MISCELLANÉES MAÇONNIQUES par Guy Chassagnard
En franc-maçon de tradition, attaché à l’histoire de ce qui fut jadis le Métier de la Maçonnerie avant que de devenir la Maçonnerie spéculative des Maçons libres et acceptés, notre frère Guy Chassagnard met en chroniques ce qu’il a appris dans le temple et… dans les textes ; en quarante et quelques années de pratique maçonnique. Ceci selon un principe qui lui est cher : Apprendre en apprenti, comprendre en compagnon, partager en maître.
Chronique 185
1761 – Les Constitutions secrètes
On connaissait les Constitutions de 1762 (en réalité de 1763), et les Grandes Constitutions (apocryphes) de 1786. Il a fallu, pour découvrir les Constitutions secrètes, compulser les pages de l’ouvrage : Ancient and Accepted Scottish Rite d’Albert Pike, publié en 1872.
Ces constitutions y figurent sous le titre complet de « Grandes Constitutions secrètes ou Règlements des Souverains Grands Inspecteurs Généraux de la Franche et Royale Maçonnerie Ancienne et Moderne sur les deux Hémisphères, constituées à Paris, York et Berlin ». Ceci en 33 articles.
À la fin du texte, daté du 27 août 1761, présenté en français et en anglais, sont supposées figurer les signatures de « Chaillou de Jonville », de Topin, de Rohan, de la Chaussée, de Saint-Simon, de Choiseul, de Lenoncourt et de Dubantin – déjà signataires de la patente de Morin.
Examinées conjointement avec les Grandes Constitutions de 1786, les Constitutions secrètes de 1761 n’apportent au lecteur aucune information nouvelle. Elles se révèlent, d’emblée, tout autant apocryphes, ne serait-ce que par leur article 9 faisant référence au « Puissant et Illustre Frère Frédéric III, roi de Prusse, Maître Souverain en Chef de l’Armée des Souverains Princes et Chevaliers de l’Aigle Blanc et Noir. »
On peut s’interroger à souhait sur le point de savoir qui était ce « Frédéric III », et hésiter entre Frédéric Ier, roi en Prusse (1657-1713), mais également margrave de Brandebourg sous le titre de Frédéric III ; Frédéric Guillaume II (1744-1797), parce que successeur de Frédéric II ; Frédéric-Guillaume III (1770-1840) ; ou encore Frédéric III (1831-1888) – mais aucun de ces rois « en » ou « de » Prusse n’a pu régner en Prusse en 1761.
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Extrait des Constitutions secrètes de la Franche et Royale Maçonnerie Ancienne et Moderne :
• Tout Souverain Grand Inspecteur Général a le pouvoir de faire des Maçons en loges, collèges, conseils, chapitres, etc. Il est Souverain Commandeur à vie de toute la Maçonnerie (Article 1).
• Tout Souverain Grand Député Inspecteur Général a le pouvoir d’instituer ou de constituer des loges, collèges. (Art. 4).
•Les Souverains Grands Inspecteurs Généraux Grands Commandeurs sont absolument les maîtres de l’Art Royal militaire de l’Ancienne et Moderne Maçonnerie (Art. 5).
• La dignité d’un Souverain Grand Inspecteur Général est à vie. Elle émane des trois orients, Ancien, Moderne et Écossais (Art. 8).
• Les présentes Constitutions secrètes sont émanées de notre Puissant et Illustre Frère Frédéric III, roi de Prusse, Maître Souverain en Chef de l’Armée des Souverains Princes et Chevaliers de l’Aigle Blanc et Noir (Art. 9).
• Un Souverain Grand Inspecteur Général Grand Commandeur doit être sobre, modéré et pacifique (Art. 17).
Albert Pike a accompagné « ses » Constitutions Secrètes d’une Introduction dans laquelle il affirme les avoir trouvées en 1860 dans un amas de rituels et de documents provenant de la Grande Loge de Louisiane. Elles faisaient partie d’un recueil ayant servi de registre au frère Antoine Bideaud, qui les avait certifiées en 1805, et portaient la signature du comte Auguste de Grasse-Tilly, grand commandeur écossais.
On ignorera sans doute toujours qui a véritablement rédigé ce curieux document ainsi que sa véritable destination.
- La Franc-Maçonnerie en Question (DERVY, 2017),
- –Les Constitutions d’Anderson (1723) et la Maçonnerie disséquée (1730) (DERVY, 2018),
- –Le Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie (SEGNAT, 2016).
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Albert Pike: la référence est problématique.