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Miscellanea Macionica : A-t-il jamais existé une Charte d York?

Miscellanea Macionica :  A-t-il jamais existé une Charte d’York?

Voici la question 71 de la Série« MISCELLANEA MACIONICA »  (Miscellanées Maçonniques) tenue par Guy Chassagnard, ancien journaliste professionnel qui, parvenu à l’âge de la retraite, a cessé de traiter l’actualité quotidienne, pour s’adonner à l’étude de la Franc-Maçonnerie et de son histoire.

Miscellanea Macionica :  A-t-il jamais existé une Charte d’York?

Pour assurer « l’instruction future des candidats et des jeunes frères », James Anderson s’est plu à relater, dans ses Constitutions de 1723, « une chronique des Francs-Maçons, écrite sous le règne du roi Édouard IV » dont on retiendra les lignes suivantes :

Bien que les archives anciennes de la Fraternité, en Angleterre, aient été en grande partie détruites ou perdues durant les guerres avec les saxons et les danois, le roi Athelstan (petit-fils du roi Alfred le Grand, architecte renommé), premier roi sacré en Angleterre, et traducteur de la sainte Bible en saxon, fit construire beaucoup de monuments importants et apporta son soutien à de nombreux maçons venus de France qui, nommés Surveillants, amenaient avec eux les obligations et les règlements des Loges, conservés depuis l’époque romaine.

Ceux-ci décidèrent le roi à réviser la Cons­titution des Loges anglaises, suivant ce modèle venu de l’étranger, et à augmenter le salaire des Maçons opératifs.

Le plus jeune fils du roi [en réalité son demi-frère], le prince Edwin, apprit la Maçonnerie et assuma les obligations de Maître Maçon, par amour pour ce métier et les principes respectables sur lesquels il était fondé. Il sollicita du roi Athelstan, son père, une charte autorisant les Maçons à avoir le droit de punition (comme on disait dans le temps), ou le droit de s’administrer, d’amé­liorer ce qui n’allait pas, et de tenir une assemblée annuelle. 

En conséquence, le prince Edwin invita tous les Maçons du royaume à se joindre à lui pour tenir une assemblée, à York. Ils y vinrent et formèrent une Grande Loge dont il fut le Grand Maître ; ils avaient apporté avec eux tous les écrits et les archives qui existaient (certains en grec, d’autres en latin, en français, ou en d’autres lan­gues).

L’assemblée utilisa ces documents pour établir la Constitution et les Obligations d’une Loge anglaise, édicta une loi pour que cette Constitution fût toujours respectée, et ordonna que les Maçons opératifs fussent pourvus d’un bon salaire, etc.

Des Anciens Devoirs anglais qui les avaient élaborées, et des Constitutions d’Anderson qui les officialisèrent furent ainsi établies dans l’Histoire maçonnique universelle la Légende d’Athelstan et la trop célèbre Charte d’York de 926. Bon nombre d’historiens, du XIXe siècle notamment, ont sérieusement traité de ces sujets sans jamais les remettre en doute ; mais aussi sans pouvoir avancer la moindre preuve concernant leur authenticité. Emmanuel Rebold, auteur d’une Histoire générale de la Franc-Maçonnerie, parue en 1851, n’a pas été le premier, ni le dernier, à mélanger allègrement des informations, incontrôlables ou incontrôlées, issues des textes maçonniques anciens, des Constitutions d’Anderson déjà citées, de prétendus manuscrits dits Manuscrits d’York recensés dans les archives de la Grande Loge de toute l’Angleterre – un temps rivale de la Grande Loge d’Angleterre –, voire des Ordonnances du chapitre de la cathédrale d’York promulguées en 1370…

Si la ville d’York a bien été le cadre, en l’an 306, de la proclamation de Flavius Constantinus (272-337) comme 34e empereur romain, le lieu de naissance, en 735, d’Alcuin d’York, érudit, poète et conseiller de Charlemagne ; si elle a vu l’érection en ses murs, dès 1080, d’une cathédrale appelée à devenir le siège du second épiscopat d’Angleterre ; si elle a été conquise sur les rois de Northumbria, en… 927, par un autre souverain nommé Athelstan (c.893-939) ; elle n’en a pas pour autant été, dans l’absolu, témoin de l’implantation officielle de la Maçonnerie opérative en terre britannique.

La Charte d’York est donc, à en point douter, apocryphe – à ceci près que jamais personne n’est parvenue à ce jour a en révéler le contenu…

  • Voir : Histoire générale de la Franc-Maçonnerie (Emmanuel Rebold, 1851). Les Anciens Devoirs (Guy Chassagnard, Éditions Pascal Galodé, 2014).

 

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