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LE SECRET DE LA TOUR EIFFEL


Même en vacances profanes et maçonniques, la Lettre du Dimanche continue de paraître, afin de garder un contact avec cette Fraternité qui nous est chère en nos cœurs.

Exceptionnellement, cette fois-ci la LDD comportera deux épisodes, dont le numéro 2 sera sur la LDD de dimanche prochain avec

Le secret de la Tour Eiffel (Tiré de l’ouvrage : Au coeur de la Franc-maçonnerie « Huit récits contemporains » Éditions Numérilivre)

Cent vingt ans ! Elle a cent vingt ans et on ne le dirait pas ! Fièrement campée sur ses jambes, les hanches généreuses, un buste effilé qui lui donne ce légendaire port altier, reproduit en millions de photos à travers le monde, non, vraiment, elle ne fait pas son âge ! Aujourd’hui pourtant, une fois n’est pas coutume, la tour Eiffel a la tête dans les nuages, cernée d’une écharpe cotonneuse, comme si elle était grippée ! Je suis au 2ème étage de cette cathédrale d’acier, gigantesque vigie de la Capitale, un peu déçue de ne pas découvrir l’horizon circulaire habituel. Je vois seulement, en baissant la tête, le ruban d’aluminium de la Seine, qui coule en contre-bas. Et, en la relevant, les jardins gazonnés du Trocadéro, encadrés par les deux ailes blanches du Palais de Chaillot.

Ce samedi après-midi, dans la foule des parisiens et touristes qui tournent en rond sur la plate-forme pour tenter un improbable cliché, je remplis ma mission d’exploration. L’accès au 3ème étage n’est pas possible pour cause de brume, mais je n’avais pas l’intention d’y monter. Je me le suis même interdit, promesse maçonnique oblige. Je fais l’expérience, grandeur nature, de la parole donnée. Selon notre protocole, je dois envoyer un témoignage de mon passage ici, à Mathilde ma « première surveillante ». La borne Internet, près du restaurant « Le Jules Verne », tombe bien. J’envoie mon e-mail et aussi, j’en profite, une carte postale avec le tampon spécifique « Tour Eiffel/ Belle Epoque » à Lauriane, ma fille, qui en fait collection. Dernier détail de ma visite, entouré d’une rambarde au centre du palier, le « puits de vision », que j’ai failli rater. La vue plongeante sur le champ de Mars, par le grand hublot de cette cheminée évasée de treillis métalliques, est impressionnante. 120 mètres plus bas, s’agitent en tous sens les promeneurs, points minuscules au bout de mon regard, fil à plomb imaginaire. J’ai le sentiment d’observer des colonies de fourmis au microscope.

Serrés comme des sardines, l’expression convient bien au paquet de gens dans la cabine de l’ascenseur, dont je suis solidaire ! Les poutrelles d’acier entrecroisées défilent et remontent devant mes yeux : impossible de bouger, la descente ultra rapide me chahute un peu. Une sensation de plongée silencieuse dans le vide, de sol qui se dérobe, puis d’atterrissage au ralenti, 1er étage, je ferme les yeux, les rouvrent, voilà les toits de Paris. J’entrevois au loin, dans la lumière transparente d’avril, l’Arc de Triomphe et la masse verte et tremblotante du Bois de Boulogne. Rez-de-chaussée, sortie sur le terre-plein, je reprends mes aises, j’ai horreur d’être compressée. Léger vertige, je déglutis. Fin de mon rallye-promenade.

Je ne sais pourquoi mes parents m’ont appelée Camille. J’ai eu bien du mal à m’y faire, d’autant que mes camarades, filles et garçons, à Belfort, l’ont très longtemps, trop longtemps, transformé en rigolards et lancinants « Camomille ! Camomille ! dans la cour de l’école, à m’en boucher les oreilles, pendant les rondes ! Jusqu’au jour où les épreuves du Bac venues et passées, tout content de m’annoncer la bonne nouvelle avec un retentissant : « Camomille, Camomille…tu es reçue ! », Clovis, un garçon turbulent de ma classe que je connais depuis ses culottes courtes, s’est pris la gifle de sa vie ! Tout le monde m’appelle Camille depuis cet incident ! Mais je regrette encore aujourd’hui mon geste incontrôlé, de colère et de joie, bizarrement mélangés, devant le panneau d’affichage des résultats. J’espère qu’il m’a pardonné, d’autant que lui, je me souviens, n’a pas eu son diplôme, cette année-là !

Mère monoparentale, comme on dit aujourd’hui, je pratique deux métiers complémentaires : je suis journaliste indépendante depuis une quinzaine d’années, spécialisée dans la mode de luxe, à Paris, et en même temps organisatrice d’évènements professionnels pour des agences. Grâce au télétravail, je rédige mes articles chez moi – à destination des journaux et magazines qui m’emploient – tout en m’occupant de ma fille de dix ans. Lorsque je dois m’absenter une soirée pour un défilé de mode, je la confie à + Nadine sa marraine, venue comme moi de Belfort et…voisine de palier, on ne peut pas mieux faire ! Nous avons eu la chance de pouvoir louer en même temps deux petits appartements, dans le XVème arrondissement, tout près de la Seine. La circulation urbaine devenue très problématique et coûteuse, j’ai supprimé la voiture, et opté pour le métro. A partir de la station Javel ou Charles Michels, je suis sur les Champs-Elysées, au Palais Royal ou rue Saint-Honoré – mes lieux opérationnels – en moins d’une demi-+ heure. Et maintenant, je suis toujours exacte à mes rendez-vous. Fini le stress ! En plus, sous terre, j’écoute mes musiques préférées sur mon « Ipod » ! Même debout, accrochée à la barre. J’oublie les gens autour. Et que je suis un peu claustrophobe…

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A.S.: