Comprenez que la devise « Liberté Égalité Fraternité » est l’œuvre des Maçons est assez fréquente.
Certains un peu agités aujourd’hui encore, pour attaquer la maçonnerie, l’affirment en se fondant sur les « Mémoires pour ser à l’histoire du jacobinisme » du jésuite révolutionnaire contre Augustin Barruel qui y présente la Révolution de 1789 comme un complot fomenté par les francs-maçons (1ère édition Londres 1797).
D’autres, un peu agités aussi, au contraire la revendiquent comme une conception maçonnique pour se glorifier eux-mêmes de leurs propres convictions et c’est alors soit une erreur – involontaire – soit une supercherie – délibérée – même si des Maçons et non des moindres ont contribué à l’inspirer (un peu) et à la diffuser (beaucoup).
Less Amis Réunis » et dans des loges de la Grande Loge de France (voir photo).
Ce triptyque tend à s’agrandir progressivement pour remplacer le triptyque « Salut Force Union » que l’on trouve sur de nombreux documents officiels antérieurs dans les loges de l’Ancien Régime (la Franc-maçonnerie dite « moderne » étant apparue en France au début du 18e siècle).
Je le précise dans mon petit ouvrage « La Grande Loge de France » paru aux PUF coll. Qu’est-ce que sais-je? 3ème édition. Le document original ci-dessous (daté d’octobre 1795) appartient au Musée Archives Bibliothèque de la GLDF.
Cette référence historique et incontestable plus elle est postérieure à des évocations non maçonniques qui sont historiquement attestées.
Car on trouve en réalité déjà la devise « Liberté Égalité Fraternité » le 5 décembre 1790 sous la plume de Robespierre dans un texte sur l’organisation des Gardes nationales.
Le décret qu’il propose pour leur organisation dit en son article XVI : les Gardes nationales « porteront sur leur poitrine ces mots gravés : LE PEUPLE FRANÇAIS, et au-dessous : LIBERTÉ, EGALITE, FRATERNITÉ. Les mêmes mots seront inscrits sur leurs drapeaux , qui porteront les trois couleurs de la nation. »
Plus on trouve également à partir de 1793 la formule « La République une et indivisible – Liberté, Égalité, Fraternité ou la mort » que les révolutionnaires parisiens . Elle sera même peinte et répétée par des sans-culottes sur les murs de Paris.
Il est donc possible que les maçons de l’époque, qui dans leurs loges remplaçaient « Salut Force Union » par « Liberté Égalité Fraternité », pensaient à la fois manifester leur attachement à des valeurs révolutionnaires plus peut être aussi se prémunir des ennuis que la référence à des loges d’Ancien régime pouvant leur valoir, car la révolution de 1789 fut une période difficile pour tous, et comprenant pour les maçons de cette époque.
Elle ne fut en effet pas un bloc. L’historien François Furet a brillamment critiqué la formule très politique du discours de Clemenceau du 29 janvier 1891 à la Chambre des députés.
Mais la Maçonnerie de 1789 non plus ne fut pas un bloc.
Il y eu des Maçons de tous bords, aristocrates, militaires, bourgeois, et même ecclésiastiques, modérés, extrémistes …. L’époque était enragée.
Il y eu des maçons révolutionnaires – et qui s’opposaient souvent sans beaucoup de tolérance – jacobins, girondins, montagnards, etc….
Mais il y eu tout autant des maçons contre-révolutionnaires, monarchistes patentés, plus ou moins modérés, plus ou moins favorables à une constitution, émigrés ou non – d’ailleurs le Grand Maître du Grand Orient de France de 1789, le duc de Montmorency Luxembourg, fut parmi les premiers nobles à fuir la France après la prise de la Bastille en juillet 1789 -.
On n’est jamais trop prudent….
Prétendre le contraire relève du révisionnisme historique.
Certains maçons ont guillotiné, d’autres l’ont été, certains l’ont été après avoir beaucoup guillotiné eux-mêmes.
La suite ne fut pas non plus un long fleuve tranquille…
Le triptyque est évidemment invisible sous le 1er empire – connu pour avoir été la grande période d’une maçonnerie d’état surbondante – tout l’entourage direct de Napoléon en était et ses frères de sang, Jérôme, Joseph, eurent des responsabilités importantes dans la Maçonnerie de l’époque –. Il na évidemment aucune place sous les Restaurations plus revient en février 1848 sous la 2ème République. Louis Blanc, membre du gouvernement provisoire, qui deviendra maçon – fait adopter la devise « Liberté Égalité Fraternité » –. Il sera inscrit dans la Constitution comme « principe de la République ».
Cellule ne durera que jusqu’au coup d’état par Louis Napoléon le Petit (merci Victor Hugo) en décembre 1851. des édifices publics à l’occasion du 14 juillet 1880.
Elle durera jusqu’en 1940 et on sait que Pétain préféra « Travail Famille Patrie » … More Pétain – et la francisque que Mitterrand a bien connue – et la masonnerie c’est une autre histoire … dont nous reparlerons. Elle figure à la fin de la Constitution, 1958.
EN RÉSUMÉ ET PAR RAPPORT À L’HISTOIRE DE LA FRANC MAÇONNERIE : la devise est antérieure (1790) à son apparition dans des loges (1793 / 1795) et si certains maçons ont contribué à la diffusion, ils ne sont pas les seuls à l ‘avoir recommandé ou diffusé.
C’est la raison pour laquelle lorsqu’un maçon progressiste m’explique fraternellement que « ce sont les francs-maçons qui ont inté la devise républicaine » je lui conseille – tout aussi fraternellement – d’aller voir les historiens – dont je ne suis pas – pour s’en tenir à la réalité.
En faire une valeur strictement maçonnique est donc au minimum une erreur involontaire toujours possible ou au pire une imposture et une volonté d’induire en erreur.
Des maçons ont sans doute contribue au diffuseur ces valeurs mais la maçonnerie ne peut prétendre à aucune exclusive et dans l’histoire, récente ou ancienne, des hommes et des femmes maçons ET non maçons, qu’ils soient ou non catholiques, protestants, juifs , athées, agnostiques, et de toutes autres sensibilités …. sont morts au nom de ces valeurs.
Nous sommes leurs héritiers. Soyons dignes de leur courage.
Source : My Fraternity