Voici une planche sur le « Rôle du parrain » en franc-maçonnerie…
Le parrain est celui qui nous amène à découvrir la Lumière, c’est également celui qui est là…toujours là….Lourde responsabilité que celle d’être le parrain d’un de ses frères ou sœurs…
« Le parrain, un mot qui devrait naturellement imposer le respect, tant il est chargé d’émotions et de souvenirs pour tout franc-maçon.
Le parrain, c’est ce frère qui nous a un jour permis de frapper à la porte du temple pour renaître à une vie nouvelle. Le parrain, par ce qu’il nous a apporté tout au long de notre vie maçonnique, a naturellement une place toute particulière au fond de notre coeur. Et pourtant…
Le parrain, non pas celui joué par Marlon Brando mais bien cet homme qui, un beau jour, s’est dévoilé à un autre homme, un ami bien souvent, qui errait dans les ténèbres et qui recherchait la lumière. De longues discussions se sont indubitablement enchaînées durant de nombreuses soirées. Des sujets graves aux thèmes plus légers, tout aura certainement été abordé entre ces deux hommes qui, bientôt, se retrouveront frères à jamais, jusque dans l’orient éternel.
Un chemin parcouru à deux
Après plusieurs mois destinés aux procédures administratives et aux enquêtes effectuées sur le candidat, le grand jour enfin arriva pour chacun. À l’un, l’on ouvrait toutes grandes les portes du temple, lui permettant ainsi une renaissance. À l’autre, l’on offrait un redoutable cadeau, celui de devenir parrain et d’avoir la lourde mais ô combien merveilleuse et exaltante mission de guider un filleul – ce nouveau maillon – tout au long de son parcours maçonnique qui le conduira plus tard à la maîtrise. Mais avant que son filleul ne découvre les secrets du grade suprême en maçonnerie dite bleue, le parrain devra prendre une part active, en compagnie des deux surveillants de l’atelier notamment, à l’instruction de son nouveau frère. Et afin de lui faire découvrir la richesse du monde maçonnique et ses nombreux rites, le parrain n’oubliera pas d’emmener régulièrement son filleul en visite dans d’autres loges. Ainsi, petit à petit, cette amitié profane se modifiera en un amour fraternel qui s’affermira encore un peu plus de jours en jours. Trois, cinq, sept, chaque âge permettra au jeune filleul de parcourir cet univers de tolérance et consolider encore un peu plus la chaîne universelle d’union.
Mais tous les frères ont-ils eu la chance de vivre ainsi leur renaissance et leur parcours maçonnique? Je le leur souhaite vivement mais je sais que les contacts entre parrains et filleuls ne se déroulent pas toujours ainsi. Peut-être, n’ayant aucune relation parmi nos frères, un profane at- il, au moment où il s’est décidé à faire le grand saut, simplement contacté la chancellerie de l’Alpina? De là, on lui aura attribué un parrain que l’on dit de «substitution». Ils ne s’étaient jamais vus, ils ne se connaissaient pas, pourtant, ce futur parrain s’est immédiatement comporté comme s’ils avaient toujours été de la même famille, mettant ainsi plus ou moins à l’aise ce futur frère.
Un dialogue continu
Enfin le grand jour arrive où l’on procède à l’initiation. Qui des deux, parrain ou filleul, est le plus anxieux mais également le plus fier? Difficile à dire mais en salle humide, alors que tous fêtent cette nouvelle acquisition en portant les santés rituelles adéquates, les regards complices et fraternels se croisent entre les deux hommes. Trop de choses se sont passées durant cette soirée et la nuit a été des plus agitée. Dès le lendemain, le filleul inonde son parrain de questions. Pourquoi? Comment? On dirait un enfant émerveillé… Le parrain explique, le filleul tente de comprendre mais ce n’est guère facile. Pourtant, ce filleul a à coeur de s’instruire consciencieusement, d’ouvrir son esprit, de vaincre ses passions et de soumettre sa volonté. Né libre et de bonnes moeurs, il n’aura de cesse de s’améliorer, en écoutant silencieusement, assis au septentrion, ses frères durant tout l’apprentissage puis en partageant ses connaissances, ses expériences et ses doutes durant le compagnonnage, après avoir vu l’étoile flamboyante et être passé de la perpendiculaire au niveau. Enfin, viendra un jour l’élévation à la maîtrise, cérémonie au cours de laquelle une transformation en profondeur s’opérera secrètement. La boucle enfin sera bouclée. En chambre du milieu, le frère devenu maître, jouissant ainsi de tous ses droits en loge, pourra lui aussi, un jour, parrainer un profane qui sollicite la lumière. Mais durant ce long et passionnant parcours, le parrain, quant à lui, aura suivi, pas à pas, les progrès de son protégé, répondant à ses questions, s’intéressant à son parcours. Petit à petit, il aura subtilement intégré dans ses réponses de nouveaux paramètres de réflexion, cela afin de permettre à son filleul de continuer à progresser sur le chemin de la vérité, avec le secret espoir que l’élève dépasse un jour le maître.
Etre à la hauteur
Cette relation quasi fusionnelle, bien des frères l’ont connue et la vivent toujours avec leur parrain. Malheureusement, il existe également des cas, certes plus rares, où le parrain n’a pas été à la hauteur de la charge confiée par la loge. Très certainement, dès la présentation du dossier de candidature, les frères de l’atelier avaient eu des doutes. Lorsque l’on veut parrainer un profane, l’on se doit d’être un frère sans aucun reproche, motivé et assidu en loge, désintéressé dans son engagement maçonnique. Dès le début, ses absences continuelles et non excusées, son manque d’entrain ou de fraternité en avaient refroidis plus d’un et beaucoup ne le voyaient pas dans le rôle du parrain. Et pourtant, le dossier présenté paraissant si intéressant, les frères n’ont pas voulu péjorer ou refuser une candidature sérieuse au motif que le futur parrain ne semblait pas à même d’assumer sa mission. Peutêtre, placé devant toutes ces nouvelles responsabilités, allait-il ouvrir les yeux et comprendre ce que l’on demande à un franc-maçon? Pour certains, devenir parrain leur enseigna beaucoup et ils se réapproprièrent les vertus auxquelles les frères croient. Pour d’autres en revanche, cet électrochoc salutaire ne vint pas, l’équerre, le niveau, la perpendiculaire et le ciseau leur étant devenus, au fil du temps, des instruments inconnus.
Jamais seul en maçonnerie
Est-il possible qu’un nouvel initié puisse appréhender l’univers maçonnique sans le moindre soutien ou la plus petite explication de son parrain sur le chemin parcouru jusqu’alors et sur la route qui lui reste à suivre encore? Lune, soleil, sagesse, force, beauté, midi, minuit, métaux, VITRIOL, mercure, souffre, sel, voyages, comment comprendre seul cet univers de symboles que l’on découvre en maçonnerie? Et ces deux travaux que le vénérable maître nous demande d’effectuer pour évoluer du statut d’apprenti à celui de maître, est-il aisé de devoir les traiter sans aucun secours de son parrain? A l’évidence non et fort heureusement, ce frère n’aura pas été seul dans son parcours. D’autres frères, qu’ils soient ou non de sa loge, auront été attentifs à son dénuement et lui auront spontanément porté assistance, suppléant ainsi aux carences manifestes de ce parrain.
Ainsi accompagné, le filleul découvrira que la maçonnerie est une école de vie merveilleuse où chaque jour amène son lot de découvertes et de satisfaction. La maçonnerie n’est pas un dogme ni une doctrine, c’est une hygiène de vie avec laquelle l’homme ne cesse de s’améliorer. On ne peut être déçu de la maçonnerie, on ne peut l’être que de certains frères qui l’utilisent et la fréquentent dans de sombres desseins personnels intéressés.
Renaître grâce au parrain
Quelles que soient tes relations actuelles avec ton parrain, n’oublie jamais que grâce à lui, un jour, tu as eu le bonheur de connaître et d’entrer en franc-maçonnerie en frappant, dépourvu de tous métaux, de manière profane à la porte du temple, ce lieu secret qui sert d’abri aux maçons pour couvrir leurs travaux. Pour ma part, je tiens à remercier chaleureusement et fraternellement mes deux parrains de coeur pour m’avoir suivi, soutenu et guidé tout au long de ce long parcours initiatique qui mène à la maîtrise. Tout comme le mot sacré, je ne puis prononcer leurs noms mais ils se reconnaîtront, j’en suis certain…
Le salaire suprême pour un franc-maçon est de pouvoir un jour parrainer un nouveau frère sur le chantier du perfectionnement qui mène à la vérité universelle. Encore faut-il être soi-même un bon ouvrier et savoir manier les outils à la perfection pour en apprécier toute la quintessence! »
ERIC GRANDJEAN (Revue maçonnique suisse: novembre 2004)