Voltaire (François Marie Arouet, ditV.) 1694-1778 : Voltaire n’intervient dans l’histoire de la Maçonnerie que par son initiation (7 avril 1778), soit un peu moins de deux mois avant sa mort (30 mai) et à posteriori par la tenue funèbre du 28 novembre qui déclencha l’ire du Grand Orient contre la loge des neufs-Soeurs;
Voltaire a t il été franc-maçon avec 1778 ? Bachaumont l’affirme, mais Wagnières, maçon lui-même, le nie. Cependant deux thèses sont en présence à propos de son initiation : pour les uns, il aurait vu la lumière en Angleterre durant son exil; pour les autres c’est à la fin donc de sa vie qu’il aurait été initié comme en témoigne l’extrait de la planche à tracer de la respectable loge Les Neufs Soeurs à l’orient de Paris, le septième jour du deuxième mois de l’an de la vraie lumière 5778 (7 avril 1778), publié dans la Correspondance Littéraire de Mesiter.
Parmi les auteurs postérieurs, Amiable semble le croire, J. Brengues est plus affirmatif, tandis que l’historien belge Lemaire le nie. On peut s’appuyer sur le fait que l’impétrant n’eut les yeux bandés lors de son entrée dans le Temple, ce qui prouverait stricto sensu qu’il avait déjà reçu la « Lumière« . mais on sait qu’à la demande de Cordier de Saint Firmin, et vu le grand âge du candidat, la loge avait décidé de le dispenser de la plus grande partie des épreuves. On lui remit le tablier qui avait appartenu au philosphe Helvétius, l’un des créateurs de la loge.
A l’inverse, on peut citer de nombreux textes dans lesquels le philosophe ne donne pas l’impression d’avoir beaucoup d’estime pour l’Ordre, notamment l’article « Initiation » du Dictionnaire philosophique.Il y dénonce, aoutre sa « bizarrerie » et ses cérémonies « extravagantes », l’esprit de parti d’une association qu’il compare aux sectes religieuses.
D’autre part, il n’existe aucune preuve d’une réception quelconque qui eût pu avoir lieu en Angleterre ou, plutôt en Prusse, dans l’entourage du Grand Frédéric qui « maçonnait » volontiers.
Il nous semble donc prudent de dire qu’une initiation antérieure de Voltaire n’est nullement invraisemblable, mais qu’il faut bien reconnaître que nous n’en possédons pas l’ombre d’une preuve.
Reste à savoir pourquoi Voltaire a accepté qu’on le reçoive aux Neuf Soeurs. Nous en sommes réduits aux conjectures. Ses adversaires ont mis en avant sa vanité. Mais au-delà de cet argument psychologique, on peut penser que Voltaire ne fut pas insensible à la fraternelle pression du marquis de Vilette, de Lalande et de Cordier de saint-Firmin qui l’invitaient à rejoindre une loge qui rassemblait toute l’intelligentsia du moment. Quoiqu’il en soit de ses raisons, Voltaire est l’indice le plus clair de la transformation de la maçonnerie des Lumières qui, tournant le dos aux « augustes fadaises » naguère dénoncées par Helvétius – qui était à l’origine de la loge -, se faisait voltairienne en reprenant à son compte les combats du patriarche. Une maçonnerie engagée dans les affaires de la cité était en train de naître.
Ce n’est pas Voltaire qui est devenu maçon en 1778, c’est la maçonnerie qui est devenue voltairienne. Il est certain qu’il n’y eut aucune initiation « préalable » à Londres, ni ailleurs. Ce sont son beau-fils et la vanité qui l’ont entraîné dans cette aventure burlesque, qui précède de peu sa confession entre les mains d’un prêtre. Pour un ensemble de détails documentés et complets, lire : » Voltaire et la franc-maçonnerie sous l’éclairage des rituels du temps », aux éditions Télètes, Paris, 2012, par Jean van Win.
Voltaire fut toute sa vie un « maçon sans tablier » comme on le dirait aujourd’hui, c’est-à-dire un homme qui pratique les vertus de la FM sans appartenir à une loge régulière.
Les choses apparaissent clairement quand on veut bien retirer le bandeau que la théorie de la transition met sur l’histoire de la FM au 18ème siècle.
Voltaire était à Londres en avril 1727pour les obsèques de Newton: il en dira: » Descartes, s’il était mort en France, n’aurait pas été enterré à St Denis » Il y a certainement rencontré Desaguliers. Il sera un propagandiste déterminé des idées philosophiques du grand savant, dont on connaît l’influence qu’il eut sur la fondation de la Grande Loge de Londres à travers la Royal Society. Sa maîtresse, Emilie du Chatelet, une des femmes les plus remarquables de son époque, traduisit en Français les « principia mathématica ».
Si la Grande loge de Londres fut dès le départ un projet politique destiné à soutenir la monarchie parlementaire ou constitutionnelle, en diffusant le théisme expérimental et la religion naturelle qui en sont les bases philosophiques, la FM en France se divisa entre son courant jacobite avec Wharton et Derventwater et le courant « moderne » (avant la lettre) que Desaguliers et Montesquieu essayèrent d’introduire « Le louis d’argent ». Cette querelle des « anciens et des modernes » française dans laquelle la FM ancienne tint le haut du pavé sous la grande maîtrise de Clermont en créant une multitude de « hauts grades » templiers prit fin, à l’inverse de ce qui se passera en Angleterre, par la consécration des « modernes » en 1773 à travers de la création du GODF, qui, grâce au futur Philippe-Egalité, donnera la victoire aux « lacorniens » roturiers partisans de l’élection démocratique des Vénérables, contre les maîtres de loges à vie, possesseurs selon, les coutumes de l’ancien régime, de leur charge.
La loge des 9 sœurs est justement calquée sur le modèle les doges anglaises « modernes », rationalistes et scientifiques. L’initiation de voltaire est donc bien le témoin que la FM du GODF était devenue « voltairienne » et ne pratiquait plus les « fadaises » superstitieuses qu’il n’avait cessé de dénoncer. » On raconte qu’ils (Voltaire et Emilie du Chatelet) étaient tous les 2 couchés en train de hurler de rire en commentant les absurdités de la Bible » Elisabeth Badinter.