MISCELLANÉES MAÇONNIQUES par Guy Chassagnard
En franc-maçon de tradition, attaché à l’histoire de ce qui fut jadis le Métier de la Maçonnerie avant que de devenir la Maçonnerie spéculative des Maçons libres et acceptés, notre frère Guy Chassagnard met en chroniques ce qu’il a appris dans le temple et… dans les textes ; en quarante et quelques années de pratique maçonnique. Ceci selon un principe qui lui est cher : Apprendre en apprenti, comprendre en compagnon, partager en maître.
Chronique 119
1738 – Le second Livre des Constitutions
La Grande Loge de Londres approuve, en janvier, le Nouveau Livre des Constitutions de l’Ancienne et Honorable Fraternité des Maçons Libres et Acceptés, qui lui est présenté par le révérend James Anderson.
Aux « anciennes » règles, l’auteur en a ajouté de « nouvelles ». Surtout, il a modifié le texte de l’obligation « concernant Dieu et la religion» du Livre des Constitutions de 1723.
• Édition 1723. – « Un maçon s’oblige, de par sa tenure, à obéir à la Loi morale ; et s’il comprend bien l’Art, jamais ne sera stupide athée, ni libertin irréligieux. »
• Édition 1738. – « Un maçon s’oblige, de par sa tenure, à observer la Loi morale, en véritable Noachite ; et s’il comprend bien le Métier, ne sera jamais un athée stupide, ni un libertin irréligieux, ni n’agira contre sa conscience. »
Les différentes rééditions de l’ouvrage d’Anderson, qui seront faites en 1756, 1767 et en 1784, apporteront quelques altérations au texte initial. L’édition de 1784 fera l’objet d’une révision complète de l’ouvrage ; et présentera dans le détail les procès verbaux de grande loge. L’édition de 1815 enfin tiendra compte de la récente fusion de la Grande Loge d’Angleterre et de la Grande Loge d’Atholl ou des Anciens.
Selon l’édition de 1738, « toutes les Grandes Loges étrangères sont placées sous le patronage de notre Grand Maître d’Angleterre. »
« Mais l’Ancienne Loge d’York et les Loges d’Écosse, d’Irlande, de France et d’Italie se déclarant indépendantes sont sous la dépendance de leurs Grands Maîtres, bien qu’elles aient les mêmes Constitutions, Statuts et Règlements que leurs frères d’Angleterre, et qu’elles soient également fidèles à la pratique et aux secrets de l’Ancienne et Honorable Fraternité. »
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© Guy Chassagnard – Auteur de :
- La Franc-Maçonnerie en Question (DERVY, 2017),
- –Les Constitutions d’Anderson (1723) et la Maçonnerie disséquée (1730) (DERVY, 2018),
- –Le Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie (SEGNAT, 2016).
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Ces modifications n'ont pas été du goût de la GL des Modernes, qui critique le nouveau texte d'Anderson. L'année suivante quand le pasteur décède, les maçons, dont le fidèle Desaguliers, ne sont que très discrètement présents aux obsèques du pasteur tel que le relate le Stamford Mercury de 1739
« Hier soir a été porté en terre dans « Bunhill-Fields », la dépouille du Dr Anderson, un professeur dissident, dans une tombe étonnamment profonde. Son poêle était porté par cinq professeur dissidents et le révérend Dr. Desaguliers. Il était suivi par environ une douzaine de francs-maçons qui ont encerclé le tombeau. Et après un sermon du Dr Earle sur l’inconstance de la vie etc., sans dire un seul mot sur le défunt, les frères, dans une posture très solennelle et lugubre, élevèrent leurs mains, firent un signe et frappèrent trois fois leur tablier en l’honneur du défunt. »
Etonnant article sur l’enterrement de celui qui était censé avoir écrit les Constitutions de 1723 et rédigé celles, toutes récentes, de 1738 ! C’est presque, sur le plan maçonnique, un enterrement « à la sauvette » quand on le compare aux manifestations qui accompagnent le décès d’un Frère et notamment, celle des obsèques d’Anthony Sayer qui auront lieu deux ans plus tard
D’abord, aucune mention des titres maçonniques d’Anderson, mais une référence à son statut de professeur « dissident ». Les Universités dissidentes étaient des universités de théologie protestante qui étaient dispensées de faire allégeance au Roi d’Angleterre, comme chef de l’église anglicane, contrairement aux Universités officielles. C’est ce statut d’enseignant dans une université « dissidente » qui est mis en avant à ses obsèques et d’ailleurs, ce sont cinq professeurs de son université, sur les six personnes qui tiennent le poêle, qui l’accompagnent à sa dernière demeure. La sixième personne était le fidèle Desaguliers qui a tenu à être présent et qui a sans doute rameuté la douzaine de frères qui n’ont prononcé aucune oraison sur le défunt et se sont contentés de faire les signes de deuil autour de la tombe.
Est-ce la Grande Loge qui a refusé les honneurs maçonniques à Anderson et Desaguliers ne serait venu qu’à titre personnel ? Ou est-ce Anderson qui a refusé toute manifestation maçonnique à ses obsèques et Desaguliers aurait fait venir quelques frères pour rendre discrètement un hommage maçonnique à son vieil ami ? Ou un peu des deux ?
C'est d'ailleurs le texte de 1738 en ce qu'il relate la fondation de la GL en 1717 qui est remis en cause par certains historiens actuels.