Dans un tout petit oeuf, un univers d’un millimètre cube, vivait une minuscule chenille. Elle vivait sans soucis, sans questions, elle avait parcouru la totalité de l’univers, elle le connaissait dans les moindres détails, et rien ne semblait pouvoir lui arriver.
Un jour cependant, il lui sembla que quelque chose se préparait. Une petite fissure était apparue dans le ciel de son univers. Plus le temps passait, plus la fissure grandissait, si bien qu’après quelques temps, l’univers entier se déchira comme une bulle qui éclate.
Notre petite chenille fut d’abord effrayée de découvrir qu’il existait un autre univers, immense celui là. Elle ne pouvait même plus en percevoir les limites, elle se sentait perdue… Puis peu à peu, voyant que rien de fâcheux ne lui arrivait, elle décida de partir à la découverte…
Il lui fallu pour cela ramper sur la feuille où l’oeuf avait éclos. Sur son chemin, elle rencontra bientôt d’autres chenilles tout à fait semblables à elle même. Toutes étaient affairées à grignoter des feuilles, et notre amie se mit à en faire autant, elle trouva cela agréable, elle se sentait même animée d’une énergie nouvelle et se sentait prête à partir à la découverte de son nouvel univers.
Elle partit donc à l’aventure, escaladant les brindilles, ces arbres géants, dévalant sans fin les pentes vertigineuses d’une petite pierre sur le chemin ; l’univers était sans fin, et elle se sentit soudain bien petite, bien fragile dans cette immensité. Elle aurait voulu connaître ce qu’il y a plus loin. Elle continua à grignoter ses feuilles pour prendre des forces et décida de grimper tout en haut de la grande tige qui se trouvait devant elle. En chemin, elle croisa quelques unes de ses semblables, elle essaya de leur parler de ce qu’elle avait découvert, de ce qu’elle avait vu, elle voulait partager son émerveillement face à ce nouvel univers, mais les autres ne semblaient s’intéresser qu’aux feuilles qu’elles dévoraient l’une après l’autre, et ne se souciaient aucunement de savoir ce qu’il y avait au delà… elle décida donc de continuer son ascension, et plus elle montait, plus elle découvrait de chose, plus elle voyait loin dans l’univers, plus elle se sentait riche de ses découvertes.
En arrivant au sommet, elle découvrit la magnificence de la fleur et fut éblouie par la splendeur des couleurs… Elle aurait aimé être fleur, mais se rendit vite compte que la fleur était attachée, et que si elle voyait loin, elle ne pouvait pas parcourir l’univers qu’elle apercevait. Notre amie se préparait à redescendre quand elle vit s’approcher dans les airs une fleur qui volait … … une pure merveille… Les couleurs chatoyantes resplendissaient sous les rayons du soleil, et la chose voletait de ci de là. Comme elle aurait aimé être doté de cette faculté de voler, avec des ailes, elle aurait pu sans doute visiter tout l’univers, elle aurait pu s’élever très haut dans les airs pour embrasser d’un seul regard la création toute entière… Elle rêvait ainsi exprimant ses désirs à haute voix quand soudain, une voix lui répondit, c’était celle du papillon: » Ne crois pas ce rêve irréalisable… moi aussi autrefois, j’étais chenille… un jour toi aussi tu seras papillon… » Puis il s’envola sans en dire davantage.
Depuis ce jour, notre chenille n’eut de cesse de comprendre comment une vulgaire chenille pourrait bien devenir comme ce papillon magnifique. Elle y réfléchit longtemps et se mit à observer sans relâche les moindre mouvements des papillons espérant découvrir le secret. Et en effet, un jour elle pensa avoir trouvé la solution: jamais le papillon ne s’abaissait à grignoter des feuilles, il se nourrissait d’une nourriture bien plus noble, le nectar des fleurs, c’est sans doute cela qui le fait tant ressembler aux fleurs.
Dès lors, notre chenille passa ses journées à escalader les fleurs pour se nourrir de leur précieux nectar… sur son passage, elle croisait quelques congénères et pensait: » les pauvres elles ne savent pas, mais moi un jour je leur montrerai… … » .
Cependant les jours passaient et rien ne se produisait, elle ne sentait pas le moindre changement et se décourageait parfois. Mais il suffisait qu’un papillon traverse les airs pour lui redonner du courage. Après quelques temps pourtant elle se sentit plus faible, il lui fallait faire de plus en plus d’efforts pour atteindre les fleurs. Tandis que ses semblables devenaient de plus en plus grasses, elle s’amincissait… « c’est cela sans doute il me faut m’alléger pour pouvoir voler… » Mais un jour, elle n’eut plus la force de monter jusqu’en haut de la tige, elle se sentit très faible, si faible qu’elle ne put même pas se hisser jusqu’à une feuille… … … Et tandis que ses compagnes, grasses à souhait se transformèrent, sans rien y comprendre, en magnifiques papillons, elle mourut.
Passant par là le papillon songea: « peut être aurais je du lui dire que pour devenir papillon il faut d’abord accepter de n’être que chenille… »
Source : http://jph-metamorphose.pagesperso-orange.fr/HTML/ECOLO/histchenille.html