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Michel Maffesoli : la franc-maçonnerie peut remédier à la crise morale

L’émission  « Divers aspects de la pensée contemporaine » avec Jean-Michel Dardour recevait le dimanche 20 avril 2014, Michel Maffesoli, professeur à la Sorbonne, membre de l’Institut Universitaire de France et théoricien de la post-modernité, à l’occasion de la publication de son dernier ouvrage coécrit avec Hélène Strohl : Les nouveaux bien-pensants, aux Editions du Moment.

Au fil d’un passionnant entretien, Michel Maffesoli a expliqué pourquoi il est temps, pour nos élites, ceux qui détiennent le pouvoir, de renouveler leurs schémas de pensée et de voir la société telle qu’elle est. Il est nécessaire de mettre des mots pertinents à tous nos maux afin de redéfinir les règles du bien-vivre ensemble et ne pas laisser la place à la montée de la haine, de la xénophobie, etc., comme c’est malheureusement le cas actuellement.

Souvent invité par les francs-maçons à participer à leurs réflexions, Michel Maffesoli a précisé en quoi la franc-maçonnerie peut remédier à la crise morale représentée par les nouveaux « bien-pensants ».

Description de l’ouvrage

Avant d’être économique, la crise actuelle est morale. Aujourd’hui, les élites – ceux qui ont le pouvoir de faire et de dire – semblent de plus en plus déconnectées de la vie de tous les jours. Le bavardage des journalistes, politiques, hauts fonctionnaires et « experts » n’intéresse plus grand monde. La dévaluation de la parole publique est inquiétante, car c’est elle qui suscite l’émergence des discours démagogiques, ceux des extrêmes, gauche ou droite. À partir de quelques exemples précis et emblématiques (Attali, Minc, Badiou, Plénel…), il s’agit d’analyser et de dénoncer les racines du conformisme propre au dangereux « entre-soi » caractérisant la pensée « officielle ». Il faut chercher les sources de ce décalage et montrer en quoi les « nouveaux bien-pensants », dont le moralisme conforte le politiquement ou le théoriquement « correct », suscitent les multiples incivilités sociales. Un pamphlet virulent et acerbe.

Extrait

LE CONFORMISME LOGIQUE  : «Au fond toute ma philosophie revient, comme toute philosophie vraie, à justifier, à reconstruire ce qui est.» Marcel Proust,  Contre Sainte-Beuve, O.C. tome IV.

Ça bavarde on ne peut plus ! Ce qui n’est pas sans conséquences sur la dévaluation de la parole publique. Car le bon sens populaire comprend, intuitivement, que celle-ci est, essentiellement, un mélange de mensonges et d’hypocrisie. Parole n’ayant, d’ailleurs, de publique que le nom, puisqu’elle est avant tout l’expression d’un entre-soi. D’où le mépris, de plus en plus affiché, vis-à-vis de ceux qui en sont les porteurs. Car l’on pressent bien que cette intelligentsia : ceux qui ont le pouvoir de dire, le pouvoir de faire, joue aux pompiers pyromanes. La fausseté qui est son fond de commerce légitimant, inconsciemment, les multiples incivilités sociales qu’elle ne manque pas de dénoncer à grands cris. Pour le dire encore plus nettement : les multiples mensonges des racailles des beaux quartiers sont la cause, souterraine, de la délinquance des cailleras de banlieue !
Il suffit, donc, d’écrire pour ceux qui comprennent à demi-mot. Autrement dit : ne pas démontrer, mais montrer. Quitte à monstrer ce qui peut faire peur, parce que l’on se doit de le faire. Avoir le courage de montrer, à l’instar du videoclip Collège Boy d’Indochine, des phénomènes sociaux qu’il ne sert à rien de dénier, et dont parfois nous sommes les responsables inconscients. N’est-ce point la même chose que nous propose David Bowie avec son clip The Next Dayï La violence monstrée permet une catharsis collective, et ainsi en limite les effets pervers. Voilà qui doit inciter à penser sans égard aux préjugés de quelque ordre qu’ils soient. S’amuser à déchirer le voile de Maya. Celui de l’illusion propre au conformisme des idées reçues. Seule attitude capable d’interrompre la somnolente routine philosophique de la pensée établie. Seule attitude favorisant cette «émeute des mots et des idées» accompagnant l’effervescence de la vie vécue. Seule attitude, enfin, permettant d’entendre le cri que lance la société officieuse à une société officielle bien mal en point. Cri de révolte contre ce qui meurt trop lentement, et contre ces morts-vivants encombrant les chemins de la vie !
Ceux-ci forment une caste pétrie de suffisance, mais surtout autiste. Et qui, de ce fait, oublie le reste du monde; le vrai monde. Car l’arrière-garde moderniste (quand on dit moderne il faut penser : déphasé) joue les chiens de garde d’une Vérité dogmatique. Obnubilés, sans le savoir (c’est bien cela l’obsession), par les fausses espérances marxistes dont le siècle dernier nous a montré les désastreuses conséquences. Ce que l’on va rencontrer dans les analyses controuvées d’un Bourdieu, ou chez les innombrables sectateurs bourdivins, masquant leur simplisme dignes du café du commerce sous un ramas théorique propre à tous les byzantinismes méprisants vis-à-vis de la pensée de la place publique. En la matière, leur patois continue à radoter sur le tout économique ou le tout politique. Oubliant que tout, justement, commence par des idées s’enracinant dans la mystique populaire.

Un mot de l’auteur

En 1988, j’ai publié Le Temps des tribus. J’ai rendu attentif ensuite au nomadisme, à l’importance du quotidien, de l’imaginaire et des émotions communes. Tout ce qui constitue le vivre ensemble de la société postmoderne.
Dans Les Nouveaux Bien-pensants, (ouvrage dont Hélène Strohl, ancienne inspectrice générale des affaires sociales, a rédigé le chapitre sur les «fonctionnaires hauts») je m’attaque, sous forme polémique, à tous ceux qui ont le pouvoir de dire et de faire, les hommes politiques, les journalistes, les universitaires, les hauts fonctionnaires, ceux qui se cramponnent à leur pouvoir et à un modèle et des valeurs dépassés.
Au risque sinon, que dans cette fracture entre les élites et le peuple, s’amplifient les discours de haine et de xénophobie.
A.S.: