« Si tu veux que brille la flamme, médite dans le Temple et agis sur le Forum, mais garde-toi bien de faire du Temple un Forum. » – J. Corneloup.
Cette citation résume bien le rôle que doit avoir le Maître Maçon dans la Loge. Celle-ci est un endroit privilégié dont il doit protéger la flamme. A la lumière du Rituel et des symboles il doit remplir ses devoirs et méditer pour pouvoir avoir la force d’apporter au dehors cette lumière sans en trahir ses secrets. La Loge doit rester un lieu en dehors du Temps où règnent la concorde et la fraternité, le Maître Maçon doit toujours préserver ce lieu sacré des querelles et des conflits du monde profane.
Mais il n’y a pas de droits sans devoirs et si un Maître Maçon peut prétendre à des droits, à un salaire dans son Atelier, il devra pour autant avoir accomplit ses devoirs. Par des termes solennels, prononcés à haute voix, le jour de notre élévation, nous avons tous fait cette promesse solennelle :
- JE PROMETS DE ME CONSACRER À L’ÉMANCIPATION INTELLECTUELLE DE L’HOMME, À LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE, À LA PAIX AU SEIN DE LA PATRIE ET PARMI LES PEUPLES, ET DE CONSIDÉRER MON DEVOIR SUPÉRIEUR À MA VIE.
Cette profession de foi humanisme est une des clé de l’œuvre et de l’idéal maçonnique. Peut-être que cet idéal est tellement élevé que personne n’a vraiment conscience de pouvoir y contribuer un jour ? Pourtant, les liens fraternels qui unissent tous les Francs-Maçons du monde nous rappellent que nous appartenons à un ensemble plus vaste et que l’homme seul ne peut rien. Car, tant que les hommes seront asservis par l’ignorance, l’intolérance, le dogmatisme et le totalitarisme, la Franc-Maçonnerie aura encore un rôle à jouer. Le Maître Maçon est la sentinelle avancée de l’humanité. Il a compris que les dogmes sont les ennemis du genre humain et son devoir est de croire que l’homme est perfectible. C’est pourquoi, il se doit de toujours donner « sa chance à autrui » en l’aidant à se perfectionner. Il ne se compromettra jamais avec un pouvoir totalitaire, une pensée unique ou une masse populaire qui nie les droit de l’individu et aliène la liberté de tous.
- JE PROMETS À NOUVEAU DE CONTINUER À REMPLIR CONSCIENCIEUSEMENT TOUTES LES OBLIGATIONS QUE J’AI CONTRACTÉES LORS DE MON INITIATION ET DE MA PROMOTION ; DE SUIVRE ASSIDÛMENT LES TRAVAUX DE LA LOGE ET DE NE PAS LA QUITTER SANS EN INDIQUER FRANCHEMENT ET SINCÈREMENT LE MOTIF.
Cette partie de la promesse semble très claire. Le devoir de Fraternité est indispensable à la « Chaîne d’Union » qui nous unis. Chaque Frère est un élémosinaire en puissance et il se doit d’avertir le Frère élémosinaire en charge ou le VMEC\ qu’un de nos Frères a besoin d’aide et notre devoir est de lui venir en aide.
Par ailleurs, le Franc-Maçon doit contribuer activement à la concorde, il se doit d’être un homme de conciliation et de dialogue. La Sagesse et la Règle doivent être son seul guide. Malheur à lui s’il apporte dans la Loge, ce lieu sacré, la discorde et la division. Les épées se retourneront contre lui !… La vengeance des Frères dans le monde entier sera réelle, il aura quitté définitivement la « Chaîne d’Union » et sera devenu, pour l’ordre, un renégat.
Enfin, on ne vient pas en Loge seulement pour se faire plaisir en ne sélectionnant que les travaux qui nous plaisent… La Règle est la même pour tous et il est assez évident qu’une participation active à tous les travaux de la loge permettent vraiment d’atteindre les objectifs de la promesse. Les séances d’instruction notamment sont un moment privilégié pour poser des questions, s’exprimer et écouter. Les tenues favorisent « l’abandon des métaux » et la participation à « l’egregore » de la Loge. Le rituel favorise l’introspection et permet une certaine communion fraternelle. Les conférences ou tenues blanches ouvertes et les sorties familiales sont aussi une forme d’initiation nécessaire et les ignorer est une forme d’égoïsme personnel qui n’est pas vraiment compatible avec les devoirs d’un Franc-Maçon. Sans aller jusqu’à dire : « hors de l’église point de salut ! » Ce qui serait réintroduire le dogme on peu simplement dire que c’est en fréquentant la loge que l’on devient maçon de la même manière que « c’est en forgeant que l’on devient forgeron. »
- JE PROMETS DE NE RÉVÉLER À AUCUN PROFANE, NI À AUCUN APPRENTI OU COMPAGNON, LES SIGNES DE RECONNAISSANCE ET LES USAGES DU GRADE DE MAÎTRE.
Le compartimentage du système maçonnique en plusieurs degrés de Lumière est indispensable pour protéger celui qui n’est pas encore prêt à recevoir une Lumière trop vive. Loin d’en arriver à la suffisante et classique phrase : « ce n’est pas de ton grade ! », un juste milieu reste nécessaire. Celui qui pose la question a en lui déjà la moitié de la réponse et c’est une insulte à son intelligence que de ne pas lui répondre. Mais la réponse doit être voilée, elle doit être adaptée au degré de celui qui a posé la question.
L’un des principes de notre ordre semble être la « digestion » ou plutôt, la faculté de « ruminer ». Il est essentiel que chacun trouve ses propres réponses et notre véritable devoir de Maître face aux Compagnons et aux Apprentis est simplement de donner des outils et d’indiquer des portes qu’il incombe à eux seul d’ouvrir et de découvrir. Il est essentiel de comprendre que la Franc-Maçonnerie par ses symboles et ses rites ne cesse de voiler la vérité afin que le véritable adepte ne puisse la découvrir que par lui-même, par la connaissance de ses défauts et qualités et surtout, par sa propre révélation à lui-même…
- TOUT CELA, JE LE PROMETS SUR MA PAROLE DE FRANC-MAÇON !
« Malheur à celui qui reniera ce serment… Les épées se retourneront contre lui ! ». C’est bien ainsi que le dit le Rituel… En promettant ainsi solennellement sur sa propre parole de Franc-Maçon, celui-ci s’exposera à être rejeté et méprisé par ces Frères s’il lui arrive un jour de la renier.
Au-delà des mots et des objectifs il y a la Règle, la conscience de chacun et lorsqu’on a perdu la Règle, il ne reste que les règlements… La Règle est manipulable c’est vrai !… Mais il reste cette petite voix au fond de chacun de nous qui continue à nous murmurer la « Voie Royale ». Bien qu’on essaye de la faire taire, ou l’ignorer, elle est toujours là pour nous dire où est le bien et où est le mal. « Errare Humanum est, perseverare diabolicum[1] ! », disaient les romains.
Conclusion
Pourvoir discuter avec des « frères », toutes « griffes » rentrées et entamer un réel dialogue sans crainte, comme dans le monde profane, d’être « jugé », « attaqué » ou « dénigré ». Voilà la meilleure manière de progresser sans risque de sombrer dans l’erreur du dogme car à tout moment, on sentira la main fraternelle d’un frère qui vous indiquera la Voie.
« Connais-toi toi-même » est une devise terrible car il n’y a pire juge que soi-même. La descente aux Enfers et une chose que l’on ne peut faire en solitaire. La main secourable d’un frère est indispensable pour éviter le pire et échapper au dégoût de soi-même. C’est une expérience unique et indispensable, mais dangereuse car il est difficile d’être « libre » et affranchi des dogmes. Les frères sont autant de miroirs qui nous permettent de suivre le processus et de nous voir dans notre réalité. Il n’est pas facile de faire taire tous ces petits « moi » égoïstes qui forment notre conscient et notre inconscient afin de faire naître le véritable Être. Le « Maître » universel qui a toujours été en nous.
Le rituel maçonnique amène l’homme au plan éternel et le met en relation avec le cosmos. Il éveille la conscience d’un chemin qui pourrait réunir la demeure transitoire et l’Être lumineux. La Maîtrise n’est pas une ligne d’arrivée, elle n’est que le début de la véritable initiation. L’initié authentique est celui qui, après avoir refusé les ténèbres a trouvé la lumière et s’efforce de faire régner la justice et l’amour, l’harmonie et la paix sur ce chemin qui donne une direction, une orientation à sa vie.
Le Franc-Maçon s’efforce de bâtir un Temple intérieur dont les murs ne sont jamais assez hauts pour qu’il puisse les terminer et les recouvrir, aussi, symboliquement les étoiles, la lune et le soleil sont toujours visibles de l’intérieur du chantier. Grâce à ce mythe, équivalent à celui de Sisyphe, le Franc-Maçon reste en contact avec le cosmos et ne se coupe pas de l’ordre universel. S’il est intéressant de se demander ce que la Franc-Maçonnerie nous a apporté, il est peut-être plus important de se demander ce qu’on a pu apporté soi-même à la Franc-Maçonnerie?… Il peu arriver qu’on puisse, un jour, être déçu de ce qu’a pu nous apporter d’être maçon et de faire partie d’un atelier. Mais on le sera jamais vraiment de la Franc-Maçonnerie qui est un idéal, à moins de l’avoir soi-même trahit ? D’où la nécessité de l’assiduité et de faire corps avec l’egregore de la Loge.
Toutes les traditions sont intéressantes à étudier, mais est-ce pour autant nécessaire de renier tout ce qu’on est et qui pourrait être profitable aux autres?… Il faut se dire que la Loge est faite d’hommes et qu’elle a de ce fait les qualités et les défauts des hommes. Seule l’esprit de fraternité et le dépôt des métaux aide à pouvoir faire corps avec le rituel, de sentir l’âme de la Loge, d’enrichir sa spiritualité et de recevoir la Lumière authentique.
La Loge est un microcosme peuplé d’hommes de différents horizons et degrés intellectuels, d’origines, de cultures et de fortunes divers. Aider son prochain ou son Frère à progresser doit prendre le pas sur l’élitisme et la suffisance intellectuelle contraire à l’Humanisme auquel le Franc-Maçon se doit d’être fidèle.
L’Atelier est un laboratoire, un Athanor qui possède, en plus simplifié, les mêmes caractéristiques que toute organisation humaine avec leurs défauts et leurs qualités. L’absolue n’y existe forcément pas. La seule différence et la transmission du symbolisme et l’usage de la Règle qui permet de façonner la matière primaire, la Pierre Brute pour créer une alchimie où l’Esprit pourra triompher de la matière.
source : www.trimegiste.ch
J.-M. C, Epalinges, le 18 novembre 2005.
[1] “ L’erreur est humaine, persévérer est diabolique ! ”