AUTEUR :Berage
EDITEUR : Kessinger Publishing
RESUME : Devenu très rare, cet ouvrage contient non seulement la réimpression de l’ouvrage de Bérage (que Wolfstieg attribue d’ailleurs à Karl Friedrich Köppen alors que, suivant M. Le Forestier, celui-ci n’en aurait été que l’éditeur) mais aussi une très copieuse introduction de 65 pages « Histoire de l’origine de la Maçonnerie » et 8 planches hors texte. » Bibliotheca Esoterica (Thèse complémentaire présentée à la faculté des lettres de l’université de Paris, 1915)
Les Plus Secrets Mystères des hauts grades de la maçonnerie dévoilés, ou le vrai rose-croix, constituent l’une des plus célèbres divulgations de rituels des hauts grades de la franc-maçonnerie. Bien qu’elle soit publiée sans nom d’auteur, elle est attribué à Bérage. Parue pour la première fois en 1766, cette publication connut un succès considérable.
L’édition de l’Arbre d’Or reprend la version publiée par René Le Forestier chez Dorbon en 1915. Comme le précise cet auteur dans son introduction, Les Plus Secrets Mystères « ne sont qu’une carte d’échantillon des innombrables cahiers de grades qui foisonnent dans les loges françaises de 1740 à 1780 ». René Le Forestier — qui, faut-il le préciser, fut l’un des rénovateurs de l’histoire de la franc-maçonnerie et l’un des historiens les plus importants du martinisme primitif — nous propose de découvrir l’origine des hauts grades. Avant d’aborder ce point, il rappelle que la maçonnerie est une création spécifiquement anglaise, descendant des confréries de tailleurs de pierre dont elle adopte les usages et les traditions. Il souligne également que loin de posséder le prestige qu’elle connaîtra avec l’apparition des hauts grades, ses rites étaient initialement d’une grande simplicité. Les tenues de loges n’avaient rien de mystique ou d’initiatique, et René Le Forestier de préciser qu’elles étaient « trop souvent prétexte à de gais banquets » ou l’on « buvait sec ».
À l’origine, la maçonnerie ne possédait que deux grades : apprenti et compagnon-maître. Les choses évoluèrent lorsque la Freemasonry passa sur le Continent pour devenir la franc-maçonnerie. Ses mystères excitèrent les imaginations, et l’on se plaisait à voir en elle le dépositaire d’une sagesse remontant aux origines de l’humanité, à l’époque de Noé. Elle recruta ses membres parmi une classe aristocratique nostalgique de son passé glorieux, qui préféra la regarder comme descendant de la chevalerie de ses ancêtres plutôt que d’une confrérie d’ouvriers. C’est dans cet esprit que naquirent de nombreux hauts grades. René Le Forestier souligne que par cette création, les francs-maçons prenaient « le contre-pied de l’idéal égalitaire reçu de la Freemasonery ».
C’est donc ce type de grades, au nombre de sept, que nous présentent Les Plus Secrets Mystères : Parfait maçon élu, Élu de Perpignan, Élu des quinze, Petit architecte, Grand architecte, Chevalier de l’épée et de Rose-Croix et Noachite ou Chevalier prussien. Les trois premiers développent le thème de la punition des assassins d’Hiram, tandis que les autres ressortissent de l’écossisme et de l’imaginaire chevaleresque. L’introduction des Plus Secrets Mystères débute d’ailleurs par un texte sur l’« Histoire de l’origine de la Maçonnerie », qui énonce que « cet ordre fut institué par Godfroi de Bouillon, dans la Palestine en 1330 ».
L’ouvrage présente pour chaque grade les éléments décoratifs de la loge, ainsi que les dialogues de la cérémonie de réception du candidat. Il expose également les obligations, les instructions et les catéchismes inhérents.
Le point fort de cette édition est sans conteste l’introduction de René Le Forestier. On pourra certes être parfois agacé par ses commentaires mordants, voire ironiques, par exemple lorsqu’il avance que « la franc-maçonnerie des hauts grades avec ses bourgeois déguisés en chevaliers juifs, ses croisés honoraires, ses souverains de comédie, ses alchimistes et ses théurges d’opérettes est la plus chatoyante et la plus burlesque des mascarades. » Malgré cela, et même si sous certains aspects son étude paraît dépassée, elle permet de relativiser les études modernes qui privilégient les aspects symboliques de cette institution, oubliant les origines des grades créés pour répondre aux préoccupations d’une classe sociale ancrée dans une époque spécifique, le XVIIIe siècle.