Dans la tradition occidentale, le silence est l’outil de l’apprentissage. Faire silence, c’est écouter ; c’est se rendre disponible à la parole de l’autre. C’est aussi se rendre sensible à ce qui se passe au-delà du langage. L’élève est silencieux parce qu’il doit apprendre. L’apprentissage traditionnel est initiation, imitation pour le perfectionnement. Le passage du seuil est possible parce que la personnalité profane est reléguée au second plan. Elle se tait pour faire place à un nouveau mode d’insertion au monde, celui de l’accès au sacré mais aussi l’accès au secret.
Dans la tradition orientale, le silence est d’abord celui du mental, hors de la pensée discursive et logique. Dans le silence de la méditation, le méditant va tenter de réduire les fluctuations du mental où les soubresauts de l’intellect sont comparés parfois à ceux d’un singe. Dans ce processus, la relation sujet-objet, observateur-chose observée changent. Ce qui est pensé des choses et par conséquent ce qui en est dit laisse la place à la connaissance-fusion, conscience unitaire qui abolit la distance entre connu et connaissant.
Vécu de manière individuelle et d’une manière plus prosaïque, le silence en soi est vecteur de disponibilité. C’est le silence du mental qui permet l’intuition, l’accès à l’irrationnel comme pendant à la pensée rationnelle. Les intuitifs font silence pour que la voix intérieure puisse se faire entendre. Ce silence est parfois absence.
Il n’y a plus d’observateur. Seuls s’expriment la chose, la voix prophétique, le symbole. Ici, il n’y a plus connaissances, initiation, sagesse, mais transe. A l’exemple des devins ou médiums, la personnalité de l’opérateur ou sa spiritualité importent peu. Seul comptent ses capacités à laisser la place libre, ce qui n’est pas sans danger, du fait de cette disponibilité facilitant le passage à certaines forces.
Si le silence de la personnalité permet l’émergence de l’esprit, encore faut-il que s’établisse le dialogue. Le dialogue est issu de la permanence de l’observateur, de sa stabilité. Dialogue intérieur, dialogue avec le Soi ou dialogue avec l’Ange selon tel ou tel point de vue. Bien que toujours vécu comme une expérience étrangère ou peu banale (car non incluse dans nos modes de fonctionnement habituels), ce dialogue implique une écoute qui ne soit pas démission, mais une attention (a-tension).
Un autre aspect du silence est celui du silence volontaire de celui qui sait, qui répond d’une certaine manière et en quelque sorte à l’attente de l’étudiant. Le Porteur de vérité se tait car il sait que les mystères de l’initiation sont au-delà des mots et que la Parole vraie est un acte créateur. Le verbe est réellement vivant, novateur et porteur d’énergie créatrice.
En contrefaçon ou contre initiation, vu de façon triviale, il s’agira parfois du maintien d’un secret de fabrication, qui place le soi-disant détenteur du secret dans une position dominante. Au mieux, ce silence est un refus de divulguer une connaissance technique et pratique. L’objection est qu’elle pourrait être employée à tort par un récipiendaire mal préparé, ce qui est possible. Les secrets techniques demandent non seulement un tour de main, mais un savoir faire, dont le sommet est le chef d’oeuvre du Maître, que le mauvais apprenti est seulement capable de plagier ou de voler. Au pire et malheureusement dans la majeure partie des cas, il y a une domination issue de pouvoir personnel. Alors il s’agira en fait de préserver des secrets de polichinelle qui forment la matière première du fond de commerce de certains charlatans.
Le silence de l’initié est aussi la reconnaissance de l’incommunicable. En ce sens, cela fait partie intégrante de l’initiation. L’initié se tait parce que ses mots sont porteurs d’un sens qui échappe au profane et qu’il ne sert à rien de dire à qui ne peut entendre. Tout savoir technique repose sur des modèles dont les formes s’ébauchent par le trait et la lente et libre construction selon des règles de divulgation. La pensée n’échappe pas non plus à des règles d’élaboration, de structures où la communication du sens dépend des qualités de réception et d’émission. Le silence à ce titre est la rupture de la continuité qui crée un autre mode de transmission où le possible peut émerger par la qualité vibratoire. Pour aller plus loin, le Silence est aussi respect de la Parole. Le Logos, le verbe devient l’expression de la volonté de l’Unique, manifesté dans la Parole vraie. Acte créateur par excellence, la Parole crée le pouvoir impersonnel, nomme les choses et ce faisant leur confère une existence sur le plan spirituel et matériel. Toute structure réelle s’échappe d’abord d’une matrice. L’économie du verbe, le Silence est alors le reflet d’une connaissance spirituelle issues des lois de l’équilibre et de la construction. A ce titre, il devient l’essence et le fondement préalable à toutes choses.
Source : http://membres.multimania.fr/theaph/Silenc.html
Tout cela est important.
Il faut le lire, le relire et y réfléchir.
Bon courage à tous
FRATERNITE