Une pensée à notre regrettée Claude….
Claude Darche a rejoint GADLU.INFO pour une chronique toute en beauté et symbolisme avec LE SILENCE DE LA PIERRE BRUTE ou LA DÉCOUVERTE DE L’ ÉCOUTE
Pensées fraternelles « ma » Claude !
LE SILENCE DE LA PIERRE BRUTE ou LA DÉCOUVERTE DE L’ ÉCOUTE
« Le silence est comme l’ébauche de mille métamorphoses », Yves Bonnefoy
Il n’est pas toujours simple pour l’apprenti de comprendre qu’après son initiation, le silence sera de rigueur . Il faudra faire de ce silence une écoute, une attention, un accueil, une discipline , bref il lui faudra souvent renverser l’ordre de ses priorités. Prendre la parole et s’exprimer , ce sera pour plus tard, pour le compagnon qu’il deviendra . Aujourd’hui, c’est l’apprentissage du silence, silence en soi-même , arrêt du tumulte des pensées qui volètent dans notre mental et le font s’agiter au quotidien. Silence en soi-même pour apprendre à s’écouter, silence respectueux devant les symboles que peu à peu il apprendra à connaître, à interpréter et à intégrer, silence devant les interventions de ses aînés, silence devant des paroles qui dérangent, ne lui conviennent pas ou qu’il ne comprend pas. Silence qui peu à peu va prendre sens, silence qui devient écoute, puis accueil qui évoluera vers le partage avec l’autre, celui dont on ne suit pas forcément les conceptions, les idées, les interprétations.
La parole maçonnique utilise une méthode originale d’accouchement des esprits, assez proche de la maïeutique et de la dialectique socratique . En outre, en mettant les locuteurs dans une position d’attente de leur tour de parole, le rituel temporise– au sens étymologique du terme – c’est-à-dire écarte toute spontanéité et oblige à une certaine maturation de la réflexion. Comme le souligne Oswald Wirth « les idées se mûrissent par une méditation silencieuse , qui est une conversation avec soi même. Les opinions résultent de débats intimes
qui s’engagent dans le secret de la pensée. Le sage pense beaucoup et parle peu «
L’apprenti est en quelque sorte un « débutant « dans un monde dont il ignore tout . Comme le dit Shunryu Suzuki, fondateur de monastères zen, dans votre vie soyez toujours un débutant, et en Maçonnerie soyez toujours un débutant ! Car adopter la posture du débutant permet de sortir des jeux de rôle de l’ego – imposés ou choisis – d’évoluer dans la connaissance de soi et des autres, de ne pas s’accrocher à des croyances erronées ou limitantes et de se rendre disponible aux opportunités que la vie nous envoie. Sortir de la toute-puissance du « moi je » nous déleste d’un poids considérable et rend également les relations avec les autres plus fluides et plus authentiques. Dernier bénéfice de ce que l’on appelle l’humilité : elle favorise la prise de conscience des principes d’impermanence de toutes choses et d’interdépendance entre les êtres.
Qu’est ce que le silence ?
Lorsque nous ouvrons un dictionnaire, nous constatons que le mot « silence » possède de nombreuses significations. Le premier est de ne pas parler, donc de se taire. Le silence est ainsi l’absence de parole, l’absence de mots . Le fait de ne pas s’exprimer, de ne pas employer de langage articulé. Il s’agit de savoir si le
silence a un sens ou non. S’il possède des significations, des explications cachées. Le silence comme absence de parole veut-il dire quelque chose ? Renvoie-t-il à une signification, au-delà de lui-même ? Renvoie-t-il à la présence d’un sens dont la signification pourrait excéder, dépasser la capacité des mots ? Ou, au contraire, à l’absence et au néant définitif de tout sens véritable ?
Le principal symbole du cabinet de réflexion : le silence
Il y a dans le cabinet de réflexion un symbole inexprimable qui n’a pas de support matériel et qui est pourtant plus présent que n’importe quel autre support: le silence.
Le silence est un moyen de communication. Quand se taisent les bruyantes passions du monde, le cherchant qu’est entrain de devenir l’apprenti, peut enfin écouter. Il est à peine besoin de rappeler que le second surveillant aura tout loisir durant le temps des l’apprentissage de faire comprendre à ses « élèves « que leur loi en tant qu’apprenti commence par le silence et finit par la méditation.
En fait, les deux sont liés ; le silence est la condition de la méditation ; il est fait de réceptivité, de disponibilité ; il rend possible le travail d’assimilation, d’intégration à soi-même des valeurs de la nature, l’ensemble de ces efforts devant permettre à l’initié d’être en harmonie avec l’univers.
D’une manière générale, le silence des passions, le silence des troubles engendrés par la vie sociale est une condition d’une méditation approfondie qui n’affecte pas seulement la pensée mais encore l’ensemble du Moi de celui qui s’y livre.
Dans de nombreuses religions, en particulier le bouddhisme, la méditation a un caractère libérateur, précisément dans la mesure où elle affranchit de fausses images que la société multiplie autour de nous. Plus près de nous, la vie silencieuse des cloîtres exerce une fascination croissante sur les hommes et les femmes exposés au stress quotidien. Pour y répondre, de plus en plus de communautés ouvrent leur porte et permettent aux laïcs de partager leur quotidien. Un mode de vie qui n’attire pas que des croyants. De plus, les couvents sont souvent installés dans des endroits magnifiques où la lumière rayonne. Toute la question est de laisser tomber l’agitation. Beaucoup de choses se décapent dans le silence, Il faut du silence pour voir ce qu’il y a derrière les choses, autrement on reste à la surface. Le silence permet de durer, de tenir, sinon on risque de vouloir faire avancer les choses par soi-même sans succès.
Il s’agit-là de rétablir une communication directe entre l’être intérieur et la nature environnante.
Dans l’Antiquité, les Stoïciens définissaient l’immédiateté d’un contact entre l’homme et la nature par le “ logos ”. C’était à la fois l’armature de l’univers et de l’individu, ce qui suffisait à expliquer que l’homme comprend la nature et l’univers, parce qu’ils sont étroitement apparentés.
Celui qui a découvert le lien avec l’univers cesse d’être dépendant de l’opinion d’autrui ; il cesse d’être un jouet que la société fait agir à sa guise parce ce qu’il tire le sens profond de ses actes et leur justification de lui-même sans avoir besoin de s’appuyer sur les autres. Pour trouver le silence, il faut donc descendre en soi. Élevé à sa véritable dimension, le silence est avant tout une discipline libératrice qui doit distinguer le sage, l’initié, le maçon, le philosophe de tout autre. Rappelons dans ce contexte que le temple de Salomon a été construit en silence, tout travail bruyant ayant été effectué au loin et seul l’assemblage d’éléments préfabriqués intervinrent sur place.
En se dépouillant de ses métaux, l’apprenti ne commence-t-il pas la longue méditation vers l’essentiel, le « qu’est-ce-qui est essentiel à ma vie, à mon existence, qu’est-ce-dont j’ai réellement besoin « , qu’est ce que je cherche, quel est le sens de ma vie etc … ?
Lorsque le nouvel initié ne peut donner son obole parce que privé de ses métaux, ce n’est pas une humiliation qu’il subit, mais un enseignement d’humilité constructive. Cette conception de l’humilité est également enseignée par la loi du silence, faisant que l’apprenti s’abstient de prendre la parole.
Le silence de l’apprenti dans le cabinet de réflexion est sa première épreuve et le deuxième surveillant aura à cœur de démontrer à l’apprenti que c’est également son premier outil.
Parce qu’il s’agit-là d’une thérapie de l’âme afin d’aider celle-ci dans sa quête de vérité. La loi du silence permet de faire taire son orgueil, son amour-propre et ses passions. L’humilité, c’est apprendre à regarder son propre comportement au lieu de se concentrer sur celui des autres. C’est savoir ou apprendre à savoir qu’il y a des vérités sur nous-même cachées à l’intérieur par notre ego, qui refuse de les voir, nous maintenant ainsi souvent dans l’illusion et dans l’erreur.
Cette humilité-là, on l’apprend par le silence car elle ne s’extériorise pas et que pour être authentique, elle doit rester intérieure. L’apprenti doit apprendre à abandonner les frontières du langage profane. Le silence et la méditation lui permettront d’admettre le caractère infini de sa recherche de la vérité.
Concentré sur lui-même, il sera plus sensibilisé dans sa recherche d’un équilibre entre les valeurs telles que : l’amitié, la fraternité, la connaissance, la noblesse du coeur, la justice, la raison, la morale et la loyauté.
Le coeur et l’intelligence aussi doivent faire silence.
Mais il ne faut pas confondre silence et mutisme, Si le silence est un prélude d’ouverture à la lumière, le mutisme est la fermeture à la lumière, soit par refus
de la recevoir et de la transmettre, soit par punition de l’avoir brouillée dans le tapage des gestes et des passions. Il cache parfois un refoulement permanent. Le silence ouvre un passage, le mutisme le ferme.
Selon les traditions, il y eut un silence avant la création; il y aura un silence à la fin des temps. Le silence enveloppe les grands événements, le mutisme les cache; l’un donne aux choses grandeur et majesté, l’autre les dégrade et les déprécie.
Le silence, disent les grandes règles monastiques, est une grande cérémonie qui fait surgir un dialogue silencieux avec notre coeur,notre être profond, et nous fait découvrir la beauté comme lorsqu’on écoute de la musique. Le silence se teinte de toutes les infinies nuances de nos vies. Sans cesse, si on l’écoute, il nous parle et nous renseigne sur l’état des lieux et des êtres, sur la texture et la qualité des émotions rencontrées. Il est notre compagnon intime, l’arrière-fond permanent sur lequel tout se détache. Lieu de la conscience profonde, il fonde notre regard et notre écoute.
Et la méditation? Selon l’étymologie, c’est la mesure.
Démystifier la méditation c’est aussi et surtout la relier à son mystère fondateur, celui d’un secret spirituel qui est à l’origine de toute initiation, qui est la source à partir de laquelle l’expérience intérieure devient possible.
En résumé nous pouvons dire que le silence, c’est accepter de se taire sur ses propres bruits intérieurs, pour accepter d’aimer la personne de l’Autre, de lui accorder crédit, de lui faire confiance. C’est un moment de foi en l’Homme qui libère une nouvelle connaissance. C’est arrivé à taire sa propre fébrilité pour faire confiance à la personne de son interlocuteur ; la compréhension du message est devenue inséparable de l’acceptation de la personne. On ne peut rien recevoir de son Frère, si, d’abord, on ne l’aime pas.
SILENCE ET SECRET
Le secret est quelque chose qui doit être tu, tenu caché, non divulgué et comme on raconte de choses sur le secret maçonnique alors qu’en fait ce qui fait le secret est tout simplement que notre initiation, notre parcours sont tout simplement incommunicables ! et oui, voilà le grand secret de la maçonnerie, que
“Les idées se mûrissent par une méditation silencieuse ,qui est une conversation avec soi même. Les opinions résultent de débats intimes qui s’engagent dans le secret de la pensée. Le sage pense beaucoup et parle peu » découvriront nos apprentis.
Oswald Wirth dans son ouvrage « La Franc Maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes « cite un extrait d’un ancien rituel anglais où le tuilage démarrait par les paroles citées ci-dessous :
D – Y-a-t-il quelque chose entre vous et moi ? R- Oui, Vénérable Maître D- Qu’est-ce , mon Frère ? R – Un secret
D- Lequel ?
R – La Franc Maçonnerie
D- Je présume donc que vous êtes Franc Maçon ?
R – J’ai été reçu et admis comme tel par mes Frères Maîtres et Compagnons
Toutes les sociétés secrètes ou discrètes ont entre elles des signes de reconnaissance qui permettent à tous leurs membres de se reconnaître comme faisant partie de la même association, c’est ce que l’on appelle le tuilage constitué d’un mot de passe et d’un mot sacré transmis lors de l’initiation.
Dans La Maçonnerie Disséquée de Samuel Prichard, on peut lire la définition du secret maçonnique :
D- Quels sont les secrets des Maçons ?
R- Des signes, des attouchements et beaucoup de mots
D- Où conservez-vous vos secrets ?
R- Sous mon sein gauche
D- Avez-vous une clé pour ses secrets ?
R – Oui
D – Où la tenez-vous ?
R – Dans une boîte en os que ne s’ouvre, ni ne se ferme , si ce n’est avec les clés d’ivoire
La clé est la langue, la boîte en os symbolise la bouche et les clés, les dents.
Il s’agit donc de se taire pour ne rien révéler de L’Ordre et de ce que l’on nous a transmis lors de notre initiation
Le silence du passage sous le bandeau
Même avant son initiation, il a été demandé au profane de ne rien révéler de ce qu’il pourrait avoir vu, entendu , lors de cette « cérémonie « si étrange et si bouleversante à la fois, premier contact du profane avec cette société qui lui demande pour être interrogé de porter un bandeau sur les yeux, afin qu’il ne puisse rien voir des membres qui la composent et du décor qui habille le temple ou la loge. Avant que ne débute réellement la cérémonie d’initiation, on lui demandera de prêter son premier serment de silence et de ne rien révéler à quiconque de ce qui va suivre , ainsi le Vénérable Maître s’adressera à lui en ces termes :
« Je vous demande au nom de tous les Sœurs et Frères ici présents et au mien, de réitérer solennellement votre premier serment de silence . Jurez-vous quoi qu’il arrive , que cette cérémonie soit interrompue ou continuée intégralement, de ne rien révéler à quiconque, pas même à un proche parent, pas même à un frère ou à une sœur, à un époux ou à une épouse, de ce que vous allez entendre, voir ou subir ?
Le candidat : je le jure «
Dans son serment d’affiliation et d’appartenance à la Franc Maçonnerie,
l’apprenti prend l’engagement de ne dévoiler aucun des secrets de l’Ordre Maçonnique au risque d’être voué à une fin tragique et peu souhaitable. Le signe guttural , signe d’ordre, rappelle et ce n’est là qu’une de ses significations, que si l’apprenti ou le maçon parle, le châtiment pourrait être exemplaire puisqu’il pourrait avoir la gorge tranchée. Rappelons pour mémoire que la seconde signification de ce signe d’Ordre est de rappeler que les paroles ne doivent être exprimées qu’avec modération et réflexion , pas question de parler en loge pour parler. En loge, on s’exprime et l’on prend la parole lorsque l’on pense que cela enrichira la planche qui vient d’être lue, le débat qui s’engage etc…
Un extrait du serment d’entrée dans l’Ordre Maçonnique :
Moi, nom et prénom, je promets et je jure sur mon honneur d’homme ou de femme libre, solennellement et sincèrement, et sans restriction mentale d’aucune sorte de ne jamais révéler aucun des secrets de la Franc Maconnerie qui vont m’être confiés qu’ à un bon et légitime Frère ou Sœur , de ne jamais les tracer, écrire ou buriner , sans l’autorisation de mes Maîtres, ni former aucun caractère par où les secrets de l’Ordre Maçonnique puissent être dévolés, sous peine d’avoir la gorge tranchée …
En outre lors de son investiture, il lui est communique les secrets propres à son grade, le premier dans l’Ordre maçonnique : signe, attouchements et mots sacrés. Dans un moment nous clôturerons nos travaux en jurant de respecter la loi du silence… ce qui n’est pas l’omerta bien que nous ayons, nous aussi, des parrains ! Il s’agit pour nous du silence absolu, c’est-à-dire du secret. Un mot encore sur le silence qui s’impose à la fin de la lecture d’un travail d’apprenti. ..le silence de tous les frères et Sœurs qui écoutent la planche et ne la commentent . Pour l’apprenti, c’est un nouveau temps d’épreuve dans le prolongement des voyages de la cérémonie d’initiation. Un temps qui doit le conduire dans sa recherche et son désir de valoriser tout ce qui n’appartient pas strictement à l’ordre des utilités, c’est à dire : la poésie, l’amour, la contemplation de la nature, la fraternité, la tolérance ; tout ce qui dépasse l’homme, le porte plus haut que lui, l’arrache à sa petitesse, à sa médiocrité pécuniaire, à sa compulsion maniaque d’accumuler. C’est aussi ce silence, le respect de la planche qui vient d’être lue, du travail qui a été fourni, de la pensée qui a été élaborée, du vécu relaté en toute sincérité. N’oublions pas, le silence est un lien. La minute de silence pour le profane, la chaîne d’union pour le maçon, le silence de ceux qui nous ont quittés, des absents qui nous parlent; Le silence devient alors recueillement.
Silence, outil de réflexion ,de méditation et de Connaissance
Faire silence , être dans le silence, se taire, permet non pas de se fermer au monde et aux êtres qui le composent, mais au contraire de s’ouvrir, d’entendre, d’écouter ce monde, sa palpitation, son énergie, sa vibration, son rythme qui est aussi la nôtre. Pour ma part, quand avant mon passage sous le bandeau, je me suis retrouvée dans le cabinet de réflexion , seule, et livrée à moi-même, je n’ai pas trouvé cela désagréable, bien au contraire. Enfin se poser, enfin être écoutée, entendue par des êtres qui, j’en étais certaine, en étais capable, et n’était nullement là pour me juger, mais pour me comprendre, mieux me connaître, une rencontre pour savoir si nous allions nous entendre. Quel soulagement ! je suis sans doute un cas atypique, et encore ? Lors de mon passage sous le bandeau, je me suis sentie comme dans un cercle rassurant, chaud, généreux , où les questions fusaient , me semblait-il, de tous côtés, mais nulle peur et nulle angoisse , pendant et après, j’avais répondu aux questions que l’on me posait du fonds de mon cœur, avec le plus de sincérité et si mes réponses ne leur allaient pas, alors tant pis car moi, j’étais ce que j’avais dit, expliqué et ne pouvais pas être autre chose.
Lorsque je me suis retrouvée dans le cabinet de réflexion , avec les symboles propres au lieu et dont nous avons parlé précédemment, même sentiment de calme et de plénitude. Enfin, de vraies questions, enfin des choses intéressantes, moi qui trouvais toujours que tout ce qui m’entourait était superficiel et sans grand intérêt. Le silence a-t-on pu écrire, est assourdissant, pour moi, il fut doux, tranquille, calme, réconfortant, entendant de temps à autre quelques bruits ou quelques froissements de vêtements, puis des mots que je ne comprenais pas, mais dont je saisissais quelques bribes.
Lorsque je fus initiée et qu’au fil des tenus, j’ai siégé sur la colonne du nord, j’ai trouvé cette position paisible. Ainsi, j’avais tout mon temps pour découvrir les
symboles du temple, voir les Sœurs déambuler, m’imprégner de la rituélie, m’emplir des mots qui revenaient à chaque ouverture et fermeture des travaux. Comme un mantra dont mon esprit s’imprégnait et qui me donnait insensiblement une nouvelle force. J’ai toujours été attirée par le silence, il ne m’a jamais semblé pesant, lourd d’absences ou d’angoisses, il a toujours été mon ami , rempli de rêves, d’imaginaires, de sentiments et d’émotions toujours vécues du plus profond de moi-même. Le silence me convient, m’apaise, me permet d’aller dans des mondes inconnus , du moins je le crois au début, et ensuite mes différentes lectures m’apprennent que les mondes que je croyais inconnus, existent également pour d’autres.
Réfléchir signifie , selon le Larousse, arrêter sa pensée sur quelque chose pour mieux le comprendre, l’appréhender . On ne réfléchit pas dans le brouhaha incessant du monde et de ses bruits, on réfléchit dans la solitude et le calme, le silence devient alors la meilleure solution pour entrer en soi-même et visiter ce temple inconnu qui est notre propre personne, aussi bien notre corps que notre esprit . VITRIOL, visite l’intérieur de la terre et en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée, est-il écrit sur les murs du cabinet de réflexion. Ce qui revient à dire à l’apprenti « rentre à l’intérieur de toi-même, et vois ce qui s’y passe, regarde –toi et regarde sans embellir ou noircir , regarde-toi avec amitié et lucidité, et apprends peu à peu à rectifier ce qui , chez toi, va à l’encontre de
l’harmonie, de la justice, de la beauté, de la sagesse, que tu es venu trouver en ce lieu, ce temple, qui n’est que la représentation spatio-temporelle de ton être et de ton esprit .
Réfléchir sans intellectualiser, réfléchir en laissant son esprit être attentif à ce qui se passe ici et maintenant, c’est sans doute cela méditer. La réflexion, l’attention, en harmonie avec le lieu et le temps devenus tous deux sacrés , invitent à la méditation, méditation sur nous-même, méditation sur le temps, la vie, la mort, les axes essentiels de la pensée d’un individu en interrogation sur le sens de sa vie sur terre.
Le silence qui devient méditation invite à la Joie, au bonheur de se sentir être, exister, car on peut vivre, faire des choses, même des tas de choses, travailler, manger, discuter, dormir, lire sans exister . Exister, c’est faire vivre la personne qui est en nous, exister c’est être en harmonie , c’est le fait que notre être intérieur est en harmonie avec l’être extérieur, que ce nous pensons soit en harmonie avec ce que nous faisons, et cela c’est exister.
La joie de vivre est reliée au sentiment d’être soi et d’habiter pleinement son existence, sans vouloir être “autre”. Ce qui l’empêche ? Le fait de rester bloqué sur la signification que l’on donne à son histoire, l’interprétation négative que l’on opère du passé, même très proche. Ce ne sont pas les épisodes douloureux ou les échecs qui font barrage, mais le sens que nous choisissons de leur donner. Souvent, nous nous voyons “victime” de traumatismes antérieurs, réels ou vécus comme tels, et si nous fondons notre identité sur ces événements, nous ruminons et nous nous emprisonnons nous-même. Je crois, au contraire, que chaque malheur, petit ou grand, est l’occasion de se découvrir, de se redéfinir pour mieux habiter sa vie. Et l’aimer. Nous avons tous en nous les ressources pour modifier la signification du monde, reconstruire, pardonner… Nous pouvons aussi compter sur un événement extérieur pour donner ce nouveau sens à notre histoire : une rencontre, la lecture d’un roman, une activité physique comme la marche, l’écriture, une musique, une thérapie… Rien n’est figé, et bien des choses peuvent nous permettre de trouver ou retrouver le sentiment d’exister et de vivre en harmonie. Le silence sur la colonne du nord va permettre à l’apprenti d’appréhender la connaissance qu’il a de lui-même, il va peu à peu se découvrir et-ou se re-découvrir, se confronter à ses zones d’ombre et de lumière.
S’illusionner sur les priorités essentielles de la vie détourne notre regard de vraies sources de richesse. La société vend du rêve et alimente nos croyances. Par exemple, nous donnons parfois davantage d’importance à l’argent qu’au sens de la vie, alors que le “gagner plus” n’est en aucun cas source de satisfaction pour l’individu. De même, nous faisons souvent passer le travail avant la famille et les amis, ce qui nous éloigne d’autrui et du sens profond de l’existence.
Pour éprouver une joie de vivre profonde, il faudrait sortir de ces illusions et se recentrer sur de vraies valeurs, plus intérieures, profondes et durables, celles qui nous sont réellement bénéfiques : le sens, la relation, l’engagement dans des actions utiles. Cessons de vouloir nous conformer à un modèle socioculturel assez lointain de la nature humaine. En conservant à l’esprit que le goût pour la vie n’est ni la quête obsessionnelle d’un bonheur idéal, ni, inversement, une grâce qui tomberait par hasard sur les humains, fixons-nous des objectifs existentiels accessibles pour parvenir à les savourer.
L’être humain ne se conçoit pas sans une relation avec lui-même. Quand vous prenez conscience de votre capacité de faire exister, de créer de l’être, de mettre au monde de l’existence, vous savez alors qui vous êtes vraiment, un être humain conscient et naît alors en vous une joie d’être, un sens intarissable et vivant de paix. C’est l’émotion agréable de ressentir ce qu’est en vous l’authentique essence de la vie. C’est la joie du donneur d’être, la joie de prendre conscience, de réfléchir, d’aimer, de chercher, de découvrir, de reconnaître, de vous sentir enraciné et unifié. Cette joie est comme un flot, comme un mouvement intérieur qui ne cesse de vitaliser. Elle est à la source de tous vos contentements, de toutes vos satisfactions et elle fait contraste avec la jouissance bien éphémère d’avoir ou de posséder.
Le silence, la méditation amèneront notre apprenti à ressentir de petits changements en lui , et par voie de conséquence à se poser de bonnes questions sur lui, son existence, ses proches, autrui, l’autre et les autres. Il ou Elle se sentira engagée dans une vraie démarche de vie, de réflexion et de connaissance.
Claude DARCHE
Claude Darche, née le 15 juillet 1958 à Saint-Cloud, est une auteur d’ouvrages concernant l’ésotérisme et la franc-maçonnerie. Elle fut grand maître de la Grande Loge féminine de Memphis-Misraïm de 2002 à 2006. Aujourd’hui, elle se consacre à ses domaines de prédilection : le symbolisme du tarot, l’intelligence, intuitive, les phénomènes de synchronicité, le coaching. Elle est membre du comité scientifique du Musée de la franc-maçonnerie.
Sites de Claude Darche :
Bibliographie de Claude Darche :
- Les poèmes de l’île, éditions Saint Germain des Près, 1973
- Ouvertures, poèmes publiés aux éditions Saint Germain des Prés, 1978
- Initiation Pratique au Tarot, éditions Dangles, 1992
- Le Grand Livre des Tarots, éditions Solar, 1993
- La Pratique du Tarot de Marseille, Éditions du Rocher, 1994
- Le Grand Livre de l’Astrologie, Éditions Solar, 1995
- Libérez votre intuition, Éditions du Rocher, 1995
- La Maîtrise du Tarot de Marseille, Éditions du Rocher, 1997
- Le Tarot, Voie de l’Amour, Éditions du Rocher, 2000
- Initiation Pratique au Tarot Égyptien, Éditions Dangles, 2002
- Le Tarot de Mademoiselle Lenormand, Éditions Dangles, 2003
- L’Oracle de Belline, Éditions Dangles, 2004
- Images du Patrimoine Maçonnique, Tome II, Les Hommes, Detrad, 2004
- Le vade-mecum de l’Apprenti, Dervy, 2006
- Le vade-mecum du Compagnon, Dervy 2007
- Le vade-mecum du Maître, Dervy 2008
- Tarot, outil de développement intérieur, Éditions Dangles, 2008
- Le vade-mecum des Hauts Grades, Éditions Dervy, 2009
- Le Tarot divinatoire, Éditions Eyrolles, 2009
- Développer son intuition, Éditions Eyrolles, 2009
- Le vade-mecum des Ordres de Sagesse du Rite Français, Dervy, 2011
- Méditations dans le Temple, Dervy, 2012
- Femme de Lumière, roman initiatique, Ed du Désir, novembre 2014
- Le vade-mecum du Second Surveillant, Dervy, 2014