Spécialiste des outils anciens et des arts populaires, l’auteur manchois Daniel Boucard s’intéresse au métier de charbonnier. Une corporation qui, avec ses rituels et ses secrets, est à l’origine d’une franc-maçonnerie des bois.
Source : « Spécialiste des outils anciens, Daniel Boucard, dévoile l’histoire et les secrets des charbonniers » un article de Ouest France
Ils avaient la forêt pour maison, le ciel pour fenêtre, l’herbe des roseaux pour berceau. Lorsque l’un d’entre eux s’éteignait, ils érigeaient sur sa tombe un fourneau de ramée, pour que son âme rejoigne le ciel dans la fumée. Ainsi étaient les charbonniers, ces gueules noires des forêts de jadis, qui n’avaient pour maître que le rossignol.
Dans son dernier livre, Les Bons cousins charbonniers, Daniel Boucard, auteur installé dans le Nord-Cotentin (Manche), lève le voile sur cette corporation un peu à part, auréolée de mystère. Solidement documenté et premier du genre à s’intéresser au sujet, l’ouvrage fera date.
Un spécialiste des outils anciens devenu une référence
Dans ce domaine, son auteur, spécialiste des outils anciens et de la symbolique des métiers, n’en est pas à son coup d’essai. Son premier ouvrage, consacré aux haches, sorti en 1998, est aujourd’hui une référence. Pour reconstruire à l’identique la charpente de la cathédrale de Notre-Dame-de-Paris, et tailler comme au XIIIe siècle, il a fallu refaire des outils plus fabriqués depuis des siècles »,
confie modestement Daniel Boucard. Les taillandiers ont donc utilisé « Le Boucard », comme on le surnomme dans le métier. Belle reconnaissance ! Épuisé, il va être réédité, et une version anglaise est prévue.
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Depuis l’âge de fer, le charbon de bois est un combustible très prisé en raison de son pouvoir calorifique plus intense que le simple bois
. Si sa production remonte à l’Antiquité, son développement va connaître un coup d’accélérateur phénoménal avec l’expansion de la métallurgie dès la fin du XVe siècle ».
Le charbon de bois alimentera les hauts fourneaux jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Une existence itinérante, au gré des coupes de bois, pour les charbonniers
Difficile et nécessitant un savoir-faire transmis de père en fils, le métier de charbonnier était recherché et bien payé, mais il obligeait à vivre en forêt près des meules, sorte de fours hémisphériques. Outre la description des secrets de fabrication, l’ouvrage évoque la vie quotidienne et familiale des charbonniers résidant dans leurs cabanes, se déplaçant au gré des coupes de bois.
Cette existence itinérante en pleine nature sauvage, souvent confrontée à l’hostilité des populations locales va favoriser l’émergence d’une solidarité. Organisée sous la forme de cousinage, une société mutuelle avec ses codes, rites et cérémonies voit le jour : Les Bons cousins charbonniers. Sorte de franc-maçonnerie des bois, elle va jouer un rôle non négligeable lors de la Révolution française et dans le combat républicain sous le Second Empire.
Daniel Boucard, Les Bons cousins charbonniers, Éditions Dervy, 157 pages, 18 €.