MISCELLANÉES MAÇONNIQUES par Guy Chassagnard
En franc-maçon de tradition, attaché à l’histoire de ce qui fut jadis le Métier de la Maçonnerie avant que de devenir la Maçonnerie spéculative des Maçons libres et acceptés, notre frère Guy Chassagnard met en chroniques ce qu’il a appris dans le temple et… dans les textes ; en quarante et quelques années de pratique maçonnique. Ceci selon un principe qui lui est cher : Apprendre en apprenti, comprendre en compagnon, partager en maître.
Chronique 97
1728 – Les premiers grands maîtres
Les débuts de la Franc-Maçonnerie parisienne ont été obscurs et incertains ; tant et si bien qu’il est difficile d’établir une liste des premières loges ayant eu des activités dans la capitale. Aussi est-il difficile de réunir les noms des premiers grands maîtres d’une Grande Loge des maîtres parisiens – dont le véritable titre reste à déterminer.
On croit savoir que les premiers travaux de grande loge ont été présidés par Philippe duc de Wharton (1698-1732), ancien grand maître londonien en exil. La grande maîtrise a ensuite été assurée par Charles Radclyffe, comte de Derwentwater (1693-1746), petit-fils de Charles II d’Angleterre.
En décembre 1735, si l’on s’en réfère à un livret imprimé sous le titre Les Devoirs enjoints aux Maçons libres – premier ouvrage de vulgarisation maçonnique paru en France – Jacques Hector MacLeane, chevalier baronnet d’Écosse, est nommé en tenue de grande loge « grand maître des francs-maçons dans le royaume de France ».
En décembre 1737, la direction de la Société des Francs-Maçons échoit à nouveau à Charles Radclyffe, comte de Derwentwater. Le 24 juin 1738, enfin, est élu Louis de Pardaillan de Gondrin, duc d’Antin (1706-1743), arrière-petit-fils du marquis et de la (célèbre) marquise de Montespan ; son titre exact : Grand Maître général et perpétuel des Maçons dans le royaume de France.
L’appellation Grande Loge de France figure, quant à elle, dans un document signé par Charles Radclyffe, conférant à Charles Frédéric, baron de Scheffer, ambassadeur de Suède à Paris, « le pouvoir de constituer une ou plusieurs loges dans le royaume de Suède […] lesquelles seront subordonnées à la Grande Loge de France ».
———-
© Guy Chassagnard – Auteur de : La Franc-Maçonnerie en Question (DERVY, 2017),
– Les Constitutions d’Anderson (1723) et la Maçonnerie disséquée (1730) (DERVY, 2018),
– Le Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie (SEGNAT, 2016).
Les premières loges créées en France dont on ait éléments assurés étaient 3 loges hanovriennes parrainées par la Grande Loge des modernes avec dans le rôle de transmission, le duc de Richmond, ancien Grand maître (une des plus grosses fortunes d’Angleterre), secondé par JT Desaguliers et par des français initiés à Londres: Montesquieu, Coustos etc. « Au Louis d’Argent » loge n°90 du tableau de 1735, Coustos Villeroy avec le duc de Villeroy, Bussy qui deviendra Bussy d’Aumont quand le Duc d’Aumont viendra la rejoindre et en 1737, quand le duc d’Antin la défendra l’épée à la main la loge du quai de la rapée contre le commis du Roi. Cette présence des « jeunes ducs » auxquels il faut joindre le ministre Maurepas et St Florentin secrétaire d’état, montre l’attractivité qu’exerçait le système anglais de monarchie parlementaire sur la haute aristocratie française éclairée car il lui restituait un pouvoir sur le gouvernement de la nation. C’est sans doute les « jeunes ducs » qui firent cesser la vague de mesures anti-maçonniques de 1737/1738 et dissuadèrent Louis XV de faire enregistrer la bulle papale « In eminenti apostolatus specula ».
Deswentwater, très lié à la diaspora jacobite et qui ne « régnait » que sur St Thomas créée, selon les sources, plus vers 1735 que 1725, il n’a eu la possibilité de devenir Grand Maître que par son retour en grâce auprès de George II et de Richmond qui était son cousin (Ce sont tous les deux des petits fils bâtards de Charles II). Retour en grâce qu’il violera en participant à l’expédition de Culloden qui lui vaudra d’être capturé et décapité.
Quant à Wharton, c’est un personnage déconsidéré après sa fuite d’Angleterre pour éviter la prison pour dette et sa mise au service de la monarchie espagnole pour laquelle il participera au siège de Gibraltar, ce qui lui vaudra d’être condamné pour haute trahison. Cette condamnation lui coupera les vivres et désargenté, il sombrera dans l’ivrognerie (Mort en 1731).
Sans vouloir enlever à la qualité du travail de notre ami Guy, que je salue au passage, pour besoin, la liste de tous les Grands Maîtres de la Maçonnerie, attachés à leurs obédiences respectives, se trouvent réunis pour la première fois dans un livre « Verbum Diminum, Sciences et secrets des grimoires maçonniques », Ed. Bussière.