Une contribution de Jean Favry …
ÉVENTAIL DES CROYANCES
Que l’Homme et la société puissent progresser, c’est une croyance de base de la Franc-maçonnerie. Aujourd’hui cette croyance est de l’ordre de la foi, moins de la raison.
La foi dans le progrès a souvent cherché sa justification dans la raison : celle-ci n’observait-elle pas, depuis la Renaissance et René Descartes, que l’humanité se bonifiait avec les siècles, techniquement certainement mais aussi socialement. Loin de l’autre philosophie, hindoue celle-là, qui veut que nous soyons dans l’âge sombre, celui du Kali Yuga. Propos soutenu par René Guénon Je la laisse ici de côté.
Le progrès, une conviction encore affermi par les Lumières dont nous descendons présente cinq caractéristiques. Pour placer notre belle Voie sous les lentilles du macroscope.[1]Et débusquer ce qui, trop souvent , en nous, fait figure de certitudes, sans se poser trop de questions.
1) Tout évolue sans cesse. Le changement permanent, c’est la vie. Linéaire pour les Chrétiens mais cyclique pour les Francs-maçons qui n’ont cessé de mourir pour renaître, jusqu’aux derniers degrés. L’Apprenti(e), jeune initié(e) est invitée avec force à effectuer les premiers tours de l’hélice, tout comme le fait, à son niveau le Grand Commandeur.
2) Tout va de mieux en mieux. Les tenants du progrès, plus rares aujourd’hui qu’au XIXème siècle, sont persuadés que tout change, certes, mais dans le bon sens, à savoir une plus large ouverture, une meilleure porosité des gens et des peuples, qui vivent dans une plus grande sécurité, un plus grand confort, celui du corps mais aussi celui de l’esprit, aux relents dogmatiques parfois. L’influence de la religion n’est jamais bien loin. De plus en plus de Francs-maçons prennent la juste mesure historique des grands massacres des deux guerres mondiales et de l’atrocité extrême des camps de concentration. L’époque actuelle a beau être plus paisible que jamais, comme le démontrent les chiffres, nous ne pouvons nous exempter de ces horreurs. En tout cas, la croyance dans le progrès a pris, avec ces massacres, bien du plomb dans l’aile. Je me rappelle un Grand Maître général qui, il y a environ 15, 20 ans, prônait le doute au rang d’une valeur maçonnique. Plus personne ne s’étonne d’ajouter ainsi une nouvelle couleur sur notre palette axiologique.
3) Cette amélioration constante supposée de l’humanité, même si elle est minime à l’échelle de la planète, tendrait sans cesse vers plus d’altruisme. Les récentes recherches en psychologie et en neurosciences l’établissent : notre espèce -elle n’est pas la seule- est spontanément tournée vers l’entraide. Pour sacrifier à la mode, on dira que l’empathie est naturelle d’une part ; et que, d’autre part, en sa forme native, elle se cultive. C’est une des plus forts enjeux de la fraternité.
4) Cette amélioration est, en outre, effective : nous progressons ou pourrions progresser, non point tant dans les attitudes seulement mais aussi dans les actes, les engagements citoyens. Les initié(e)s , et nous en particulier, ont sans cesse à remettre la tâche sur le métier. À dénoncer, sans faillir les métaux de l’Avoir, du Paraître et du Pouvoir. Ce que, symboliquement, nous faisons lors de l’entrée solennelle en Loge.
5) La croyance dans le progrès s’appuie nécessairement sur la notion de projet. L’apophtegme Une spiritualité pour agir peut résumer notre Voie qui est en cours de maturation. Dans la partie « spiritualité » la Voie est dans l’ici et maintenant ou devrait l’être. Avec l’ « agir », elle se situe résolument dans le « ailleurs-plus tard ». Si elle est une philosophie du sujet, elle subordonne celui-ci à l’espoir d’une réalisation, grâce au projet qu’elle ne cesse de formuler. Projet pour l’individu qui est animé par une plénitude embrumée dans son inconscient. Projet également pour la société arrimée à plus de liberté, d’égalité, de laïcité.
Et pour finir, en affirmant et en réaffirmant sans cesse, que la clef des grandes portes du Temple reste encore et toujours la fraternité. N’est-elle pas le lit, le limon, le levain, le liant et la loi de la quête initiatique ?
ÉQUIPEMENT. Nous sommes des voyageurs, des bagagistes plutôt, fort souvent éclairés et avertis qu’ils portent sur les épaules, le sac qui contient le trésor, la Voie, une spiritualité pour agir. Déjà, aujourd’hui, comme certains de nos ancêtres, des Sœurs, des Frères entrouvrent le sac et contemplent, l’espace d’un instant, le trésor. Nous sommes très bien équipés, nous les maçons latins. Nous disposons, en effet de sept outils : le PROFIL ÉMOTIONNEL d’un Maçon réalisé et qui alimente le sens de notre vie. Le SOCLE DES VALEURS humanistes et altruistes ; le GABARIT DES ARCANES ; ce sont tous les ARCANES, ritèmes, symboles et mythes ; l’ÉVENTAIL DES CROYANCES avec ce que nous admettons sans grande discussion ; la GALERIE DES PERSONNAGES qui nous sont proposés comme modèles identificatoires ;enfin le BOUQUET DE CANAUX de transmission entre nous ; la PSYCHAGOGIE[2], le programme en trois degrés et au-delà peut être.
Cet équipement est désormais au point à quelques nuances près ; nous sommes donc outillé(e)s pour que notre voyage accouche d’un VOIE maçonnique.
FÉMININ.
1) Il est d’usage mondial de s’appuyer sur la différence anatomique des hommes et des femmes, pour évoquer le MASCULIN et le féminin, qui dérivent rapidement vers des attributs, des qualités, des valeurs…Les religions sont de la partie, qui chérissent le dualisme fallacieux à partir de la simple dualité. En séparant et en fixant les deux qualificatifs opposés de toute morale traditionnelle il y a le Bien et le Mal, le Beau et le laid, le juste et l’injuste, le grand et le petit.. comme si cela allait de soi, dans une réalité visible et palpable . On sait l’Orient traditionnel plus réfléchi et moins fixiste. Les trop bien connus Yin et Yang, mal lus à travers notre prisme culturel, sont des qualités en mouvement d’interpénétration continuel. Dans le Yi Jing, un des plus vieux livres du monde, existent 64 positions de vie ( les hexagrammes). 62 sont des compositions de Yin et de Yang et deux seulement ne sont que masculin et que féminin. De notre côté, deux états seulement et figés, attribués de toute éternité, semble-t-il, aux humains. Où sont les 62 positions du Yi Jing ?Plus loin encore.Les 64 hexagrammes du Yi Jing, de compositions diverses, spécifient, non des humains, mais des situations. Ce qui change complètement de notre regard d’Occidentaux.
En outre, notre interprétation de la nature en deux pôles et seulement deux pôles, entraîne des culs de sac métaphysiques : il est en effet souvent question de les mettre en relation et d’affrimer, selon son goût, qu’il s’agit d’états opposés ou complémentaires. Avec les médiocres sous-produits dérivés qui affublent de stéréotypes ce qui est de l’ordre du féminin et ce qui est de celui du masculin. Dépassons les réelles singularités anatomiques et psychiques des deux sexes, observées par les PSYCHOLOGUES ÉVOLUTIONNISTES. Aujourd’hui il devient assez fréquent d’entendre évoquer la notion de genre qui trouble tant nos consciences françaises Quant à notre inconscient individuel, il s’accommode fort bien de ces chevauchements sémantiques.
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