Les profanes ont l’habitude d’accuser la franc-maçonnerie d’être une société secrète. Qu’en est il de ce secret ?
Dans son organisation temporelle la Franc-maçonnerie n’a rien d’occulte. Elle est régie, dans chaque pays, par les mêmes lois que toutes les autres associations. Tous les Francs-maçons sont fiers de leur appartenance à l’ordre et s’ils ne cherchent pas toujours à cacher leur qualité, ils ne songent point à en tirer une vaine gloriole. Nous ne sommes pas des gens secrets, nous sommes simplement discrets sur notre appartenance à l’ordre maçonnique car l’histoire nous a appris a être prudent. Ceci étant dit, il est de fait que les portes de nos Temples ne sont pas ouvertes à la foule de la rue telles celles des églises, des temples, des mosquées… Ceci tiens principalement à la qualité de l’enseignement maçonnique. Autant tout un chacun peut être, à sa mesure, prêt à recevoir un enseignement exotérique, autant tous ne sont point habiles à recevoir et goûter le fruit de l’enseignement ésotérique traditionnel.
Il est aussi certain que le secret le plus impénétrable protège l’âme spirituelle de l’ordre, son contenu initiatique. Et si ce secret n’a jamais été divulgué, c’est pour la raison bien simple qu’il est incommunicable. Car si nos rites initiatiques ont pour effet de préparer les néophytes à recevoir la « lumière », celle-ci ne sera donnée à chacun d’eux qu’individuellement et pour lui seul grâce et en fonction de son travail ésotérique et sa persévérance sur le chantier. L’initiation s’acquiert et se vit pleinement alors qu’elle ne peut s’exprimer que très partiellement. Le maître n’intervient que pour aider le néophyte à effectuer sa mutation, le mettre sur la Voie. En aucun cas il ne peut accomplir pour lui ce changement d’état d’Etre par une opération magique extérieure et instantanée. C’est toute la qualité de l’ésotérisme initiatique.
Le volume de la Loi Sacrée est ouvert à la page de l’Evangile de Saint Jean : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu . » … et plus loin « en lui était la Vie et la Vie était la Lumière des hommes. » Ceci est à la fois beau et obscur, émouvant et hermétique ; devons nous accepter ce texte comme une entité purement symbolique sans chercher à l’expliquer ou bien devons nous tenter d’y découvrir le message occulte qu’il doit sans doute contenir ?
Le Livre a été donné aux hommes pour comprendre. Il leur faut le lire avec les yeux de l’âme, de l’esprit et du cœur et s’ils conjuguent les efforts de leur raison et de leur intuition, ils déchiffreront la lettre et en assumeront l’esprit. C’est en effet le Verbe qui en syntaxe exprime le rapport du sujet et de l’objet. Lorsqu’il est isolé, il constitue une force potentielle, une réserve d’énergie en sommeil. Dès qu’il est proféré, mis en mouvement, il donne un sens aux choses éparses en les situant les unes par rapport aux autres. Le verbe exprime l’action, il la crée et y participe. Il est donc à la fois substance et structure. C’est pourquoi dans le langage du symbolisme initiatique, dans notre langage « il est au commencement et il est avec le créateur et il est le créateur lui-même ». C’est le verbe qui qualifie et détermine l’action, le mouvement donc la Vie. Il est lui-même l’action. Il est la vie, cette vie qui nous anime et qui, nous dotant de mobilité dans l’univers des choses, nous confère l’existence par rapport au monde extérieur et donne existence à ce monde extérieur par rapport à nous-mêmes.
C’est ainsi qu’il est véritablement la lumière des hommes car seul il nous permet de voir toutes choses et de nous voir parmi les choses, de saisir les rapports qui unissent les objets entre eux et qui nous unissent à eux, d’en apercevoir le relief, d’en prendre la mesure. Tout se tient et tout est lié, le Franc-maçon s’efforce de vivre dans la réalité et le Réel. Au gré de notre progression sur le chemin nous pressentons, nous percevons, nous savons bien que matière et esprit ne sont que deux aspects complémentaires de notre réalité substantielle. A nous de les saisir simultanément et d’en réaliser continuellement l’équilibre harmonieux dans la force et la beauté et accèder à l’universel et à l’éternel.
La vérité ne se doit point chercher dans l’insolite et l’inhabituel. Elle éclate dans les moindres manifestations de notre vie.
Comme l’a écrit l’ancien Grand Maître Henri TORT-NOUGUÈS:
« La pensée symbolique apparaît ainsi comme l’outil du franc-maçon. Elle lui permet d’accéder, s’il veut bien l’entendre, à une forme de connaissance originale et spécifique. … Elle l’invite à découvrir l’homme lui-même dans toutes ses dimensions, naturelle et spirituelle, et peut lui restituer … sa véritable dimension métaphysique : celle qui définit l’être même de l’homme comme conscience, comme raison et volonté … comme essentielle et inaliénable liberté ».