Franck Fouqueray nous offre dans Les illustrissimes blogueurs : « Les empêcheurs de maçonner en rond », un billet tout en humeur et humour intitulé « Le salut par le symbole ou par le combat social ?« .
Le salut par le symbole ou par le combat social ?
Comme chacun le sait, il existe deux courants principaux dans l’Art Royal, celui constitué des maçons qui pensent qu’on change l’Humain en changeant la société (travail de la maçonnerie sociale) et celui constitué des maçons qui pensent qu’on change la Société en changeant l’Humain (travail de la maçonnerie symbolique).
Ceux qui me connaissent un peu savent que je suis partisan, du moins pour mon travail personnel, des Loges où l’on travaille sur le symbolisme maçonnique. Entendons-nous bien, je dis : pour moi ! Cela signifie que chacun va dans la Loge qui lui correspond. La maçonnerie n’est pas un uniforme de postier et surtout, elle n’est pas un moule pour individus en mal de modèle. Elle ne sert surtout pas à se conformer à un quelconque archétype. Elle sert à nous révéler dans notre essence. C’est pourquoi, certains auront besoin de travailler leur Rituel de manière plus « religieuse » que d’autres. Certains devront le faire entre hommes, ou entre femmes, d’autres en mixité. Tout est dans la nature et tout est très bien ainsi. Si nous décidions d’uniformiser la FM en France, elle ne tiendrait pas dix ans.
Pour aborder le volet du choix sociétal ou symbolique, les Êtres humains vont vers la Sagesse par des routes totalement différentes et toutes aussi louables. Qui peut dire que notre route est la meilleure ? Il convient toutefois de rappeler que la maçonnerie est née à une époque où notre monde avait une profonde nécessité de socialisation, de mutualisation et d’équité. Pour reprendre le slogan d’un célèbre opticien « mais ça c’était avant ! », car les temps changent et les nécessités actuelles sont totalement différentes.
La Franc-maçonnerie n’étant pas figée, l’oignon qu’elle constitue, avec ses diverses pelures, peut désormais dévoiler d‘autres couches et d’autres vertus, qui avaient certainement échappées aux adeptes de la maçonnerie purement rationnelle, pour ne pas dire la maçonnerie politique, technique ou historique pour certains.
André Malraux avait totalement raison lorsqu’il affirmait : « Le xxie siècle sera spirituel ou ne sera pas. » Dans nos Loges, il en est de même. La quête de sens et de spiritualité devient de plus en plus importante. L’arrivée croissante du féminin en maçonnerie influence à n’en pas douter, la manière dont nous maçonnerons à court terme. Le travail devient ainsi plus intérieur. Cette tendance va s’intensifier jusqu’à devenir une norme pour les générations futures. Nos palabres sur la mixité deviendront des discussions d’arrière-garde dans un futur pas si lointain.
Il y a un point sur lequel nous sommes tous d’accord : nous pouvons reconnaître que nos acquisitions matérielles ne nous ont pas assouvi (voitures, résidences secondaires, ordinateurs, outils nomades…). Ces objets n’ont pas réussi à nous apporter le bonheur tant attendu. C’est pourquoi, si la maçonnerie des deux derniers siècles a permis des avancées en matière sociale, il me semble bien que la maçonnerie du xxie siècle permettra des avancées humaines et spirituelles. Les changements interviendront alors sur les consciences. Tout ceci, bien entendu, n’engage que moi, car la visite de certaines Loges ne permet pas encore de bien se rendre compte des mutations en cours. Mais une chose me semble évidente : c’est que le vrai combat de la FM en 2015 se trouve sur le terrain du sens et de la spiritualité, que cela plaise ou non à certaines instances de grandes obédiences qui racolent sur des thèmes qui ont plus leur place dans les organisations syndicales que dans les Loges.
J’en imagine déjà certains en train de sauter sur leur siège, en affirmant haut et fort que tous ces combats sont cruciaux et nécessaires, pour le devenir de notre société. J’aimerais juste leur rappeler que nous sommes en franc-maçonnerie, et que les métaux doivent rester à la porte du temple. Par ailleurs, quelle légitimité peuvent avoir une vingtaine de Francs-maçons d’horizons et de métiers différents, pour parler de procréation médicalement assistée (PMA), d’OGM, d’euthanasie ou tout autre sujet qui nécessite une parfaite connaissance des dossiers ?
J’ai encore assisté à une tenue cette semaine ou trois Frères parlaient de Laïcité et aucun des trois ne lui donnait le même sens. Quelle perte de temps et surtout quel entretien d’une illusion perdue, ou pire… quel orgueil exacerbé dans certains cas.
Soyons un peu lucides, en quoi vingt personnes en tabliers, dont les travaux doivent rester secrets hors de la Loge, peuvent changer la face de la planète ? Il faut creuser un tombeau pour son orgueil et se ramener à la raison, la réponse est : aucune !!!
Quelle est l’efficacité politique actuelle des maçons dans la société : aucune !!!
Certains aimeront certainement imaginer qu’ils changent la face de l’Univers avec leurs planches approximatives, mais comme le dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité. »
Je sais que ce propos va en énerver quelques uns, mais soyons lucides, essayez de citer une seule action concrète qui a influencé notre société depuis vingt ans ?
Vous allez être en colère contre moi, je le sais. Mon propos n’a d’autre but que de rappeler que toute cette mascarade n’a d’autre conséquence que de créer de la désillusion chez les Sœurs et Frères. Mais surtout, d’engendrer une séparation entre les Francs-maçons eux-mêmes, car ce travail pervers ne fait que de stigmatiser le principe de dualité que nous essayons justement de dépasser par notre travail en Loge. Certains maçons se prennent pour le coq Chantecler de la pièce éponyme d’Edmond Rostand. Vous savez le coq qui détient un terrible secret : en chantant, il peut faire se lever le Soleil. Je connais des maçons qui changent ainsi le monde et l’Univers en se réunissant en fin de journée.
Pour conclure cette partie, j’aimerais partager avec vous une pensée qui résume assez bien la dualité entre la maçonnerie sociale et la maçonnerie symboliste.
Ce que dit l’ego :
« Lorsque tout sera en place, je trouverai la paix. »
Ce que dit l’esprit :
« Trouve la paix et tout se mettra en place. »
Alors ce changement de l’intérieur, comment s’opère t-il ? Quels sont ses outils ou symboles ?
Je ne répondrai certainement pas à tout dans cet article. Mais comme vous le savez, les questions sont souvent plus importantes que les réponses. Pour parler de nos rituels, lorsque nous recevons la Lumière, nous sommes aussitôt pris en charge par le(a) second(e) surveillant(e) dont le sautoir est caractéristique de la démarche maçonnique, avec le fameux fil à plomb. Pour certains ce symbole est certainement semblable aux décors de Noël, c’est-à-dire purement décoratif. Il reste que tout apprenti maçon ayant reçu une instruction digne de ce nom, vous dira que ce symbole est associé au R du V.I.T.R.I.OL., c’est-à-dire qu’il sert à rappeler le principe d’alignement et de rectitude. En somme, sa vocation est de nous apprendre à tenir droit pour mieux recevoir la Lumière de midi. Le grade suivant est associé à l’horizontalité. Le niveau à plomb invite le compagnon, une fois debout, à apprendre à nourrir et à se nourrir de l’autre, le Frère ou la Sœur.
J’aimerais bien qu’on m’explique ce qu’un apprenti non instruit, ou plutôt endoctriné par les idéologies plus proches du syndicalisme que de la FM, ensuite élevé au grade de compagnon, peut bien échanger de riche avec les membres de sa Loge ?
Nourrir et se nourrir ne signifie par discuter ou philosopher, cela veut dire nourrir de qui nous sommes dans notre essence. Cela veut dire créer une réelle culture de l’âme au sein de l’athanor maçonnique qu’est la Loge.
Lorsque le travail des fondations est absent, l’élévation en grade se fait sur une échelle de valeurs qui repose sur la dualité, la compétition et bien souvent, son unique moteur est l’orgueil. Ainsi, il n’est pas étonnant que certains maçons qui étaient venus en FM pour disserter et changer la face (sociale) du monde finissent par repartir déçus. Je ne parle pas ici des puissants, des gouvernants qu’on retrouve ensuite à la une des journaux après certains scandales politico-financiers lorsqu’on n’y rajoute pas des scandales de mœurs, je ne parle que de maçons tout simple, des sans grades.
Nous connaissons tous des Loges dont la recette spirituelle est perdue depuis belle lurette. Mais alors, vous allez me dire : « ce type de Loge repose sur quel principe pour perdurer ainsi ? »
J’ai enquêté et il me semble que ses membres ont bien compris que leurs travaux ne changeraient évidement plus la face de notre monde depuis quelques décennies. Il apparait que le deuxième degré de notre Art Royal leur permet d’expérimenter et de développer ce qu’on nomme la relation fusionnelle. Leur lien repose sur une entité collective qui dépasse l’égrégore. La Loge devient pour eux un complément d’eux même et non plus un supplément transcendant. Elle devient une excroissance de leur esprit et non plus un outil pour grandir et se révéler. C’est merveilleux me direz-vous, car il s’agit du monde du Un, celui de la fusion que nous aimerions tous retrouver !
On pourrait le penser, mais ce phénomène engendre généralement des méfaits chez ses adeptes. En effet, il coupe ses participants de tous ceux (les autres) qui ne sont pas dans leur sphère affective. Ainsi, plutôt que de s’ouvrir sur le monde et de respecter notre rituel qui nous demande de répandre au dehors les enseignements appris au-dedans, ils se coupent en se nourrissant d’un groupe devenu partie d’eux même. Il s’agit en quelque sorte de consanguinité affective. Ils se rassurent en se regardant en permanence au travers des membres de leur Loge dans le miroir où tout le monde pense pareil, car il ne saurait être question de tolérer une brebis égarée. Je connais de ces Loges qui ont refusé un candidat car la couleur de ses opinions politiques ne correspondait pas à la couleur générale de la Loge.
La maçonnerie est un merveilleux outil. D’ailleurs, tous les outils qui rassemblent ce qui est épars sont bons, du moins s’ils aident les Humains dans leur élévation pour la quête de sagesse et le sentiment de liberté. Lorsqu’un outil sépare l’Humain de ses congénères, il devient dangereux. La FM comme tous les outils que nous utilisons présente des dangers, il suffit de les connaitre et de les utiliser avec prudence. Pour être certain de ne pas se tromper il n’existe qu’un moyen… interroger sa conscience. Encore faut-il l’avoir bien aiguisée préalablement !
Franck Fouqueray
Il est né à la Grande Loge du Royaume du Maroc en 2002. Il est membre de la GLMMM et vient de terminer son 2ème mandat de Vénérable Maitre.
Il démarre sa carrière dans les arts martiaux (Judo, Karaté, Boxe chinoise…). Il se lance ensuite dans la création d’entreprises en France, au Canada et aux USA grâce à la vague Internet. Il est le fondateur de Troc-Temps qui est l’ancêtre du premier « Système d’Echanges Locaux » en France. Il y crée la première banque sans argent (Caisse de Transactions, basée sur la réciprocité d’achats entre les membres et devenu en 2014 www.reciprok.org). Il enrichit son expérience d’une dizaine d’années de travail dans diverses disciplines du développement personnel (Rebirth, EMDR, Psycho-généalogie, Dynamique émotionnelle, Méditation de pleine conscience…). Il est aussi comédien de théâtre et de cinéma.
Il est l’auteur du « Manuel de survie pour apprenti maçon voulant démissionner »
Site : www.manuel-de-survie.com
Sans trop savoir ce que je cherchais, je suis entré en FM dans une obédience adogmatique – un peu – politisée et j’ai continué dans une autre moins sociétale et plus symbolique qui m’a permis de connaître et comprendre que je me cherchais pour donner sens à la vie, à ma vie.
Embryons, nous sommes tous jusqu’à la 4ème ou 5ème semaine (si ma mémoire ne me trompe pas) de type féminin puis nous nous différencions pour naître femelle ou mâle de l’espèce humaine. En grandissant, certain(e)s s’efforcent à devenir Femme ou Homme en développant les vertus bienveillantes, altruistes et désintéressées qui les font reconnaître comme tel(le)s.
En FM j’ai rencontré des FF et des SS dont le comportement persistant dans leurs paroles en parfaite adéquation avec leurs actions ne pouvait que m’inviter à les reconnaître comme des Femmes et des Hommes mais j’ai trouvé également des femelles et des mâles infiltrés pour des raisons qui leur sont propres dont certain(e)s toutefois ont ensuite évolué en responsabilité, en humanité et humilité et les autres ont démissionné. A chacun son chemin !
Je rejoins notre TCF Franck sur la nécessaire influence féminine croissante pour la FM qui évoluera, non vers la parité de ce que je définis comme le combat infécond de la dualité, mais vers la complémentarité, vers le partage et vers l’élévation spirituelle de chacun d’entre nous.
N’oublions pas, jamais de garder Vigilance !
Je suis dans une loge du G.O.D.F, nous travaillons au REAA et très symbolistes, je veux dire que nous avons choisi de construire l’homme avant la société, Tout ça pour dire que même minoritaire, cette façon de travailler éxiste. Nous sommes tout à fait conscient de ne pas être des donneurs de leçons , le combat sociétal est un combat qu’il faut mener, mais pas en loge. Nous avone fait notre une phrase de notre frère Corneloup » milite sur le forum, médite dans le temple, mais ne fait pas du temple, un forum. Merci pour cet article qui conforte nos choix.
En tant que femme dans une obédience réputée sociétale et devenant mixte depuis seulement quelques années, ces différences s’estompent entre les deux types d’approches (Symbolique, Sociétale). Elles se complètent et nous enrichissent, c’est cela qui est important. Dans la plupart de nos loges les Apprentis ne font que des planches symboliques, tandis que celles des compagnons en font aussi mais de manière différente. Est-ce que traiter de la couleur bleue (et de son histoire) est sociétale ? De même qu’aborder Hugo Pratt et Corto Maltesse ? J’avoue que l’idée que la mixité renforcerait le symbolisme est originale et intéressante, sauf si elle stimule la misogynie de certains F.
En tant que femme dans une obédience réputée sociétale et devenant mixte depuis seulement quelques années, ces différences s’estompent entre les deux types d’approches (Symbolique, Sociétale). Elles se complètent et nous enrichissent, c’est cela qui est important. Dans la plupart de nos loges les Apprentis ne font que des planches symboliques, tandis que celles des compagnons en font aussi mais de manière différente. Est-ce que traiter de la couleur bleue (et de son histoire) est sociétale ? De même qu’aborder Hugo Pratt et Corto Maltesse ? J’avoue que l’idée que la mixité renforcerait le symbolisme est originale et intéressante, sauf si elle stimule la misogynie de certains F.
Merci pour ce beau texte plein de vérités simples et ouvertes.
Je suis au GODF et pourtant je travaille sur le symbole, la spiritualité et sur la cité. L’homme est entre l’équerre et le compas et c’est le trait d’union entre le matériel et le spirituel. Le rite français pour la Loge bleue, le REAA pour la Loge de Perfection c’est aussi cela le cheminement qui va de l’épais au subtile. Gardons notre cheminement et notre outil, la franc-maçonnerie. Nous n’avons aucune exclusivité, aucune vérité à imposer, tout est dans l’équilibre et l’harmonie entre le Ciel et la Terre dans notre utilisation du niveau. Surtout, évitons de transformer la FM en une simple méthode de développement personnel, elle est bien plus que cela. Ce serait une erreur capitale. Thierry