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LES PROTOCOLES DES SAGES DE SION : UNE PROPAGANDE ANTI JUDÉO-MAÇONNIQUE

BFMTV.com revient sur des grands mensonges qui ont changé le cours de l’Histoire : cet épisode est relatif aux Protocoles des Sages de Sion.

Article original publié sur BFMTV.com

C’est une intox inventée de toutes pièces mais qui rencontre encore aujourd’hui un certain écho. Et qui alimente toujours la machine à complots.

Créé par la police secrète du tsar

En 1903, dans la Russie pré-révolutionnaire paraît les Protocoles des Sages de Sion. L’origine de ce texte est mystérieuse mais il est présenté comme le compte-rendu d’une réunion secrète entre représentants de la communauté juive qui annoncerait un plan pour dominer le monde.

En réalité, c’est un texte créé par la police secrète du tsar Nicolas II de Russie à des fins politiques. « À chaque fois qu’une société est en crise, elle se cherche des boucs émissaires », rappelle pour BFMTV.com l’historien Louis-Pascal Jacquemond. À l’époque, le contexte politique et social est marqué par la menace d’une révolution avec la montée de groupes marxistes et anarchistes.

« Les idées bolchéviques se répandent, la révolte gronde parmi les libéraux. L’idée des Protocoles, c’était de diaboliser ces mouvements révolutionnaires pour en faire un complot international qui serait dirigé par les Juifs, à l’origine des troubles », analyse Louis-Pascal Jacquemond.

Favorisé par la montée de l’antisémitisme

Dès sa publication, le texte est présenté de manière trompeuse: il proviendrait du premier congrès sioniste. Pourtant, dès leur parution, les Protocoles sont suspectés d’être un faux. Certains d’ailleurs qui s’en sont fait l’écho le reconnaissent. En 1935, le procès de Berne établit la fausseté des Protocoles des Sages de Sion. Ce qui n’empêche pourtant pas leur diffusion.

Bien que faux, le texte rencontre une notoriété croissante, favorisée par la montée de l’antisémitisme de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Il est traduit en plusieurs langues, diffusé dans de nombreux pays et devient un best-seller. La popularité de l’ouvrage ne cesse de grandir. La machine est lancée.

En France, en 1920, de premières traductions françaises sont diffusées sous le titre Procès-verbaux de réunions secrètes des sages d’Israël. Aux États-Unis, l’industriel et antisémite Henry Ford, convaincu de leur authenticité, les publie dans son journal et les diffuse plus largement, comme le rappelle France culture dans une série sur le complotisme.

Une propagande antijudéo-maçonnique

L’ouvrage prend de la vigueur avec la révolution de 1917 et le renversement du régime tsariste. Le texte est repris par des groupes antisémites, voire certains leaders politiques pour qui il serait la preuve de l’existence d’un complot juif international. Adolf Hitler en fait un argument de sa théorie du complot juif mondial qui devient un des piliers de la propagande du Troisième Reich.

« C’est avec la publication, de 1920 à 1924, dans la plupart des langues européennes, des Protocoles des Sages de Sion, que la propagande antijudéo-maçonnique va s’intensifier et prendre une ampleur inédite, écrit l’historien des idées Pierre-André Taguieff. Elle s’élargit en incluant la lutte contre le judéo-bolchevisme, à laquelle s’adjoint la lutte contre le judéo-capitalisme, comme dans les premiers discours de Hitler. »

En réalité, l’ouvrage plagie en partie le Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu de Maurice Joly, un pamphlet satirique qui date de 1864, dirigé contre Napoléon III – dont l’auteur était un farouche opposant. Dans ce livre, l’auteur défend la séparation des pouvoirs, l’État de droit et dénonce le despotisme, fondé sur la dissimulation et la manipulation.

Utilisé par les extrémistes de tous bords

Aujourd’hui, les Protocoles représentent à la fois un symbole de l’antisémitisme mais aussi de la falsification. L’historien Pierre-André Taguieff, qui a dénoncé pour France culture une « escroquerie intellectuelle » de cette littérature conspirationniste, a mis en évidence les multiples utilisations des Protocoles à travers le temps, discutant également leur origine – ils pourraient avoir été écrits pour discréditer le mouvement sioniste.

« Les Protocoles constituent un récit mythique qui, fabriqué pour réaliser certains objectifs idéologico-politiques, ne se réduit pas à un ensemble de rumeurs douteuses ou mensongères qui circulent à grande vitesse avant de s’évanouir, expliquait-il au Figaro. Ce faux est à la fois un best-seller et un long-seller de la littérature conspirationniste et antijuive moderne. »

Pour les complotistes, ils permettent notamment d’étayer leur propagande. « Les Protocoles sont utilisés par les extrémistes de tous bords: suprémacistes blancs et antisémites noirs aux États-Unis, catholiques et protestants fondamentalistes en Europe comme dans les deux Amériques, nationaux-traditionalistes orthodoxes en Russie, fondamentalistes musulmans de toutes obédiences, néonazis païens, nationalistes radicaux, adeptes de sectes ou de doctrines ésotériques, amateurs de prophéties apocalyptiques de fin du monde, négationnistes et complotistes fascinés par la légende des ‘Illuminati' », poursuit Pierre-André Taguieff.

Pour lire les précédents épisodes de la série. Le premier: le syndrome K, cette fausse épidémie qui a sauvé des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Le deuxième: la fausse donation de Constantin.

A.S.: