Une rumeur s’était répandu dans ce pays-là, d’abord silencieusement, puis de façon plus insistante. Il y a comme cela des paroles muettes qui circulent entre des êtres en recherche. Quelqu’un prétendait connaître l’existence d’un sage « ayant découvert tout seul le chemin de la liberté. »
Un adolescent, un jour, entreprit le voyage et se renseigna. On lui indiqua une direction, et sur le chemin qu’il suivit il rencontra l’amour d’une qui ne cherchait pas la liberté mais qui avait besoin surtout d’être aimée. Il l’aima donc et quand elle fut sûre d’être aimée, elle put le quitter. Il y a comme cela des amours de besoin, qui s’épuisent quand ils sont satisfaits. Le jeune homme se retrouva seul. Il reprit sa route et rencontra une qui l’aima et se laissa aimer.
Il grandit dans cet amour-là jusqu’au jour où il fut suffisamment grand pour quitter l’aimante. Il y a comme cela des amours pépinières, qui permettent de croître. Il reprit le chemin et durant plusieurs années parcourut la solitude.
Un matin, il s’éveilla avec un désir, celui de rencontrer un autre désir. Il le rencontra et ce fut la fête. La fête dura mille jours et mille nuits.
À l’aurore d’une nuit, il se quittèrent, comblés, rassasiés, chacun tellement émerveillé l’un par l’autre qu’ils imaginèrent que rien de plus beau ne pourrait leur arriver. Aussi chacun de leur côté multiplièrent-ils les rencontres. Lui en trouva beaucoup, beaucoup.
Un jour cependant, il reprit le chemin, et sur ce chemin il rencontra une femme qui lui demanda avec ferveur: « agrandis-moi, prolonge-moi, donne-moi un enfant de toi.
Il lui en donna cinq. Il croyait à la générosité de la vie. Quelques années plus tard, un midi de plein soleil, il reprit le chemin.
Ce n’était plus un jeune homme, c’était maintenant un homme traversé de cicatrices, à la fois vulnérable et puissant, qui s’avançait sur le chemin de la liberté. Il lui fallut encore d’autres rencontres, d’autres errances, d’autres enthousiasmes et d’autres étonnements pour découvrir et rencontrer enfin le sage de la liberté.
Quand il furent face à face, l’homme interrogea le sage sur son secret, sur le meilleur de son enseignement, sur la rigueur de sa recherche, sur le noms des maîtres qu’ils avaient eus, sur les souffrances et les thérapies engagées qu’il avait traversées.
Le sage ne répondit à aucune des questions. Il dit seulement :
« La seule connaissance intime que j’ai est liée à ma seule découverte: je sais aujourd’hui dire non ou oui, sans me blesser. »
Ainsi se termine le conte de l’homme qui chercha longtemps, longtemps le chemin de la liberté.
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J'ai du mal à croire à ce conte.
Mes blessures d'amour sont-elles que je ne trouverai pendant encore longtemps ce "conte contemporain" de Salomé que j'aie rencontré à Marseille dans les années 80.
Il me semble que ce conte était déjà paru avec comme (h)auteur Jacques Salomé. Peut-être me trompe-je ?... dirait l'éléphant !
Quel plaisir que de lire ce beau texte. Pourtant je ne suis qu'une femme et ce récit ne peut concerner qu'un homme. Il est maitre de sa vie, il arrive et il part. Il donne reconfort à beaucoup de femmes et puis on se laisse en plein accord, vous dites. .J'ai des problèmes à y croire, surtout pour cette femme qui lui a donné cinq enfants, sans compter ces derniers, évidemment.
Lui, il trouve sa liberté, qui ressemble plutot à une fuite de la société avec ses obligations en quete de nouvelles aventures.
Pendant ma vie j'ai eu de telles expériences, on s'entraimait et on se dépannait, mais une fois que l'autre partait fort de toutes ses certitudes retrouvées, les miennes étaient pretes à s'effacer ....