LES CONSTITUTIONS D’ANDERSON
de Bruno Etienne (Nouvelles éditions de l’Aube – 7 mars 2019)
« James Anderson a donné son nom à un ensemble de textes fondateurs de la franc-maçonnerie, qu’il a réunis et compilés.
Si la partie historique et mythique de la franc-maçonnerie peut faire aujourd’hui l’objet de critiques scientifiques, la partie exposant leur conception du monde reste d’une actualité brûlante qui fait question : qu’en est-il de cette religion naturelle d’un homme maîtrisant son destin sans rompre avec le Grand Architecte de l’Univers ? »
« Cet ensemble de textes datant du début du XVIIIe siècle est considéré comme la charte de la franc-maçonnerie spéculative née à l’époque moderne (1717), au moment où elle s’est séparée de la maçonnerie opérative et des corporations de métiers. Les textes dans leur totalité sont aujourd’hui introuvables en français (à l’exception de quelques rares collections et bibliothèques privées), et il paraît évident que la plupart des francs-maçons se sont limités à la lecture de l’article premier de la partie normative. La partie historique constitue pourtant un joyau de fantasmes constitutifs des mythes fondateurs de la franc-maçonnerie, et présente sur ce point un grand intérêt pour comprendre comment le siècle des Lumières a lui aussi été porteur d’un imaginaire peu conforme à la vérité historique. »Bruno Étienne
L’édition originale de 1723 ne porte pas le nom d’Anderson. Celui-ci n’a écrit que la partie historique des Constitutions dont la partie réglementaire a été compilée par georges Payne, le tout sous la supervision du Dr Desaguliers, premier assistant d’Isaac Newton, le plus grand savant de son époque. C’est le duc de Wharton, agent avéré du vieux prétendant, venu « jacobitiser » la Grand Loge naissante et donc en opposition avec Desaguliers (il y aura un clash à l’élection de juin 1723) qui a fait porter sous le nom d’Anderson, inscrit comme Maître de Loge sur la liste des Loges constituées, « auteur de ce livre ».
La partie historique, sur le plan symbolique est plus intéressante que ce qu’en dit Bruno Etienne. Dabord la référence à Adam est un symbole de l’universalisme, puisque tous les hommes (et les femmes puisque Eve n’est pas citée) sont censés descendre d’Adam. Ensuite on y trouve la définition de l’Art lié à la Géométrie qui figure dans l’Article 1er des règlements généraux. On y notera que certaines formulations sont unitariennes et non trinitariennes, ce qui veut dire qu’Anderson a écrit ce texte sous la dictée. Cet unitarisme est la marque de l’influence de Newton sur les Constitutions. Il y en a d’autres: Les dimensions du temple de Salomon, données dans la partie historique, sont reprises de la Chronologie des anciens royaumes, déjà écrites en 1723, mais qui ne seront publiées qu’en 1728 après la mort de Newton.
Ensuite, Anderson serait-il l’auteur de ces Constitutions, de telles Constitutions ne portent pas le nom de leur auteur, mais celui de l’organisme qui s’en dote, ou de la date de promulgation. Dit-on les Constitutions de Michel Debré ?
Je suis étonné enfin que les partisans de la « transition », amateurs de vieux grimoires et qui vont exhumer les manuscrits de « old charges » des anciennes corporations pour prouver leur filiation avec la nouvelle Franc-Maçonnerie, survolent à tire d’aile les Constitutions de 1723, pourtant reconnues « comme charte initiale de la Franc-Maçonnerie. »