Cette fois-ci le Grand Maître nous livre une magnifique planche sur la reconnaissance de l’autre et sur ce qu’il nomme « la réalité d’une culture et d’une spiritualité maçonniques spécifiques » conduisant à cette reconnaissance.
De tels propos font énormément de bien…
Visualiser « Libres propos du Grand Maître – Octobre 2011«
Je défends, avec d’autres, la réalité d’une culture et d’une spiritualité maçonniques spécifiques souvent décriées, voire niées, et de leur impact dans notre société. C’est ainsi que je ne sais pas si nous mesurons bien la dimension et la portée de la phrase que nous disons sans cesse dans nos rituels : « mes frères et mes soeurs me reconnaissent comme tel ».
D’abord parce qu’il y a là, sans doute, le moteur essentiel de notre engagement en maçonnerie. Nombre d’entre nous viennent y chercher une reconnaissance qu’ils n’ont pas ailleurs, avec un risque : celui de n’y chercher qu’une reconnaissance. En effet, on ne peut être reconnu que pour ce que l’on est, et il faut apporter, pour exister dans le regard de l’autre et s’y reconnaître, le plus clair et le plus singulier d’une identité mouvante, certes, mais qui permette un échange, terme également important dans la démarche maçonnique. Le secret de l’initiation est bien là, dans une complexité indicible sinon mystérieuse, où la reconnaissance est dans l’échange et se traduit par un échec douloureux quand la quête est trop orientée, sans l’indispensable retour du reflet dans le miroir.
Mais il faut aller plus loin. Et dire que cette méthode ne doit évidemment pas suffire à nous entre-reconnaître, entre initiés, dans un enfermement que l’on nous a bien souvent reproché. Car tout le paradoxe de cette reconnaissance identitaire est qu’elle est féconde pour ceux qui n’y sont pas concernés.
D’abord parce qu’elle nous permet de relativiser le dogme, quand le regard de l’autre qui reconnaît, questionne aussi.
Mais aussi parce qu’elle nous donne une grille de lecture de la réalité et de notre environnement. Sans aller jusqu’à dire qu’on ne vit que dans et par ces regards, j’ai la sensation que l’on meurt, par contre, quand ils disparaissent. Et l’on peut ainsi comprendre, dans l’éclairage des rituels, nombre des interrogations qui agitent notre société. C’est le problème de la dépendance chez le malade ou le vieillard que l’on ne regarde plus, parce qu’il fait peur, et qui « s’éteint », C’est celui de la jeunesse laissée pour compte, quand elle est confinée dans un espace imaginaire d’irresponsabilité, dans un hypothétique devenir où «les fruits passeraient la promesse des fleurs», C’est aussi celui de l’immigration avec le « différent » qui dérange, qui fait détourner les yeux et entraine le rejet,
C’est encore le phénomène de masse, dont on pèse mal les conséquences, dans la banlieue : les révoltes, les douleurs, les difficultés des « quartiers », sont d’abord liées à l’absence de reconnaissance qui y fait négliger la qualité et le confort des logements et de la sécurité, les transports, en un mot, les hommes et les femmes qui se réfugient dans un communautarisme souvent religieux, fort bien organisé et mis en oeuvre non sans arrière-pensées politiques.
C’est pour moi, dans l’ellipse, qui est la forme obligée de mes libres propos, l’occasion de dire que la franc-maçonnerie offre ce moyen de décryptage du réel et de ses conséquences… Dans l’absence de reconnaissance de l’altérité.