Cette fraternité est intimement liée aux mystères de l’initiation partagée. C’est pour cela qu’elle est à peu près incompréhensible au commun des profanes. De l’incompréhension à l’hostilité, il n’y a parfois qu’un pas, aisément franchi. La fraternité universelle professée par les francs-maçons est dénoncée dans les discours antimaçonniques comme un crime d’indifférenciation. Elle nie les identités réligieuses, confessionnelles, linguistiques, politiques et sociales, les sexes, en faisant de tous les initiés des semblables.
Elle crée le chaos. On saisit clairement la confusion entre fraternité et égalité. Certains discours peuvent d’ailleurs semer le doute dès lors que l’on se méprend sur le sens de l’égalité entre frères. Ainsi, lit-on dans le « Secret des francs-Maçons » de Joseph Uriot : « Lorsque nous sommes rassemblés, nous devenons tous frères, le reste de l’univers nous est étranger, le prince et le sujet, le gentilhomme et l’artisan, le riche et le pauvre y sont confondus, rien ne les distingue, rien ne les sépare, la vertu les rends égaux« .
La fraternité est fréquemment circonscrite à la sphère maçonnique, puisqu’elle tient fondamentalement à l’initiation. Si tous les hommes sont des frères, l’initiation sépare le franc-maçon du profane. Dès lors la fraternité et la solidarité que tout frère éprouve en tant qu’homme pour ses semblables prennent la forme de la bienfaisance, pierre angulaire du discours des Lumières, profanes et maçonniques.
La pratique de la bienfaisance au profit des profanes en détresse est en effet une composante essentielle de la sociabilité maçonnique – elle s’exerce d’ailleurs également au profit des francs-maçons nécessiteux.
Avec la philanthropie, les francs-maçons entrent en politique, au sens où ils transgressent le dogme de leur non intervention ès qualités dans la sphère profane. Une prise de conscience s’opère. la fraternité a désormais vocation à être universelle, à englober l’humanité dans sa totalité, et la fraternité proprement maçonnique née de l’initiation à vocation à faire de tout être humain , initié en puissance, un frère.
Cet éveil à la philanthropie est d’ailleurs associé à l’émergence d’un universalisme maçonnique militant, qui se démarque du cosmopolisme du XVIII° siècle, politiquement neutre, pour afficher sa sensibilité à l’éveil des nationalités, et exprimer sa solidarité active aux peuples en lutte.
Il s’agit donc d’une véritable rupture, à l’origine de la plupart des incompréhensions entre les obédiences dites latines qui ont procédé à cette transformation, et les obédiences soit disant régulières qui priviligient encore une fraternité confinée à la sphère maçonnique et une charité à destination des profanes nécessiteux.
Source : Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie