L’essence même du Maçon veut qu’il soit anonyme au milieu du monde des profanes dans lequel il évolue et doit se fondre sans aucun signe vestimentaire apparent de reconnaissance. Il en est tout autre lorsque ce même Maçon se présente en loge, où, en ces lieux préservés des regards curieux où inquisiteurs, il se doit d’arborer une tenue vestimentaire correcte ornée de « Décors » propres à ses grades degrés et qualités. J’évoquerai aujourd’hui, deux de ces « Décors » :
le tablier d’Apprenti
les gants blancs
Le tablier, constitue l’essentiel du « Décor » du Maçon. Au grade d’apprenti, il se compose d’un rectangle surmonté d’une bavette triangulaire. Il est fait de peau d’agneau blanche sans aucun ornement. A ce début de description du tablier, tout un symbolisme nous apparaît déjà. On constate la présence du rectangle qui ne saurait être que le rectangle d’or, lequel est surmonté d’un triangle, figure emblématique de la symbolique Maçonnique. La matière qui le compose ainsi que sa couleur sont tout aussi représentatives. L’agneau et le blanc ne sont-ils pas la représentation liturgique de la pureté de la virginité et de l’innocence ?
L’apprenti, porte son tablier la bavette relevée. On peut regretter les dimensions exiguës qui sont trop souvent données aux tabliers des Apprentis. Ces tabliers devraient être au moins aussi grands que ceux des Maîtres car en réalité, sur un plan opératif, l’ouvrier encore malhabile, doit se protéger plus encore que le Maître doué du savoir et de la précision.
Ragon, dans son rituel de l’Apprenti Maçon, dit au néophyte :
« « « Recevez ce tablier que nous portons tous et que les plus grands hommes se sont fait honneur de porter ; il est l’emblème du travail ; il nous rappellera qu’un Maçon doit toujours avoir une vie active et laborieuse. Ce tablier, qui est notre habillement Maçonnique, vous donne le droit de vous asseoir parmi nous, et vous ne devez jamais vous présenter dans ce Temple sans en être revêtu, la bavette levée » » ».
Ce tablier, qui ceint le Maçon, prend un sens symbolique, au même titre que l’aube ou l’étole d’un prêtre. Il sert, sur un plan extrinsèque, sinon à protéger, tel un isolateur, d’une part à l’aide de sa partie inférieure rectangulaire, à écarter le Maçon des influences nocives extérieures, lui couvrant les parties basses du corps point où la tradition reconnaît le siège de l’affectivité et des passions. D’autre part, à l’aide de son triangle relevé à lui protéger l’épigastre lié au plexus solaire, centre des sentiments et des émotions. De ce fait, seules les parties hautes du corps, siège des facultés raisonnables et spirituelles de l’homme, participent activement au travail permettant au Maçon d’atteindre la sérénité. Sur le plan intrinsèque, les sentiments, les émotions néfastes et les imperfections de l’Apprenti sont stoppées et ne risquent pas de gêner par leurs radiations la paix profonde du Temple. Dans une évolution logique des choses, après augmentation de salaire, les risques supposés et évoqués ci avant n’ayant plus raison d’être, la bavette pourra alors être rabattue sur le tablier l’osmose étant acquise entre l’être et son environnement. Les couleurs et ornements du tablier subiront une évolution.
A ce stade de ma planche, il est constatée qu’une évolution est possible dans les formes, couleurs et port du tablier. Il en est tout autrement en ce qui concerne les gants.
L’usage du port des gants blancs n’est pas encore tombé en désuétude et bien que les Maçons Français respectent cette tradition, il serait souhaitable qu’elle soit généralisée à l’ensemble de la Maçonnerie. Il est heureux de constater qu’en dehors de notre hexagone, il est des Pays étrangers où cette règle stricte ne souffre d’aucune exception.
Les gants blancs du Maçon, mais est-il utile de le répéter, de part leur couleur immaculée sont un symbole de pureté. Dans la liturgie catholique, la couleur des gants est liée à la pureté du cœur et des œuvres. Privilège des évêques et des cardinaux, dès le XII ème siècle, elle évolue et, elle est assortie aux couleurs des ornement sacerdotaux et devient respectivement violette et rouge.
En Maçonnerie, blancs ils sont, blancs ils resteront tout au long de notre vie de notre initiation à notre trépas, quelque soient nos grades ou fonctions. Naguère, lors de sa réception, l’Apprenti recevait de ses Frères deux paires de gants. L’une, pour lui et l’autre, qu’il devait remettre à la femme qu’il estimait le plus. Ces gants blancs évoquent, pour le Maçon, le souvenir de ses engagements. La femme qui les lui montrera lorsqu’il sera sur le point de défaillir, lui apparaîtra comme sa conscience vivante, comme la gardienne de son honneur. Quelle mission plus haute pourrait-on confier à la femme que l’on estime le plus ?
Le rituel laisse remarquer que ce n’est pas toujours celle que l’on aime le plus, car l’amour, souvent aveugle, peut se tromper sur la valeur morale de celle qui doit être l’inspiratrice de toutes les œuvres grandes et généreuses. Jadis, cette femme, jugée la plus digne, portait le nom de « clandestine ».
Historiquement parlant, il est dit aussi que les gants blancs du Maçon signifient que ses mains sont nettes car il n’a pas participé au meurtre d’Hiram.
Les gants blancs sont non seulement un symbole, mais encore objets rituels. Comme pour le tablier, on retrouve des similitudes dans les fonctions d’isolant du Décor.
Il est reconnu, de façon certaine, qu’un magnétisme réel émane de l’extrémité de nos doigts. Des mains gantées de blanc ne peuvent laisser filtrer qu’un magnétisme transformé et bénéfique à notre entourage. A contresens, ces mêmes gants protègent l’Apprenti des agressions extérieures provenant des objets impropres qu’il pourrait être amené à toucher.
D’une assemblée de Maçons où tous sont gantés, se dégage une ambiance très particulière que ressent d’ailleurs très nettement le moins averti. Une impression d’apaisement, de sérénité et de quiétude s’ensuit tout naturellement.
L’apport de ces signes distinctifs que sont nos « Décors » à une tenue profane et plus profond que l’on pourrait être tenté de le croire. Il en est ainsi d’ailleurs pour maints symboles qui deviennent efficient lorsque, d’un plan mythique ils passent à un plan rituel.
J’ai dit…
Auteur : Pierreduquercy