholique romaine ». On notera à ce propos que l’auteur vient, en moins de quinze ans, de faire paraître plus d’une quinzaine d’œuvres dont certaines aux titres plus que significatifs : A bas la calotte (1879), Les amours secrètes de Pie IX (1881), Un pape femelle (1882), Les maîtresses du pape (1884).
Ces révélations, dont l’importance n’échappera à personne, écrit Léo Taxil à l’intention de son Lecteur, sont avant tout une œuvre de défense religieuse et sociale. Aux milices infernales, se ruant avec fureur à l’assaut de la religion et de la société, il importe d’opposer une résistance des plus énergiques. Or pour vaincre les mystérieux soldats de l’ombre, il n’est pas de meilleure tactique que celle-ci : faire la lumière. Démasquer la Franc-Maçonnerie, c’est lui ôter une grande partie de sa force, c’est soustraire le peuple à son pouvoir occulte.
Léo Taxil s’efforce donc de tout dire, après avoir confessé son appartenance passée à l’Ordre maçonnique et ses démêlés avec le Grand Orient de France. Rien n’est oublié : les règlements généraux des obédiences, les rituels du Rite écossais ancien et accepté, les pratiques maçonniques et profanes des francs-maçons, le culte du Grand Architecte, les noms des dirigeants de toutes les grandes loges du monde – qui réunissent, dans 17 016 loges, quelque 1 060 095 maçons. La conclusion de Léo Taxil est sans appel ; pour lui :
La Franc-Maçonnerie est la plus formidable organisation qui existe contre l’Église de Dieu.
Elle n’a ses Loges que dans les pays chrétiens : chez les peuples protestants, elle pousse ses membres hérétiques au paroxysme de la haine contre le catholicisme et les maintient sans cesse dans les dispositions les plus agressives ; au sein des populations catholiques, elle est carrément impie et satanique à la dernière expression. Partout, elle trompe et exploite le peuple…
D’où cet appel solennel, lancé dans les premières pages du Culte du Grand Architecte : « Opposons-nous donc, chrétiens, aux rages et aux soulèvements de l’enfer ; rangeons-nous sous le drapeau de l’archange saint Michel, combattons pour Dieu, luttons de toutes nos forces ; nous vaincrons ! » – Léo Taxil oubliant, c’est évident, qu’il pourfendait précédemment le pape, la chrétienté et les tous les croyants…
Nota – L’Étoile flamboyante est le symbole maçonnique majeur du grade de Compagnon ; il oriente le franc-maçon dans sa marche vers l’idéal initiatique.
- Voir : Révélations complètes sur la Franc-Maçonnerie (Léo Taxil, 1886).
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