Sont regroupés, en une seule étude, les Loges de saint Jean et les deux saints Jean, à l’appui de diverses sources, dont le premier rang revient naturellement aux Rituels qui constituent notre base de référence, précision étant faite qu’au Rite Ecossais Primitif l’emploi de l’expression ‘‘Loge bleue’’ n’a pas court.
(document déposé sur le site du Rite Ecossais Primitif en décembre 2013)
Les Rituels du Rite Ecossais Primitif
- dès le premier Grade des Loges symboliques pour les Travaux au signe d’Apprenti (et au REP bien sûr), on trouve saint Jean l’Evangéliste avec l’ouverture de la Bible à son Prologue (cf. notre volet ‘‘Morceaux de textes choisis’’, Pourquoi ouvrir les Travaux au Prologue de l’évangile de Jean ?) ;
- cette citation est confirmée par la lecture de l’instruction dialoguée du premier Grade qui renvoie à la concomitance des Ténèbres et de la Lumière qui se trouvent en opposition et telles que rappelées dans le Prologue de Jean, qui fait son entrée dans le Rituel dès l’ouverture des Travaux.
Le nouvel Initié n’est pas en effet à la recherche de la Vérité dont il n’a pas encore pris conscience, mais seulement préoccupé de sortir de l’obscurité pour mieux saisir la Lumière. Ainsi aux questions : ‘‘Depuis quand êtes-vous Mac:. ? ’’ la réponse donnée est ‘‘Depuis que j’ai reçu la Lumière’’ et à celle : ‘‘Pourquoi vous êtes-vous fait recevoir F:. Mac:. ?’’, l’Apprenti répond ‘‘Parce que j’étais dans les Ténèbres, et que j’ai désiré la Lumière’’ ; - toujours dans le corps des instructions du premier Grade, à la question ‘‘Comment s’appelle votre Loge ?’’, la réponse qui s’impose est : ‘‘La Loge de saint Jean’’ ;
- le quatrième Grade –dit Maître de Loge ou Maître Installé (en certains Rites, il est dit « Installé dans la Chaire du Roi Salomon »)– est celui qui constitue le Maître élu à la charge de Vénérable. Au REP, le Premier Maillet de la Loge est aussi nommé Maître de Saint Jean. Cette appellation de Maître de Saint Jean trouve sa justification dans l’échelle des Grades de la Rituélie jacobite, car ce quatrième grade précède immédiatement le cinquième Grade de Maître Parfait Ecossais Chevalier de Saint André ;
- dès lors le quatrième grade, appelé Maître de Saint Jean, est conféré à tout Maître Installé en capacité de diriger une Loge symbolique pour des Travaux en Loge de Saint Jean, les Ateliers qui relèvent des grades supérieurs au quatrième Grade sont dits Chapitres ou Loges chapitrales de saint André (un autre saint, mais patron de l’Ecosse).
Enfin, l’énoncé de notre appartenance clairement exposée : à la question ‘‘D’où venez-vous ?’’ posée au Maçon en Voyage, interrogé par le Tuileur avant son entrée dans le Temple, il donne la réponse : ‘‘D’une loge de Saint Jean’’.
Les aspects et distinctions qui différencient les Rites
L’assertion de Loges dites rouges se situe dans une distinction des Loges bleues aux trois premiers grades (ou degrés) en d’autres Rites, par l’adoption de la couleur rouge dans l’ornementation de la Loge (tentures, bougies) – ainsi que l’explique très justement Irène Mainguy dans son ouvrage »La symbolique maçonnique du IIIe millénaire » et du rouge PONCEAU pour les décors des Maçons (Tabliers et Sautoirs). En effet, le rouge est la couleur typique de l’Ecosse et des premiers degrés (cordon bleu des Maîtres substitué au cordon rouge Steward) et la couleur du sang, principe vital, rappelée dans la hiérarchie des Grades et Degrés du Rite Ecossais Primitif. La raison essentielle qui a motivé le Grand Maître Ambelain dans le choix de cette distinction se situe d’abord au plan historique de la maçonnerie jacobite catholique, et ensuite dans la vocation de ces quatres Grades particulièrement significative dans le cheminement progressif d’acquis, notamment au quatrième Gade qui marque une forte recherche de la GNOSE avant d’entrer dans l’esprit de la Chevalerie, pour un passage entre les Ecritures vétérotestamentaires et celles néotestamentaires. Ainsi, certains autres Rites font usage de la couleur bleue dans le classement de leurs Loges qui travaillent aux trois premiers Degrés. Ces Loges sont regroupées en Loges bleues, d’où l’adoption de la couleur bleue (Bleu de France) pour leurs décors, aux lieu et place du rouge de l’Ecosse conservé par le REP.
Pour situer clairement la Franc-Maçonnerie classée bleue, et sans omettre l’appellation de Maçonnerie Adonhiramite,
dont l’adjectif tient sa source de l’hébreu « Adon » (dominus) et du nom de l’architecte, Maître Hiram, fils d’un Tyrien et d’une femme que la Bible situe dans la tribu de Nephtali, à ne pas confondre avec un autre Hiram, roi de Tyr –,
nous retrouvons une troisième expression réservée aux Loges des trois premiers Grades qualifiées le plus communément de ‘‘loges symboliques’’, lesquelles correspondent au REP aux Loges Johanniques ou Loges de Saint Jean. A cet égard, il convient de se reporter aux premières divulgations du XVIIe siècle qui soulignent l’importance donnée à Saint Jean (l’évangéliste) car ce saint fut le premier à invoquer la Lumière.
Les Tenues rituelles
- Les Obédiences ont repris le nom de Jean pour distinguer les ‘‘Tenues de Saint Jean’’ des Tenues d’Obligation et de bien d’autres Travaux. Dites aussi ‘‘Tenues solennelles’’ pour leur conférer un caractère d’exception, elles ont lieu aux deux fêtes des deux saints et correspondent aux deux solstices d’Eté et d’Hiver, selon le cycle zodiacal ascendant et descendant. En effet, si le Baptiste marque la fin de l’A.T., il est dit Précurseur et annonce l’avènement du Christ, pendant que l’Evangéliste est porteur de la Lumière par son Prologue (N.T.).
- Les Agapes qui suivent ces deux célébrations sont dénommées Banquets de la Saint Jean. La tenue d’un banquet lors des fêtes ou feux de la saint Jean est fort ancienne et date de la fondation de la Grande Loge de Londres, à la Saint Jean-Baptiste. D’après les règlements rédigés en 1720, précision était faite que :
‘‘Les Frères de toutes les Loges de Londres, de Westminster et des environs, se réuniront une fois l’an en assemblée suivie d’un banquet dans quelque endroit convenu le jour de la Saint Jean-Baptiste ou de la Saint Jean l’Evangéliste pour une Communication et une fête annuelle’’.
Parallèlement, le Pasteur Anderson décrivait dans ses Constitutions les anciens usages comme suit :
‘‘Autrefois, la Fraternité se réunissait dans les monastères par mauvais temps ; mais par beau temps, leurs membres se réunissaient tôt le matin au sommet des collines, spécialement le jour de la Saint Jean l’Evangéliste et de là, ils se rendaient en due forme au lieu du Banquet, selon la tradition des anciens maçons Ecossais, en particulier des Loges de Kilwinning, Stirling, Aberdeen, etc.’’ - Pour les Francs-Maçons d’aujourd’hui de tous horizons (y compris ceux qui ont soit abandonné la Bible ou lui ont substituée un vague V.L.S. non clairement identifié), ces cérémonies maintenues aux deux Solstices d’Eté et d’Hiver sont célébrées par les membres de la Loge qui en cette occasion invitent des membres d’autres Loges et d’autres Rites. En outre, le Banquet qui suit la cérémonie peut accueillir les Profanes et leurs conjoints non initiés réunis en une joyeuse et festive assemblée.
- Les deux Jean ont vocation à ouvrir et fermer les portes de l’année et s’identifient dans la mythologie à Janus (aux deux visages symbolisant les deux saints Jean), dieu de l’Initiation, qui possédait les clés du passé et de l’avenir.
- La Commémoration précitée se tient donc annuellement aux deux Solstices (juin et décembre) non seulement en mémoire des vieux Usages liés aux deux saints Jean pris séparément (le Baptiste et l’Evangéliste), mais pour mieux situer les Maçons dans la voie initiatique. Pour les Francs-Maçons, il s’agit de deux célébrations, l’une dédiée en l’honneur des Apprentis, Fils de la Lumière et nés à la Lumière, et l’autre dédiée aux Compagnons pour solenniser la Glorification du Travail.
L'(es) Invocation(s) à Saint Jean depuis l’origine de la Franc-Maçonnerie opérative
Outre le titre distinctif de nombreuses Loges intégrant les mots Saint Jean de Jérusalem, d’Ecosse, … , il convient de relever les mulitples invocations à saint Jean. Ainsi nous remarquons une appellation, en quelque sorte générique associée à un emprunt identitaire tel un nom d’usage, adoptée pour marquer certains événements majeurs de la Franc-Maçonnerie correspondant le plus fréquemment à une date de célébration calendaire liée aux Solstices et pour certaines d’entre elles qui acteront d’une décision commune à toutes les Formations :
- autour de l’an 1050, création de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem
- 27 décembre 1118 (à la saint Jean l’Evangéliste) sous l’invocation de saint Jean, fondation de l’Ordre religieux de la Milice des Pauvres Chevaliers du Christ connus plus tard sous le nom de Chevaliers du Temple (et non des Templiers).
- 24 juin 1314, victoire de Robert Bruce lors de la Bataille de Bannockburn
- 24 juin 1535 est la date de la Charte de Cologne qui reconnaît le patronage de Jean
- 27 décembre1561 à York, Grande Tenue Solennelle et initiatique dont le compte-rendu de séance fait état d’une référence à saint Jean
- 27 décembre 1598 et 28 décembre 1599, publication des Statuts Schaw et Ordonnances devant être observés par tous les Maîtres Maçons (cf. documents reproduits dans notre volet ‘‘Textes et Documents’’), mention doit être rendue à la Loge Mary’s Chapel qui stipule que c’est au jour de la saint Jean que la Loge doit choisir ses Surveillants
- en 1696, le manuscrit écossais des archives d’Edimbourg fait mention des ‘‘Quelques questions à propos du mot de maçon’’ qui décrit la façon de donner ce mot :
« Tout d’abord vous devez faire agenouiller la personne qui va recevoir le mot, vous lui faites prendre la Bible et, posant sa main droite dessus, vous devez l’exhorter au secret… L’Apprenti dit : Me voici, moi le plus jeune et le dernier apprenti entré, qui viens de jurer par Dieu et par Saint Jean, l’équerre et le compas ».
(Les mêmes observations sont reproduites dans les deux manuscrits ci-après cités, y compris le Chetwoode Crawley) - le Manuscrit Sloane (1700) fait état de la convocation de la première Loge dans une Sainte Chapelle de Saint Jean et le Manuscrit Dumfries (1710) précise que les maçons doivent célébrer leur union chaque année à la Saint Jean
- à la fête de la Saint Jean Baptiste, le 24 juin 1717, réunion de quatre loges londoniennes dont les membres réunis constituent la première Grande Loge
- 1723, les Constitutions de James Anderson fixent dans le calendrier maçonnique, à l’une des deux fêtes de la Saint Jean, la réunion d’élection du Grand Maître
- en 1725, la Grande Loge de Londres exclut de son calendrier la célébration de la saint Jean, marquant une volonté d’effacer tout emprunt au catholicisme des Stuarts à l’Eglise de Rome
- en 1736, le Jacobite Ramsay écrit que les Loges prirent le nom de Saint Jean en mémoire des Chevaliers des Ordres religieux précités et non des Ordres guerriers.
- les Grands Maîtres Maclean et Radclyffe approuvaient les Règles et Devoirs de l’Ordre des Francs-Maçons du Royaume de France respectivement le 27 décembre 1735 et le 27 décembre 1736
- en 1745, le règlement intérieur de la Loge Saint Jean de Jérusalem (GLDF), repris par de nombreuses, Loges stipulait :
« Le jour de la Saint Jean, la loge assistera à la messe en bouquets et gants ; après la messe on tiendra le scrutin pour l’élection du nouveau Maître…et ensuite on fera la reddition des comptes ».
Le REP est placé sous le Patronage de saint Jean
Saint Jean (l’Evangéliste) est le Patron des Confréries de bâtisseurs et des Ordres religieux et chevaleresques du Moyen-âge, et les Hospitaliers contraints à la fuite de Jérusalem prennent le nom de Chevaliers de Saint Jean d’Acre, d’où ils seront également expulsés pour se rendre à Malte et prendre pour nouveau nom celui de l’Ordre des Chevaliers de Malte. Par la suite, plusieurs divulgations, dont celle de Samuel Prichard (ou Pritchard) précise que les ‘‘Loges sont dites de saint Jean, parce que saint Jean-Baptiste, le précurseur du sauveur, traça le premier parallèle à l’Evangile’’ et celle du lieutenant de police Hérault atteste en 1737 les prestations de Serment par les Récipiendaires sur l’Evangile de saint Jean qu’ils embrassaient ensuite. Acet égard, nous rappelons que le Manuscrit des archives d’Edimbourg de 1696 cite Saint Jean dans l’énoncé du renouvellement de la prestation de Serment par le jeune Maçon lors de sa présentation à la Compagnie, au cours de laquelle il doit apprendre la manière de se mettre à l’Ordre, les postures et les mots de son entrée dans la Compagnie, dans les termes suivants :
« Me voici, le plus jeune et dernier Apprenti entré, ayant juré par DIEU et SAINT JEAN, par l’équerre et le compas et le gabarit commun, de vaquer au service de mon Maître dans l’honorable Loge, du lundi matin au samedi soir, et d’en garder les clefs, sous une peine qui ne serait pas moindre que d’avoir la langue coupée par-dessous le menton et d’être enseveli en deçà de la limite de la marée haute où nul ne le saura. »
Toutefois, la référence au Baptiste n’est pas écartée dans la désignation des Loges de Saint Jean, car ce serait en commémoration à Jean le Baptiste décapité, que nous faisons notre Signe pénal.
‘‘Les Loges de Saint Jean’’ sont placées sous le patronage des deux saints coiffés d’un troisième Jean :
- Jean-Baptiste, le prêcheur de l’amour fraternel et de l’Humanité, dit le Précurseur, celui qui initie pour une entrée, par le baptême, dans la fraternité johannique ;
- Jean l’Evangéliste, dit le disciple bien-aimé, l’apôtre, l’éveilleur à l’Esprit, au Verbe et à la Connaissance ou Jean de l’Apocalypse, le Prophète de l’Eternité qui a vocation à couronner initiation (au Baptême) et enseignement (évangélisation).
Saint Jean le Théologien appelé Jean l’Apôtre ou Jean l’Evangéliste, dit le disciple bien-aimé, pour le distinguer de Jean-Baptiste, dit le précurseur de Jésus. On lui attribue l’évangile qui porte son nom, le Quatrième Evangile, appelé aussi évangile spirituel pour le distinguer des trois autres, dits Evangiles synoptiques (de synops, mise en parallèle), trois épîtres et le Livre de l’Apocalypse, dit ‘‘Apocalypse de Jean’’ qui se présente comme Jean de Patmos. C’est le corpus johannique, dont le qualificatif accompagne bien souvent les Loges dites johanniques, ainsi que nous l’avons relevé plus haut. Son évangile est centré sur le mystère de l’incarnation du Verbe et commence par le Prologue de saint Jean, prologue vient du grec, Logos (le Verbe) et pro (préalable à la parole), ou encore le Principe, le prologue faisant office de préambule d’introduction à son évangile.
Ainsi que nos Officiers de Loge ont leur attribut figuré par le Bijou d’Office suspendu à la pointe du Cordon rouge qu’ils portent, l’attribut de chacun des quatre évangélistes sous leur forme allégorique, est représenté comme suit : l’homme pour Saint Matthieu, l’aigle pour saint Jean (sculpture ci-contre), le taureau pour saint Luc et le lion pour saint Marc, selon l’inspiration de la vision d’Ezéchiel (Ez. 1, 1-14) et de l’Apocalypse de Jean.
Nous terminons cet exposé par les références aux deux saints Jean – l’Evangéliste et le Précurseur – que nous pouvons trouver dans les Rituels de la Maçonnerie chevaleresque, à laquelle appartient le REP :
- Saint Jean-Baptiste fait partie des grands Patriarches de la Franc-Maçonnerie
- Saint Jean-Baptiste est vénéré comme le patron des Maçons, depuis la prise de Jérusalem défendue par les Chevaliers de Saint Jean
- C’est en mémoire de ces défenseurs du Temple de Salomon, qu’ils prirent le nom de Chevaliers du Temple, titre repris pour désigner le dernier Degré de la rituléie du Rite Ecossais Primitif.
Ainsi, deux de nos ancêtres Jacobites, William Schaw et le Chevalier Michel Ramsay, ont été les ardents pionniers d’une maçonnerie placée sous le patronage des deux Jean, et ont été les précurseurs de cette appellation de Loge de Saint Jean, par la référence aux Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem ci-avant rappelée. Sans conclusion, mais dans la seule acceptation d’un usage, qui plus est se trouve confirmé par Etienne Boileau, prévôt de Paris, nous retiendrons également que dès l’an 1268 « le Maître qui garde le métier doit faire jurer à l’Apprenti sur les Saints Evangiles, qu’il se conformera aux usages et coutumes du métier », sachant que l’action de ‘‘garder’’ rejoint le mot écossais ‘‘warden’’ que nous retrouvons dans les Statuts Schaw et son développement sur l’art de la mémoire, placés sous la signature de William Schaw agissant en qualité de Maître des Travaux des Bâtiments du Royaume.
Enfin, s’agissant des souverains Stuarts, il y a lieu de ne pas négliger l’attachement particulier de Jacques III à l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem, lequel se considère comme protecteur de l’Ordre et ne le cache point.